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Pourquoi la future bio-raffinerie Total de La Mède suscite des inquiétudes

Entrée de la raffinerie Total à La Mède (Bouches-du-Rhône).

Entrée de la raffinerie Total à La Mède (Bouches-du-Rhône). - Bertrand Langlois - AFP

La reconversion du site Total de La Mède en bio-raffinerie préoccupe des défenseurs de l'environnement. Ceux-ci critiquent l'approvisionnement de la plateforme en huiles végétales et alimentaires recyclées.

Total mise sur les biocarburants pour donner un nouveau souffle à sa raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône). Un site historique du géant pétrolier français, ouvert en 1935 sur les bords de l'étang de Berre, à une trentaine de kilomètres de Marseille. Afin de devenir la première bioraffinerie de France, le complexe pétrochimique a cessé ses activités de raffinage du pétrole brut fin 2016.

Total, qui a consenti à investir 275 millions d'euros dans la reconversion de son site, indique que La Mède sera en capacité de produire, dès 2018, 500.000 tonnes de biocarburants par an. Pour cela, la plateforme recevra 450.000 tonnes d'huiles végétales, 100.000 tonnes d'huiles de palme ou non-alimentaires et 100.000 tonnes d'huiles alimentaires recyclées par an. Ce qui a le don d'agacer nombre d'associations de défense de l'environnement. 

Inquiétudes sur les importations de matières premières 

"450.000 tonnes, cela fait doubler les importations d'huile de palme en France alors qu'on cherche à les réduire" dénonce, auprès de l'AFP, Mireille Villion. Selon cette membre de l'ONG "Les Amis de la Terre", le recours aux huiles végétales cache un approvisionnement quasiment exclusif en huile de palme produite en Indonésie et Malaisie. Les plantations de palmiers pour en extraire l'huile de palme entraînent une déforestation massive dans ces deux pays -principaux producteurs- fragilisant l'écosystème et menaçant les populations de rhinocéros, orangs-outans et de tigres.

À la mairie de Châteauneuf-les-Martigues -ville où est située la raffinerie- une femme déguisée en orang-outang et des membres des Amis de la Terre, ont remis vendredi 14 avril une centaine de lettres de citoyens exprimant leurs inquiétudes au commissaire-enquêteur. Ce dernier y tenait sa dernière permanence dans le cadre de l'enquête publique liée au projet de reconversion du site pétrochimique. Sur des pancartes proclamant: "Biodiesel = déforestation climaticide", la photo aérienne d'une plantation d'huile de palme en Indonésie était barrée de la mention "Scène de crime climatique".

Action de l'ONG "Les Amis de la Terre" devant l'hôtel-de-ville de Châteauneuf-les-Martigues.
Action de l'ONG "Les Amis de la Terre" devant l'hôtel-de-ville de Châteauneuf-les-Martigues. © Anne-Christine Poujoulat - AFP

Selon le directeur du site de La Mède, François Bourasse, interrogé par l'AFP, "toutes les huiles végétales que nous utiliserons seront certifiées selon les critères sévères mis en place par l'Union européenne, (qui) s'appliquent à toute la chaîne de production et de distribution des biocarburants". Ce dernier précise que "les acteurs économiques doivent être en mesure de démontrer que les critères de durabilité ont été respectés, que les informations sont fiables et qu'un contrôle indépendant des informations a été mis en oeuvre". 

"Nous traiterons 60 à 70 % d'huiles végétales - soja, colza, palme - que nous utiliserons en fonction des disponibilités sur le marché, du prix, des qualités requises et de ce qui est autorisé par la réglementation", ajoute François Bourasse. 

Un projet "conçu pour limiter son impact environnemental"

Les Amis de la Terre, fortement mobilisés, contestent aussi le chiffre de 100.000 tonnes d'huiles alimentaires recyclées. "C'est impossible d'atteindre cette quantité-là, Total ment", affirme Mireille Villion qui redoute l'acheminement de matières premières depuis la Chine ou les États-Unis. "Entre le partenariat que nous avons signé avec Suez pour collecter jusqu'à 20.000 tonnes par an d'huiles alimentaires usagées et (celles) que nous achèterons via notre activité de trading, nous estimons pouvoir atteindre 100.000 tonnes par an en quelques années", assure François Bourasse. 

Dans son avis sur la reconversion du site émis en février, la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal Paca) constate que "le projet est conçu de manière à limiter son impact sur l'environnement". Elle "recommande au pétitionnaire de s'engager sur la qualité environnementale des filières d'approvisionnement en huiles ainsi que sur la recherche d'une optimisation du bilan carbone global du plan d'approvisionnement de la future bio-raffinerie". Le commissaire enquêteur remettra son avis d'ici un mois au préfet, qui autorisera ou non le projet. De son côté, Total prévoit également la construction sur le site d'une ferme solaire et d'un centre de formation des métiers de la raffinerie.

"On demande que Total réfléchisse à ce qu'il fait et propose un autre projet plus fiable", affirme Mme Villion, rappelant la résolution de l'Union européenne adoptée le 4 avril sur "l'élimination progressive dans les biocarburants d'huiles végétales, sources de déforestation, d'ici 2020".

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A.M. avec AFP