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Pourquoi l’iPhone "Made in America" de Donald Trump n’existera jamais

Entre Apple et Donald Trump, c'est une guerre froide depuis l'affaire du FBI durant laquelle le candidat à la Maison-Banche a appelé au boycott des produits Apple.

Entre Apple et Donald Trump, c'est une guerre froide depuis l'affaire du FBI durant laquelle le candidat à la Maison-Banche a appelé au boycott des produits Apple. - Mark Wilson - Getty Images North America/AFP

"Apple est dans le viseur de Donald Trump qui voudrait que les iPhone soient fabriqués aux États-Unis plutôt qu’en Chine. Les experts du MIT se sont penchés sur le sujet et leur conclusion est sans appel: l’iPhone "Made in the USA" est une utopie."

En période électorale, il ne s’agit pas de faire des choses, mais de promettre ou de lancer des idées sans vérifier si elles sont réalisables. Et parfois, les candidats se prennent les pieds dans le tapis. Ainsi Donald Trump qui ne supporte plus que les produits Apple soient fabriqués principalement en Chine, et un peu au Brésil. Pour lui, l’iPhone est un symbole de la puissance technologique américaine et doit devenir un véritable produit "Made in USA".

Konstantin Kakaes, un expert du MIT, a voulu vérifier si cette idée était réalisable en étudiant les coûts de production révélés par le cabinet IHS. Et pour lui, l’iPhone serait bien plus cher que la version "made in China" et pas seulement à cause du salaire des ouvriers. Selon ce spécialiste, les États-Unis n’ont ni le savoir-faire, ni les infrastructures, ni les matières premières pour réaliser le rêve industriel de Donald Trump qui repose sur le rapatriement des 1,6 million de travailleurs qui participent à l’assemblage des iPhone dans les usines de Foxconn en Chine ou au Brésil. Pour Konstantin Kakaes, il ne s'agit pas d'un projet, mais d'une utopie.

Les entreprises américaines moins compétitives

Un iPhone nécessite la participation de 766 fournisseurs dont 346 sont chinois et seulement 69 sont américains. Les autres sont soit japonais (126), soit taïwanais (41). Importer les composants étrangers aux États-Unis grèverait encore plus le coût de production qui s’alourdirait de taxes d’importations. Le produit le plus concerné est la bauxite, indispensable à la fabrication des iPhone. L’un des plus importants producteurs est la Guinée (un tiers de la production mondiale) avec l’Alliance Minière Responsable (AMR) dont l’un des actionnaires est Xavier Niel, le fondateur de Free.

Autre barrière pour cet iPhone américain: la compétitivité. Et sur ce point, le MIT est catégorique: "Les entreprises américaines ne peuvent être compétitives face aux usines asiatiques". Si l’iPhone était assemblé aux États-Unis, il coûterait 30 à 40 dollars de plus et pas seulement à cause d'un coût de main-d’œuvre plus élevé. Il faut aussi ajouter les coûts d’exportation et de logistique. "Dans l’hypothèse peu probable où tous les autres coûts seraient identiques, le prix d’un iPhone 6s serait gonflé de 5%". L’impact sur les ventes mondiales serait immédiat, notamment en Chine et en Inde, les deux marchés les plus prometteurs à moyen ou long terme pour Apple et sur lesquels l'américain est face à des concurrents bien moins chers.

Une prestation de Trump pour Samsung

Donald Trump n’est pas le seul à lancer cette idée d’iPhone made in America. Elle a aussi traversé l’esprit des démocrates puisque Bernie Sanders l’a envisagé. Mais, bien avant, Barack Obama l’avait évoqué avec Steve Jobs qui déjà avait rétorqué qu’au-delà des coûts de main-d’œuvre, la mission serait impossible.

Pour preuve, Apple ne fabrique qu’une gamme d’appareils aux États-Unis, le MacPro. Assemblé au Texas par Flextronics, le ticket d’entrée de cette machine est de 3.000 dollars. Et pour convaincre Apple, le gouvernement a octroyé de nombreux avantages fiscaux en échange des emplois créés. Sans ces aides, ce Mac pourrait encore coûter bien plus cher.

Alors pourquoi Donald Trump revient-il en force sur le sujet en mettant en doute la loyauté patriotique d’Apple? Business Insider a son idée. Selon les documents sur ses finances personnelles publiés par le Washington Post, le défenseur du Made in the USA aurait touché 150.000 dollars de Samsung Electronics America en 2015 pour une conférence. Le fabricant coréen n’a voulu faire aucun commentaire sur cette prestation ni sur son montant.

Mais, au-delà de cette prestation rémunérée, l’affaire du déblocage de l’iPhone d’un terroriste lié aux attentats de San Bernardino ne passe toujours pas pour Donald Trump. En février dernier, en plein débat sur le sujet, le candidat républicain appelait au boycott d’Apple et lançait un tweet sans équivoque. "J’utilise un iPhone et un Samsung, mais si Apple persiste à ne pas aider les autorités, je n’utiliserais que Samsung". Apple n’a pas collaboré, et Trump continue de tweeter avec son… iPhone!

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco