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Pourquoi la SNCF ne peut pas acheter des trains qu'à Alstom

Le TER Regio 2N, construit pour la SNCF par l'industriel au capital canadien Bombardier.

Le TER Regio 2N, construit pour la SNCF par l'industriel au capital canadien Bombardier. - Mehdi Fedouach - AFP

A l'instar d'Arnaud Montebourg, nombreux sont ceux qui pointent les récentes commandes de la SNCF à des industriels étrangers comme la principale cause des déboires d'Alstom et de la fermeture de son site de Belfort. C'est loin d'être aussi simple.

La région de Belfort retient son souffle. Alstom envisage d'y fermer son site industriel de construction de trains, et de transférer cette activité vers son site historique en Alsace dès la fin 2018. A la clé: 400 emplois.

Une des principales motivations de cette décision, explique Gilles Dansart, du site spécialiste des transports Mobilettre, c'est que la SNCF ne commande plus assez de trains à l'industriel français. Dernièrement en effet, la compagnie ferroviaire française lui a préféré les allemands Vossloh et Siemens, ou le canadien Bombardier.

L'obligation de l'appel d'offres

À l'instar de l'ex-ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, certains estiment donc que la SNCF, entreprise publique dont l'État est le seul actionnaire, devrait systématiquement choisir Alstom comme fournisseur. Sauf qu'elle ne le peut tout simplement pas. Parce que l'entreprise est dans "un marché ouvert", souligne Gilles Dansart, donc "la préférence nationale est inapplicable dans l'état actuel des textes".

Comme toutes les entreprises publiques, la SNCF est obligée de se soumettre aux procédures européennes, très codifiées, de l'appel d'offre. Et ce, pour toutes ses commandes dépassant 418.000 euros. Sachant qu'une seule rame de TGV coûte environ 30 millions d'euros, et une rame de TER environ 10 millions, ce seuil est systématiquement dépassé. Une fois l'appel d'offres lancée, la SNCF est tenue de choisir l'offre la mieux-disante économiquement.

Bombardier, plus français que canadien

Or ces derniers temps, Alstom a été moins compétitif. Sur le marché de 140 millions d'euros de locomotives de manœuvre attribué en août, "celles de Vossloh étaient moins chères", explique Gilles Dansart. Précisons aussi que le choix n'a pas été fait par la SNCF elle-même, mais par une de ses filiales, Akiem, qu'elle détient à parité avec l'allemand Deutsche Bank.

Sur le TER, la SNCF a attribué en 2014 deux mégas appels d'offres, l'un à Alstom, l'autre à Bombardier. Et à ceux qui déplorent l'attribution d'une partie de ce marché à l'industriel au capital canadien, il faut rappeler que Bombardier produit ces trains en France, dans son usine de Crespin (Nord). Ce qui fait de l'industriel, en termes d'activité sur le sol français, "le plus important acteur français du ferroviaire", pointe François Dumont, journaliste au magazine Ville rail & Transports.

La fragile économie de la grande vitesse 

L'attribution d'un appel d'offre dépend aussi de critères édictés dans le cahier des charges. Théoriquement, la SNCF peut le rédiger de manière à favoriser Alstom. En tout cas lorsqu'il s'agit de commander des TGV, puisque l'industriel est le spécialiste de la grande vitesse.

Le problème, c'est qu'actuellement, l'économie du TGV est de plus en plus fragile. La SNCF perd de l'argent sur cette activité. Du coup, "elle considère n'avoir pas besoin de TGV en masse. Elle prolonge au maximum la vie du matériel, et ne lance aucune nouvelle commande", décrypte François Dumont. Avec un effet direct sur l'activité du site de Belfort, qui construit justement ces trains les plus rapides.

L'État actionnaire pourrait-t-il pousser la SNCF à commander davantage de TGV, comme il l'a fait par le passé ? À l'heure où la dette de l'entreprise publique dépasse les 50 milliards d'euros, cela reviendrait à déplacer le problème.

Nina Godart