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Orange: la parole du gouvernement n'est pas une aide d'Etat

Francis Mer et Nicolas Sarkozy à la sortie du conseil des ministres en 2002

Francis Mer et Nicolas Sarkozy à la sortie du conseil des ministres en 2002 - Daniel Janin AFP

Le tribunal européen de Luxembourg juge légal le sauvetage d'Orange effectué en 2002 par l'Etat français.

Orange et le gouvernement français peuvent ouvrir le champagne. Après 13 ans de procédure, la justice européenne leur a donné raison au sujet du sauvetage de l'ex-France Télécom par l'Etat français en 2002.

Le tribunal européen de Luxembourg a donné tort jeudi 2 juillet sur ce point à la Commission européenne, qui estimait qu'il s'agissait d'une aide d'Etat illicite.

Vrai faux prêt

Rappelons qu'en 2002, le gouvernement Raffarin avait volé au secours de l'opérateur téléphonique en deux étapes. D'abord, le ministre de l'économie de l'époque, Francis Mer, avait déclaré le 12 juillet 2002 dans les Echos: "si France Télécom devait avoir des difficultés, nous prendrions les dispositions adéquates […]. Si France Télécom avait des problèmes de financement, l’État prendrait les décisions nécessaires pour qu’ils soient surmontés". Puis, le 4 décembre 2002, le gouvernement français avait déclaré être prêt à prêter 9 milliards d'euros à l'opérateur. 

Ce soutien affiché par l'Etat-actionnaire avait joué un rôle décisif: il a fait remonter la note de la dette, et baisser le taux d'intérêt payé par l'opérateur. Finalement, l'ex-France Télécom, qui, quelques mois plus tôt, ne pouvait lever de la dette qu'à des conditions prohibitives, a donc vu ce marché se rouvrir. Et il n'utilisera donc jamais le prêt de 9 milliards proposés par l'Etat.

Pressions politiques

Mais la Commission européenne ne l'entendait pas de cette oreille. En août 2004, elle a considéré que ce "vrai faux prêt" était une aide d'Etat illégale. Mais, fait rarissime, elle n'a pas demandé le remboursement de cette aide. Officiellement, car il était trop difficile de chiffrer l'avantage dont l'opérateur avait bénéficié. Officieusement, car elle subissait de fortes pressions politiques de la part de Paris... 

Cette décision avait été contestée devant le tribunal européen de Luxembourg, qui, en 2010, avait annulé la décision de la Commission, estimant qu'il n'y avait pas aide d'Etat. Le tribunal européen de Luxembourg a réitéré cette position ce jeudi 2 juillet.

Entre temps, l'affaire a fait un aller-retour à l'échelon supérieur, la cour européenne de justice, saisie par la Commission et Bouygues. En 2013, la haute juridiction avait annulé la décision du tribunal, et lui avait renvoyé l'affaire. 

Investisseur avisé ou non?

Sur le fond, la Commission européenne avait jugé que l'Etat français ne s'était pas comporté comme une société privée, c'est-à-dire "un investisseur avisé" dans le jargon bruxellois. Dès lors, la Commission estimait qu'il y avait aide d'Etat. Mais le tribunal européen de Luxembourg estime que la Commission a mal appliqué les critères de l'investisseur avisé.

L'affaire peut maintenant en rester là, ou bien repartir devant la cour de justice européenne si la Commission se pourvoi à nouveau en cassation.

Jamal Henni