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Ces banques qui taxent ceux qui laissent dormir leur argent

La banque JPMorgan va taxer ses plus gros déposants.

La banque JPMorgan va taxer ses plus gros déposants. - Timothy A. Clary - AFP

JPMorgan s'apprête à prélever des frais sur certains comptes courants. Une pratique qui se répand aussi en Allemagne et au Luxembourg.

Le cash ne fait plus saliver les banques. A l'occasion de la présentation de ses résultats, mardi, JPMorgan a annoncé qu'elle prélèverait des frais sur les comptes courants, où reposent de très importantes masses d'argent. Elle veut ainsi ramener de 390 milliards à 100 milliards les dépôts des fonds d'investissements et autres sociétés de capital-investissement au sein de sa banque de détail.

"Ces dépôts ne sont pas un plus pour nous", a confirmé mardi Marianne Lake, la directrice financière du groupe. Une révolution dans l'histoire de la première banque américaine en termes d'actifs. 

Des dépôts devenus coûteux pour les banques

Il faut dire qu'auparavant, les sommes d'argent déposées sur des comptes courant plutôt que sur des produits d'épargne ne rapportaient certes pas grand-chose aux banques, mais elles ne leur coûtaient rien non plus. Ce temps est révolu.

En dressant le bilan de la crise de 2007-2008, le régulateur a constaté que les gros déposants, tout particulièrement les autres établissements financiers, opéraient des retraits massifs très rapidement en cas de soubresauts de l'économie, ou quand la réputation de la banque était remise en cause. Il a donc jugé que les "banques devaient faire en sorte de rester résilientes face à ces risques", explique Céline Choulet, économiste bancaire chez BNP Paribas.

Ainsi, depuis janvier 2015, de nouvelles règles obligent les banques américaines à se prémunir contre une éventuelle crise de liquidité. Les établissements qu'on appelle "too big to fail", ceux dont la faillite menacerait l’ensemble du système financier, doivent notamment se doter d'un matelas de sécurité qui doit pouvoir couvrir les sorties nettes de trésorerie à l'horizon d'un mois. 

Pousser les gros clients vers des produits plus rentables

Et pas n'importe quel matelas: ce doit être des "actifs liquides de haute qualité". Comprendre "des actifs que la banque doit pouvoir convertir en liquidités très rapidement, tels que des réserves excédentaires auprès de la Banque centrale américaine, ou de la dette d'Etats très bien notés", souligne l'analyste de BNP. La volonté de JPMorgan de "réduire les gros dépôts non-garantis de fonds et d'autres banques est directement liée à ces nouvelles contraintes", conclut-elle.

"Coquecigrue et billevesées", tonne pour sa part Serge Maître, le secrétaire général de l'Association française des usagers bancaires. Selon lui, "JPMorgan cherche en réalité à pousser ses gros clients vers des produits financiers risqués, bien plus profitables pour la banque qui les gère", estime-t-il. En taxant certains dépôts, elle tente simplement "de générer plus de rentabilité dans son activité de détail".

Les banques américaines se livrent "une sorte de guerre des dépôts à l'envers", nuance Jézabel Couppey-Soubeyran, professeur à l'Université Paris I et à l'Ecole d'économie de Paris. "Du point de vue des très grandes banques, il ne s'agit plus de se battre pour attirer ces gros dépôts d'investisseurs institutionnels (hedge funds, fonds d'investissement, fonds de private equity, ...) mais au contraire de faire le nécessaire pour ne pas en attirer trop", continue-t-elle. Une mesure qu'elle juge "plutôt favorable à la stabilité financière".

Un mouvement similaire en Europe?

Pourrait-on assister à un phénomène similaire avec les banques européennes? C'est déjà le cas. Comme le racontait Challenges en novembre, des banques allemandes et luxembourgeoises appliquent désormais des taux négatifs sur les comptes de dépôts trop bien pourvus de certains clients. En somme, elles les font payer pour laisser leur argent dormir chez elles.

L'explication n'est cette fois pas à chercher seulement du côté de normes réglementaires, mais aussi de Francfort. La banque centrale européenne, pour inciter les banques de l'Union à prêter davantage, les fait désormais payer pour déposer des liquidités chez elles. Ces établissements européens ne font ainsi que répercuter ces coûts sur leurs gros clients. Du moins avancent-elles cette raison.

Nina Godart