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Pourquoi le "Netflix chinois" va devenir un géant mondial de l’automobile

Jia Yueting a créé LeTV en 2004 avec un service de vidéos en ligne. Aujourd'hui, il investit dans la voiture autonome en Chine et aux États-Unis.

Jia Yueting a créé LeTV en 2004 avec un service de vidéos en ligne. Aujourd'hui, il investit dans la voiture autonome en Chine et aux États-Unis. - CC YouTube

"Aston Martin a dévoilé à Pékin un modèle réalisé en partenariat avec LeEco. Ce groupe chinois, spécialisé à l'origine dans le streaming vidéo, n’a pas pour ambition de rester un simple équipementier. Il finance l'américain Faraday Future et vient de présenter une voiture électrique et autonome."

En Europe, LeEco est inconnu, ou presque. Cette société chinoise dont le nom se prononce "liko" a fait parler d’elle en investissant d'abord secrètement dans Faraday Future, ce constructeur californien de voitures 2.0. LeEco est apparu il y a quelques jours sur le devant de la scène grâce à Aston Martin, en réalisant le système embarqué de la voiture préférée de James Bond. Ce partenariat ne s’arrêtera pas là puisque les deux marques comptent lancer en 2018 une version électrique de la Rapide S.

Mais avant cette offensive, la réputation du groupe fondé par Jia Yueting s’appuyait sur LeTV, un service de vidéo en ligne calqué sur celui de Netflix. Et malgré son succès en Chine, le groupe a des ambitions bien plus importantes que le divertissement des foyers, même s’il est déjà le numéro un chinois de la vidéo. C’est cette activité qui lui a donné l’ambition de devenir un concurrent de poids des géants californiens des nouvelles technologies.

10.000 invités pour le lancement de sa voiture autonome

Enfin, il faut noter que ce groupe n’existe que depuis 2004. Aujourd’hui, il réalise un chiffre d’affaires de 4,6 milliards de yuans (6,15 milliards d’euros) en progression de 117% en un an et emploie 5.000 personnes. Quant à sa valorisation boursière, elle s’élève désormais à 100 milliards de yuans, soit 13,4 milliards d’euros, selon le Shanghai Daily. Côté clients, les services en ligne de LeTV (musique, vidéo, sports...) attirent en moyenne chaque jour plus de 400 millions d’internautes.

Si ce succès est indéniable, Jia Yueting ne veut pas se contenter d’un rôle d’équipementier pour permettre aux constructeurs automobiles traditionnels d’affronter l’offensive dans la voiture autonome de Tesla, Apple et Google. Lors du salon chinois de l’auto, LeEco a invité 10.000 personnes pour présenter la LeSee (prononcez Litchi), un concept présenté comme "la voiture la plus technologique du monde", histoire d'agacer un peu Google et Apple.

Cette berline qui est déjà comparée à la Model 3 de Tesla sera commercialisée en 2020. Elle ne se positionne pas seulement sur le grand public. Elle compte sur l’explosion du marché des VTC pour préparer l’avenir du secteur avec des voitures totalement autonomes. Une cible que Tesla vise aussi. Seule différence: le chinois vient d'investir dans Yidao Yongche, une appli chinoise de type Uber.

Tesla contraint de réagir pour entrer sur le marché chinois

La LeSee ne sera à priori pas construite aux États-Unis dans l’usine du Nevada que LeEco finance pour Faraday Future. Elle devrait n’être réservée qu’au marché chinois pour faire barrage aux ambitions de Tesla qui a fait un tabac en Chine avec la Model 3. Dans un entretien au South China Morning Post, le vice-président de Tesla Asie Pacifique a révélé que "la Chine est devenue le second marché mondial de Tesla", sans toutefois donner de chiffres. Une véritable performance au vu des difficultés administratives, des taxes d’importation et des "coups bas" des concurrents locaux auxquels fait face le constructeur américain. Tesla a donc décidé, sous la contrainte, de monter une usine en Chine.

LeEco attend son concurrent de pied ferme sachant qu’il n’aura pas à l’attaquer directement sur ses terres. Il a investi un milliard de dollars dans Faraday Future pour faire le travail avec des voitures Made in USA. Une stratégie digne de Sun Tzu, l'auteur de "L'Art de la Guerre".

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco