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Pourquoi Orange investit à l'étranger via des holdings belges

Les récents investissements au Maroc, en Irak ou au Congo ont été effectués via des holdings belges

Les récents investissements au Maroc, en Irak ou au Congo ont été effectués via des holdings belges - -

La plupart des activités hors de France ne sont pas détenues directement par la maison-mère, mais via des holdings en Belgique. Un montage qui a pu présenter un avantage fiscal dans le passé, mais plus guère aujourd'hui.

C’est un des secrets les mieux gardés d’Orange. Vous pouvez éplucher les milliers de pages des rapports annuels publiés depuis l’introduction en bourse de 1997, vous n’en trouverez nulle trace. 

Ce secret, c’est l’organisation juridique et fiscale de l’ex-France Télécom. La particularité de cette organisation, c’est que la plupart des activités hors de France sont détenues, non pas directement par la maison-mère française, mais indirectement via des holdings installées à l’étranger: aux Pays-Bas, au Danemark et surtout en Belgique (cf. ci-contre). Et l’ex-France Télécom procède ainsi en toute discrétion depuis une quinzaine d’années, et l'a encore fait récemment pour ses dernières acquisitions (Maroc, Congo, Irak...)

Les avantages de la Belgique

En pratique, hormis la filiale polonaise (TPSA) et la britannique (Everything Everywhere), la plupart des filiales étrangères sont détenues par deux holdings belges, toutes deux créees en 1995: Atlas Services Belgium (ASB) et Wirefree Services Belgium (WSB, ex-France Télécom Participations Belgique).

Lors de récentes transactions intra-groupe, ASB a été valorisé 23 milliards d’euros, et WSB 18 milliards d’euros.

Cette organisation est parfaitement légale. Surtout, l’avantage fiscal qu’en tire l’opérateur paraît réduit: "il n’y a pas grand avantage à être en Belgique, hormis que le système fiscal belge est plus simple et plus stable que le français", explique Hervé Israel, avocat associé chez Holman Fenwick Willan.

11 milliards de bénéfices et zéro impôt

C'est ce que confirme l'examen des comptes des deux holdings belges.

La première, ASB, fait des pertes, et donc n’utilise pas des différentes niches fiscales belges.

La seconde, WSB, dégage des profits (11 milliards d’euros de bénéfices nets cumulés depuis 2004), et ne paye quasiment pas d’impôts (seulement 28.000 euros depuis 2004).

Toutefois, cela ne semble pas être dû aux charmes fiscaux spécifiques d’outre Quiévrain. Par exemple, il existe bien en Belgique la niche dite des intérêts notionnels (intérêts théoriques que généreraient les fonds propres de l’entreprise). Mais, chez WSB, cela n’a permis de déduire de ses impôts que… 61 millions d’euros depuis 2004.

La niche Copé

Finalement, WSB s'est surtout servi de la non imposition en Belgique des plus-values réalisées lors de la revente d’une participation. Par exemple, en 2008, WSB a réalisé un bénéfice net de 7,95 milliards d’euros sur lequel aucun impôt n’a été payé. Et l’essentiel de ce profit (7 milliards d’euros) provenait de plus-values sur la vente de participations à ASB.

Interrogé sur cette opération, l’opérateur répond que l'avantage retiré était minime: "si cette plus-value avait été encaissée en France, elle n’aurait été taxée qu’à 1,7%". 

Toutefois, le régime fiscal belge était autrefois bien plus avantageux, rappelle le fiscaliste Hervé Israel: "jusqu’au vote de la niche Copé fin 2004, les plus-values sur les cessions de participations étaient taxées en France à 19%, contre zéro en Belgique. Mais, après la niche Copé, les plus values ont été taxées à 1,7% en France. Dès lors, le régime français est devenu très proche du régime belge".

Echapper à l'impôt sur les bénéfices

Contacté, Michel Bon, qui fut PDG de l'opérateur de 1995 à 2002, assure: "cette organisation n'a pas été mise en place pour échapper à l'impôt sur les bénéfices en France, puisque nous y échappions déjà. Car nous n'avons pratiquement plus payé d'impôt sur les bénéfices en France à partir de 1996. En effet, nous avions passé en 1996 plusieurs très lourdes provisions sur notre immobilier, les impayés de l'Etat, le coût des préretraites... Et nous avons payé 4,5 milliards d'euros à l'Etat pour banaliser notre régime de retraite. Bref, tout cela mis bout à bout a créé des pertes importantes, qui ont été déduites les années suivantes de notre impôt sur les bénéfices".

Même son de cloche de la direction actuelle: "même si les plus-values des holdings belges avaient été encaissées en France, aucun impôt n’aurait été payé, étant donné notre stock de pertes fiscales. Le fisc français n’a donc pas été lésé. D’une manière générale, nos comptes sont régulièrement contrôlés, et notre organisation fiscale n’a jamais été critiquée ou remise en cause par le fisc".

Jamal Henni