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Pourquoi l'ex-propriétaire d'une papeterie a saccagé ses machines avant de les vendre

Ce mardi, les machines de l'ancienne papeterie de Docelles, dans les Vosges, sont mises aux enchères. Mais les 200 lots proposés ne pourront intéresser que les ferrailleurs car elles ont été mises hors d'usage.

La papeterie UPM de Docelles, dans les Vosges, est à l'arrêt depuis 2014 après avoir œuvré pendant cinq siècles. Ce mardi 24 octobre une nouvelle page se tourne: ses machines sont mises aux enchères. Au total, ce sont 200 lots qui sont proposés à l'hôtel des ventes d'Épinal.

Dans le catalogue de la vente, certains équipements portent la mention "cylindres percés": les acheteurs éventuels sont ainsi dûment avertis que les appareils concernés vaudront surtout pour leur poids en métal. Sauf que leur état n'est pas dû à la vétusté. Les machines ont été mises hors d'usage sur ordre de leur propriétaire, le groupe finlandais UPM.

Les anciens ouvriers écoeurés

Endommager ainsi les machines, "c'est un manque de respect pour tous ceux qui ont travaillé là", se désole Gildas Bannerot, ancien délégué CFDT, qui a travaillé 37 ans à Docelles, qui fut la plus ancienne papeterie d'Europe. Les anciens propriétaires "auraient mieux fait de tout vendre directement à des ferrailleurs, plutôt que de les casser comme ça", ajoute l'ancien ouvrier de maintenance, qui reconnaît toutefois que "sur le fond, ça n'aurait pas changé grand-chose".

Après la fermeture de l'usine, qui avait laissé 162 personnes sur le carreau en janvier 2014, certains anciens salariés s'étaient battus en justice, mais en vain, pour reprendre l'usine: le propriétaire du site avait refusé de le leur céder à un prix raisonnable. "Ils ont tout fait pour qu'il n'y ait pas de reprise d'activité", commente Gildas Bannerot.

Pour l'actuel représentant en France du groupe UPM, Jean Kubiak - qui fut l'avant-dernier directeur du site vosgien, de 2008 à 2012 -, cette mise hors d'usage des anciennes machines "crée une émotion compréhensible", mais doit être considérée "en fonction du contexte économique".

Barrer la route aux concurrents

"Effectivement, les rouleaux de la machine à papier ont été percés, afin d'éviter qu'un concurrent puisse les utiliser", a expliqué à l'AFP Jean Kubiak. La fermeture de l'usine avait été décidée pour mettre fin à une surcapacité de production, cet effort serait vain si des concurrents obtenaient à bon prix ce matériel pour ensuite inonder le marché avec du papier bon marché. "Je ressens cette charge émotionnelle. J'étais dans cette usine. Je sais ce que ça signifie, cet attachement à un outil industriel. En même temps je sais ce que c'est de devoir vendre une tonne de papier et d'être en concurrence avec le marché mondial", a ajouté l'ancien directeur du site vosgien.

La société qui a acheté en juin le site de Docelles - et qui souhaite se débarrasser des machines cette semaine aux enchères - était parfaitement au courant que les appareils étaient hors d'usage, assure-t-il. Ce dossier n'est donc pas celui d'un "patron voyou qui viendrait détruire en cachette l'outil de travail", selon Jean Kubiak..

C.C. avec AFP