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Pourquoi la F1 est en perte de vitesse

Alors que Nico Rosberg a gagné son premier titre ce dimanche 27 novembre, la discipline voit ses audiences et ses revenus de sponsoring chuter. La F1 doit se réinventer au risque d'être marginalisée.

Nico Rosberg a le sourire. Ce dimanche novembre, le pilote de Mercedes de 31 ans a remporté sa première couronne de champion du monde de F1 à l'issue du dernier Grand Prix de la saison. Il imite son père, Keke, qui avait lui aussi décroché la précieuse couronne, en 1982. 

Si on a donc sabré le champagne au sein du camp de l'Allemand, du côté des grandes instances de la discipline reine du sport auto, l'heure n'est pas à la fête. Lundi, le ministre du Tourisme malaisien, Mohamed Nazri Abdul Aziz, a indiqué que son pays n'organiserait plus de Grand Prix après 2018, les organisateurs n'arrivant pas à rentabiliser l'investissement de 300 millions de ringgits (environ 64 millions d'euros).

Audiences en berne

Et Singapour menace de faire la même chose. "La raison est la même: ils ne rentrent pas dans leurs frais alors qu'ils dépensent jusqu'à 90 millions de dollars pour accueillir la course", souligne Paolo Aversa, professeur de stratégie à la Cass Business School de Londres et spécialiste de la F1. Ce n'est pas nouveau. La Corée du Sud et la Turquie ont disparu en 2010 et 2011, et le Grand Prix d'Allemagne n'a désormais lieu qu'une année sur deux.

Car la F1 fait moins recette. Entre 2008 et 2015, les audiences télévisées globales ont chuté de 600 à 400 millions de téléspectateurs, indique Bloomberg. De plus, selon le Financial Times, les recettes de sponsoring des écuries ont fondu de 21% entre 2012 et 2015, de 950 à 750 millions de dollars. 

"Tout est lié. Si votre audience est moins élevée, les sponsors ont moins de visibilité et ne veulent plus dépenser autant", souligne Paolo Aversa. L'économiste rappelle aussi que la F1 "est une industrie avant tout basée sur le divertissement et sur le fait que les fans suivent le show. Mais le résultat sportif est devenu trop prévisible et la technologie (et donc la vitesse, ndlr) est limitée par la régulation". L'ultra-domination de Ferrari, puis Red Bull et enfin Mercedes (11 titres à elles 3 en 15 ans) a petit à petit réduit l'intérêt des amateurs de sport. Surtout des jeunes. "Il faut réellement que la F1 arrive à attirer la génération Y qui ne la regarde pas", souligne Paolo Aversa.

Le défi de Liberty Media

Il en va de son prestige mais aussi de sa pérennité. Car face à la baisse des revenus, la F1 subit un effet ciseau avec des coûts élevés. "Nous sommes une industrie qui voit ses coûts exploser et les dirigeants n'arrivent pas à se réunir pour les freiner", déplore Zak Brown, le directeur général de Chime Sport Media, entreprise chargée de trouver les sponsors de la F1, cité par le Financial Times.

Si les budgets des écuries de F1 restent un secret bien gardé, Paolo Aversa considère qu'une écurie comme Mercedes dépense autour de 300 millions d'euros par an. En cause: le coût de développement des moteurs et de l'aérodynamique mais aussi le transport, puisque les équipes disputent pas moins de 21 Grands Prix par an aux quatre coins de la Terre.

Au final, Liberty Media, qui a déboursé 4 milliards d'euros en septembre pour acquérir les droits de la F1 "va avoir un travail colossal pour rentabiliser son investissement", juge Paolo Aversa.

Des pistes de changement

Comment, dès lors, redynamiser la F1? Le chercheur suggère de revoir les accords Concorde, qui définissent la redistribution des revenus collectés par Formula One Management (l'entreprise qui gère commercialement la F1) aux écuries et qui expirent en 2020. Ils prévoient qu'une partie importante de l'argent soit redistribué selon le classement des équipes "ce qui tue le spectacle", estime-t-il.

Le grand manitou de la F1 Bernie Ecclestone pense changer le format, en faisant courir deux courses de 40 minutes au lieu d'une seule d'environ une heure et demie. Ce qui permettrait d'interviewer les pilotes et de placer de la pub lors de la pause entre les deux courses.

Liberty Media, enfin, compte augmenter le nombre de Grands Prix et faire passer la F1 "dans l'ère du numérique" en développant notamment des services de streaming sur mobile. Sur ce dernier point, la F1 pourrait s'inspirer de la Formule E, sa petite sœur électrique qui grimpe de plus en plus et qui a su mettre l'accent sur les réseaux sociaux. Un terrain sur lequel la Formule 1 est encore trop peu présente.