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Assurance Banque

Pourquoi les banques vous poussent à prendre des cartes à débit différé

VIDÉO - Depuis quelques mois, les clients des banques françaises se voient fortement incités à troquer leur carte bancaire à débit immédiat pour une carte à débit différé, parfois contre leur volonté. Car cette forme de crédit gratuit leur rapporte davantage. Explications.

Si votre carte Visa Premier ou Mastercard Gold arrive bientôt à expiration, votre banque va probablement vous demander une autorisation pour en commander une nouvelle. Mais cela ne se fera pas automatiquement. Pour quelle raison? Depuis quelques mois, les cartes premium de nombreuses banques sont désormais obligatoirement à débit différé et non plus immédiat.

Quelle est la différence? La CB à débit différé est une véritable carte de crédit grâce à laquelle tous vos paiements du mois (en dehors des retraits d'espèces) seront débités de votre compte, une fois par mois, à une date qui diffère selon les banques. A la Caisse d'Épargne c'est le 4 du mois par exemple, chez LCL c'est le dernier jour ouvré du mois. Ce jour-là, votre compte courant va donc fondre d'un coup, puisqu'il sera débité de tous vos achats du mois.

Les banques gagnent plus avec le débit différé

Très prisé par les cadres et les commerciaux qui avancent leurs frais professionnels avec leur carte personnelle ou par les consommateurs qui ont de grosses dépenses à effectuer, les cartes à débit différé étaient réservées jusqu'alors aux très bons clients des banques. Elles coûtaient d'ailleurs plus cher. Logique puisqu'il s'agit d'une sorte de crédit gratuit, facturé via le prix de la carte aux clients. 

Mais après les avoir rendu de plus en plus abordables, certaines banques vous incitent fortement voire vous obligent désormais à en prendre une. A la Caisse d'Epargne par exemple, dès lors que vous souhaitez disposer d'une Visa Premier vous ne pouvez plus bénéficier du débit immédiat. La banque se défend en assurant que le prix de la carte n'a pas augmenté et que l'établissement offre gratuitement le service. 

Mais pourquoi les banques s'empressent-elles à proposer obligatoirement ce service à des clients qui n'en demandent pas tant? "Parce que c'est leur intérêt, ça leur rapporte plus", explique Jean-Jacques Manceau, spécialiste de la finance et responsable du site My Little Money. Il faut savoir que pour chaque paiement par carte, les commerçants versent une commission à leur banque. Or jusqu'en 2015, cette commission était la même quelque soit le type de carte. Mais depuis cette date, elle est plafonnée à 0,2% du montant de l'achat pour les paiement en débit immédiat et à 0,3% pour ceux effectués en débit différé. Autrement dit, pour 200 euros, la banque du commerçant touchera 60 centimes pour un débit différé et 40 centimes sur un débit immédiat.

Les cartes à débit différé de moins en moins chères

Et comme les Français effectuent pour 600 milliards d'euros de paiement par carte chaque année, le manque à gagner pour les banques est considérable. Si tous les Français, payaient avec une carte à débit immédiat, cela représenterait un gain de 600 millions d'euros par an. "D'ailleurs, explique Jean-Jacques Manceau, dans de nombreuses banques les commerciaux ont des objectifs pour pousser le client au débit différé." Cet activisme commercial se traduit donc par l'obligation dans de nombreuses banques d'avoir du débit différé sur des cartes premium mais aussi par une baisse générale des prix de ces cartes.

Auparavant beaucoup plus chère, la carte à débit différé coûte désormais 43 euros par an en moyenne (contre 41 euros pour le débit immédiat) selon Panorabanques. Et dans une quinzaine de banques françaises, elle est même désormais moins chère que celle à débit immédiat. "Globalement, la cotisation des cartes à débit immédiat augmente alors que celle des cartes à débit différé baisse, confirme Guillaume Clavel, le président du site Panorabanques. Ce n’est pas un coût pour le client mais c’est un revenu additionnel pour sa banque qui cherche donc à rendre la carte à débit différé plus attractive." Ces cartes qui représentaient 30% du marché en France en 2015 pourraient prochainement dépasser les 50% selon les experts du secteur.

Et si les banques bénéficient d'un meilleur taux de commission sur les débits différés depuis 2015 c'est parce qu'un nouveau règlement européen (le DSP2) est entré en application en France. Un règlement qui est venu abaisser le taux de commission afin de permettre l'émergence de nouveaux acteurs sur ce marché du paiement comme par exemple Compte Nickel ou Orange Banque. "Les banques ont du s'y plier mais elles ont négocié en contrepartie un meilleur taux pour le débit différé pour ne pas trop y perdre, précise Jean-Jacques Manceau. Car les banques gagnent de moins en moins d'argent avec ces services de paiement. Les retraits d'espèce ne rapportent plus, les chèques -qu'elles veulent supprimer depuis des années- leur coûtent de l'argent et il n'y a guère encore que les cartes qui leur rapportent mais qui tendent à se marginaliser avec l'arrivée de nouveaux services de transfert d'argent comme on le voit arriver sur Facebook notamment."

Le débit différé, un risque d'endettement?

Si avec le débit immédiat, les clients des banques peuvent voir presque en temps réel l'évolution de leur solde sur leur compte courant, avec le débit différé ce n'est pas le cas. Seuls seront débités du compte les chèques, les prélèvements automatiques sur compte ainsi que les retraits d'espèces au distributeur effectué avec la carte (seule exception avec la carte). Tout le reste sera prélevé à une date précise du mois. Mais les banques se veulent rassurantes. "Même si les paiements ne sont pas débités, la somme apparaît sur une ligne sur l'application smartphone", assure le directeur d'agence d'une banque. Il suffit alors de faire soi-même la soustraction pour savoir combien il vous reste réellement. Par ailleurs, les banques rappellent que ce service est une sorte de crédit gratuit, il n'y a donc pas de taux d'intérêt. En revanche, si vous dépassez votre solde sans vous en rendre compte, vous serez bien à découvert et vous paierez évidemment des agios.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco