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Pourquoi Huawei a besoin de l'Europe pour affronter Apple et Samsung

C'est en France que Huawei fera une annonce mondial le 27 mars. Ce même jour, Apple dévoilera des nouveautés depuis la Californie.

C'est en France que Huawei fera une annonce mondial le 27 mars. Ce même jour, Apple dévoilera des nouveautés depuis la Californie. - David Becker - AFP

C'est à Paris que Huawei présente aujourd'hui le P20 qui concurrence les modèles haut-de-gamme de Samsung et Apple. Mais ce nouveau smartphone ne sera pas vendu par les grands réseaux de distribution des États-Unis. La marque y est suspectée d'espionnage au profit du gouvernement chinois.

Ce mardi 27 mars, deux grands événements high-tech se dérouleront. L’un organisé par Apple se tiendra aux États-Unis, à Chicago, pour annoncer probablement de nouveaux iPad. Le second est également mondial. Il s’agit du lancement du nouveau smartphone de Huawei, le P20, lors d’une conférence qui sera tiendra à Paris au Grand Palais et sera diffusée en direct dans le monde entier sur YouTube.

Cette concomitance est-elle due au hasard? "Nous avons communiqué sur cette date en janvier, tous nos concurrents étaient donc au courant", a indiqué Alex Huang, directeur de la division Grand public de Huawei France, à BFMBusiness.com. "Mais Apple n'est pas le seul à lancer de nouveaux produits le le 27 mars, Xiaomi fera aussi une annonce ce jour là. C’est un signe qu’en tant que challenger, nous sommes pris très au sérieux".

Huawei dans le Top 3 avec Samsung et Apple

En plus de lancer un concurrent de l’iPhone X et du dernier Galaxy de Samsung, le fabricant chinois trouve avec la France une terre d’accueil pour gagner des parts de marché en Europe. "Nous sommes déjà numéro un en Espagne, deuxième en Italie et troisième en France", nous signale Alex Huang en rappelant toutefois que ce n'est pas la première fois qu'un smartphone de la marque est lancé à Paris. En 2014, Huawei y avait déjà lancé le P7.

L’enjeu est stratégique pour le troisième fabricant mondial de smartphone (derrière Samsung et Apple) qui semble peu à peu banni des États-Unis. L’administration de Donald Trump lui ferme une à une les portes du marché américain, l'empêchant de passer devant Apple en faisant grimper ses parts de marché grâce aux clients américains.

En juin et juillet 2017, le groupe chinois avait réussi à prendre la seconde place mondiale en dépassant le géant californien d'une courte tête. Mais en fin d'année, Huawei est repassé en troisième place avec un part de marché de 10,2%, avec 41 millions de smartphones vendus. Quant à Apple, il a pris la tête du marché des smartphones en vendant 77,3 millions de terminaux dans le monde, contre 74,4 millions pour Samsung.

Accusé d'espionnage par les États-Unis

Cette compétition inquiète-t-elle les autorités américaine qui sont dans un bras de fer avec la Chine? En janvier dernier, un groupe de sénateurs a réussi à convaincre AT&T et Verizon, les deux principaux opérateurs télécoms, de ne pas vendre les smartphones de Huawei aux États-Unis, notamment le dernier modèle (Mate 10).

Pour ces élus, Huawei représente un danger pour la sécurité nationale. Cette accusation a été appuyée par les services de renseignements américains (FBI, NSA, CIA) dont les responsables ont expliqué à une commission du sénat que ces produits seraient équipés de technologies d’espionnage.

Il y a quelques jours, Best Buy, le plus important distributeur de produits high-tech aux États-Unis avec plus d’un millier de magasins, a annoncé au groupe chinois qu’il ne distribuerait plus ses appareils. Le réseau de distribution ne donne aucune explication pour justifier sa décision. Interrogé par le site américain Cnet, un porte-parole a rappelé qu’il ne commentait pas "les contrats spécifiques avec les fournisseurs".

Une arme politique dans une guerre commerciale

Alors que Huawei n’avait pas commenté le refus des opérateurs, ni les accusations des agences de renseignements, il a vite réagi à la décision de Best Buy en rappelant que ses smartphones avaient été certifiés par la Commission fédérale des communications (FCC) qui n’a détecté aucune technologie suspecte. "Nous appareils sont toujours vendus aux États-Unis via d'autres réseaux de distribution", déclare un porte-parole Huawei qui rappelle aussi que "48 des 50 opérateurs télécoms les plus importants de la planètes" travaillent avec la marque.

En Europe, le groupe chinois n'est pas accusé d'espionnage. Ses antennes relais, qui ont aussi été interdites aux États-Unis, équipent même les réseaux des opérateurs télécoms, notamment en France où Huawei est partenaire de Bouygues pour tester la 5G à Bordeaux. Elle est aussi partenaire de Peugeot et Citroën dans la voiture connectée.

Et comme les géants américains (Google, Facebook, Apple), il a aussi créé en France un laboratoire de recherche et développement qui emploie 150 chercheurs dont 85 mathématiciens. Cette unité est sous la direction de Merouane Debbah.

Pour Richard Yu, patron de la division grand public de Huawei, les accusations américaines ne tiennent pas. Dans un entretien aux Échos, il déclarait que sa marque est distribuée dans 170 pays", mais un seul "utilise l'arme politique contre nous". La guerre commerciale qui oppose les États-Unis à la Chine ne semble pas épargner les nouvelles technologies. Huawei est-elle une victime collatérale de ce conflit?

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco