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OM: pourquoi les Américains misent tant d'argent sur le foot européen

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Avant le milliardaire Frank McCourt à l'OM, ce sont les clubs de Manchester United, Liverpool et même le PSG qui avec Colony Capital avait suscité la convoitise des investisseurs américains.

Ni Luxembourgeois, ni Iranien, ni même Russe ou Chinois. Alors que les rumeurs concernant le rachat de l'OM alimentent la chronique sportive depuis quelques mois, le nom de l'acquéreur vient enfin d'être dévoilé. Il s'agit de l'homme d'affaires Frank McCourt, milliardaire de son état et qui a fait fortune dans l'immobilier. Un citoyen américain nourri au football local qui n'a rien à voir avec le sport qu'on appelle dans son pays le "soccer". Âgé de 63 ans, ce natif de Boston a d'ailleurs été, de 2004 à 2012, propriétaire des Los Angeles Dodgers, un club de baseball, l'autre sport favori des Américains.

Un Américain sur la Canebière, voilà qui a déjoué les pronostics. Il faut dire que la dernière visite d'un homme d'affaires nord-américain n'avait pas laissé un grand souvenir au Stade Vélodrome. En 2007, un certain Jack Kachkar -un investisseur canadien qui avait fortune dans la pharmacie- avait tenté de racheter l'OM à Robert Louis-Dreyfus. Une opération qui s'était soldée par une annulation et une condamnation pour escroquerie en 2011...

Le club de sport le plus cher de l'histoire

Mais Frank McCourt a semble-t-il les reins plus solides que le Canadien. La fortune de l'Américain est estimée à 1,2 milliard de dollars par la presse américaine et sa société d'investissement opère principalement dans l'immobilier commercial, notamment dans la concession de parkings. Surtout en 2012, l'homme d'affaires a réalisé un gros coup en revendant le club de baseball des Los Angeles Dodgers pour 2 milliards de dollars à l'ancien champion de basket Magic Johnson soutenu par un pool d'investisseurs. Il s'agit de la plus grosse somme payée pour un club de sport dans le monde.

Si pour l'heure aucun montant n'a été communiqué concernant le prix de rachat de l'OM pas plus que les investissements envisagés par l'homme d'affaires pour redresser le club, on peut néanmoins s'étonner de cette arrivée surprise d'un nouvel Américain dans le foot européen. Qu'est-ce qui pousse donc ces grandes fortunes à miser sur un sport qui n'emballent pas leurs concitoyens. Car McCourt n'est pas le seul homme d'affaires à avoir traversé l'Atlantique en quête d'un club de "soccer". Depuis 2005, les clubs anglais de Manchester United (Malcolm Glazer), Aston Villa (Randy Lerner), ou encore Liverpool (John W. Henry) sont passés sous pavillon américain. Et le PSG aussi d'ailleurs qui avant d'appartenir aux actuels Qataris était la propriété du fonds américain Colony Capital. 

En faire une machine à cash

"Les similitudes sont fortes entre le rachat de l'OM et celui de Liverpool, constate Bastien Drut, économiste du sport. Les deux acquéreurs sont de riches Américains qui ont possédé et revendu un club de baseball." Par ailleurs, les deux clubs -sans être des méga-stars planétaires- jouissent d'une grande ferveur populaire et bénéficient d'une grande base de fans. Le cas de Manchester est en revanche différent. Racheté en 2005 par le milliardaire Malcolm Glazer qui a fait fortune en investissant dans des secteurs aussi divers que l'immobilier ou l'agroalimentaire, Manchester est une marque globale connue aussi bien à Tokyo qu'à Los Angeles ou Pékin.

"C'est ça qui intéressait les Glazer qui en font une machine à cash", explique Bastien Drut. Acquis grâce à un LBO, Manchester s'est ainsi fortement endetté mais a généré énormément de cash pour la famille propriétaire. Mais avec un chiffre d'affaires de 500 millions de livres en 2016 (585 millions d'euros), Manchester c'est une autre dimension que l'OM qui n'a réalisé que 94 millions en 2015

"Je n'ai pas "Sheikh" devant mon nom"

Frank McCourt ne vient donc certainement pas à Marseille pour faire fortune. "C'est un investissement surtout pour l'image, reconnait Bastien Drut. Ca paraît très difficile de transformer l'OM en cash machine car les abonnements sont gérés par les groupes de supporteurs et en plus la mairie est partie-prenante en tant que propriétaire du stade Vélodrome." 

Le supporteurs de l'OM peuvent-ils au moins rêver d'un destin à la PSG avec des dollars qui coulent à flot et l'arrivée de grandes stars? Là encore rien n'est moins sûr. Lors de sa première intervention, McCourt l'a joué plutôt sobre: "Je veux une équipe qui vise le titre chaque saison, c’est mon aspiration numéro 1. Je veux construire une formation cohérente, stable, compétitive, qui va permettre d’installer de la régularité" a-t-il expliqué en conférence de presse. Et là encore, si on se réfère aux précédents américains dans le foot, c'est la sobriété qui domine. On est loin des exubérances financières des Russes (Abramovich à Chelsea) ou des fortunes du Golfe (les qatari du PSG ou les Emirati de Manchester City). "Je n'ai pas "Sheikh" devant mon nom", avait ironisé John W. Henry lors du rachat du club de Liverpool en 2010. Manière de rappeler qu'il ne comptait pas dépenser des sommes folles sur les rives de la Mersey. 

Finalement si ces Américains fortunés et passionnés de sport misent sur le football européen c'est avant tout pour diversifier leurs investissements en pariant sur le sport global. "Le football devient le sport le plus exposé à l'international, on le voit à travers la Coupe du monde, la Premier League, qui a créé un business model fantastique, explique Frank McCourt. Je pense que le futur du football français peut être aussi brillant, je suis très optimiste sur ce point." L'homme qui cherchait à investir dans le foot depuis 2014 a saisi l'opportunité de l'OM. "Il ne reste plus grand chose en Europe, les gros clubs ont déjà été rachetés, explique Bastien Drut. Il ne reste un peu que des miettes." A Marseille, on ne se contentera certainement pas longtemps d'être encore une miette.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco