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Pas de mariage entre Orange et Canal Plus mais un flirt poussé

"Orange n'est pas une ambulance", a prévenu son PDG Stéphane Richard

"Orange n'est pas une ambulance", a prévenu son PDG Stéphane Richard - Orange Sipa R Meignaux

Ni rachat, ni prise de participation, ni filiale commune: l'opérateur téléphonique et la chaîne cryptée se contentent d'un accord commercial.

La montagne accouche (presque) d'une souris. Après des mois de négociations et de spéculations, Orange a dévoilé mardi 11 juillet son accord avec Canal Plus. Finalement, il n'y aura ni rachat, ni prise de participation, ni création d'une filiale commune, mais seulement un accord commercial. 

Un tarif exceptionnel

Selon cet accord, Orange proposera à partir d'octobre l'offre Canal Plus Essentiel (c'est-à-dire la chaîne premium et sa déclinaison Canal Plus Décalé) "à des conditions tarifaires exceptionnelles", a promis le PDG Stéphane Richard lors d'une conférence de presse. Cette offre sera réservée aux clients fibre d'Orange car "il est capital que notre produit fibre soit le plus attractif possible, pour assurer la migration vers la fibre", a-t-il ajouté.

Objectif: conquérir un million de clients avec cette offre d'ici 2020, ce qui permettrait de doubler le nombre d'abonnés Canal chez Orange, qui est aujourd'hui de 900.000. 

L'accord assure à la chaîne cryptée jusqu'en 2020 un revenu minimal garanti versé par Orange, dont le montant n'a pas été communiqué (selon des sources industrielles, il s'élèverait à plusieurs centaines de millions d'euros). 

"Orange n'est pas une ambulance pour Canal"

Stéphane Richard a ensuite détaillé pourquoi le flirt avec Canal Plus n'irait pas plus loin, dans des termes presque désobligeants pour son partenaire, représenté à la conférence par son directeur général Maxime Saada: "Orange ne va pas faire les finances de Canal. Orange n'est pas une ambulance, pas un porte valise, pas un supplétif qui devrait apporter les ressources que Canal n'aurait pas. Orange voit son rôle comme un distributeur". Dès lors, "Il n'y a aujourd'hui pas de discussion avec Vivendi ou Canal Plus sur un volet capitalistique dans un sens ou un autre. Il n'y a pas de discussion sur une entrée d'Orange au capital de Canal".

Le PDG a aussi exclu de postuler à des droits sportifs, notamment ceux de la Ligue 1 de football: "les droits, c'est le sujet de Canal Plus, pas le nôtre. Nous serons derrière les grands diffuseurs de football, à notre place de distributeur. À chacun sa place. Pour un opérateur télécoms, l'intérêt d'acquérir des droits est de les diffuser via une chaîne. Ce n'est pas la stratégie d'Orange. Nous n'avons plus de chaîne sportive. Nous n'allons pas acheter des droits pour ne rien en faire. Nous ne serons pas dans une stratégie d'acquisition massive de droits sportifs pour éditer une chaîne sportive que nous n'avons plus". La création d'une filiale commune avec Canal pour postuler à des droits sportifs, évoquée par la presse, est aussi écartée: "ce serait un peu compliqué, je ne vois pas comment".

Chat échaudé craint l'eau froide

Stéphane Richard a expliqué que chat échaudé craint l'eau froide: il a rappelé les mésaventures de l'opérateur téléphonique lorsqu'il a lancé sa chaîne de football. "Cela a été un double échec: un échec sur le plan du droit de la concurrence, et un échec commercial, car le produit était assez pauvre On était dans la demi-mesure. Or, les droits sportifs, il faut en prendre beaucoup. Et une fois qu'on y est rentré, c'est difficile d'en sortir". Bref, le patron de l'opérateur historique "ne croit pas que ce modèle crée de la valeur à long terme". Au passage, il a dénoncé une "surchauffe démente" et une "surenchère délirante" dans les droits audiovisuels, appelant "tout le monde à se calmer". 

Canal sacrifie tous les tabous 

À noter que l'offre en question sera sans engagement, ce qui est quasiment une première pour la chaîne cryptée: jusqu'à présent, seuls l'offre sur Apple TV et l'offre sur internet (over-the-top) étaient sans engagement. Tous les autres abonnés doivent s'engager pour au moins un an, et ne peuvent se désengager qu'à la date anniversaire du contrat.

En outre, Orange assurera la facturation, le service client..., tâches que la chaîne cryptée avait jusqu'à présent toujours prises en charge -c'était le modèle de l'auto-distribution. Cela a une conséquence économique importante. En effet, quand la chaîne sera commercialisée par Orange, l'opérateur empochera une commission sur le prix de vente. Cela fera autant de chiffre d'affaires en moins pour Canal Plus. 

Impact sur le financement du cinéma

Cela aura également un impact sur le financement du cinéma français. En effet, les obligations d'investissement de Canal Plus dans le septième Art (soit directement dans les films, soit indirectement via le Centre national du cinéma) sont un pourcentage du chiffre d'affaires de la chaîne cryptée. Résultat: si le chiffre d'affaires de Canal se réduit, alors l'argent injecté dans le cinéma diminue aussi.

Jusqu'à présent, la filiale de Vivendi avait défendu bec et ongles ce modèle d'auto-distribution, notamment en 2012 lorsque le gendarme de la concurrence avait voulu le faire sauter. "L'auto-distribution est la seule modalité possible de distribution pour une chaîne premium", déclarait-elle auprès de l'Autorité de la concurrence. "Sa remise en cause constituerait une remise en cause d'une partie du financement du cinéma français", prévenait-elle.

Le président du CNC Éric Garandeau avait abondé: "L'auto-distribution est un élément fondamental du modèle économique de Canal Plus. Son éventuelle remise en cause serait préjudiciable aux investissements dans la production cinématographique". 

Abonnements aux offres de Canal Plus chez Orange

Canal Plus
2012: 40.000
2015: 53.000

CanalSat
2012: 32.000
2015: 39.000

Source: BFM Business

Jamal Henni