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Pourquoi les producteurs de lait menacent de ne plus fournir Lactalis

Le bras de fer entre les producteurs de lait et le géant Lactalis n'est pas terminé. (image d'illustration)

Le bras de fer entre les producteurs de lait et le géant Lactalis n'est pas terminé. (image d'illustration) - Philippe Huguen - AFP

La hache de guerre entre les producteurs de lait français et Lactalis est loin d'être enterrée. Les agriculteurs menaçent le numéro un mondial du lait d'assécher son approvisionnement en France s'il ne "modernise" pas ses relations avec ses fournisseurs

"Lactalis n'a aucune vision de modernité avec ses fournisseurs, ni aucune transparence, ils ne publient pas leurs résultats et appliquent une politique à la tête du client", a lancé mardi 13 décembre Jean Turmel, secrétaire-adjoint de la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL), lors d'une conférence de presse à Paris.

Malgré le relèvement des prix obtenu sous la pression des manifestations l'été dernier, la FNPL souhaite que des relations plus durables s'établissent entre les producteurs et le géant industriel laitier, pour que le rapport de force s'inverse un peu. Pour cela, elle compte notamment sur l'application de la "loi Sapin 2".

"Nous avons obtenu dans la loi qu'un accord-cadre comportant les volumes, la durée du préavis notamment, soit négocié en préalable à tout accord individuel, cela renforcera le rôle des organisations de producteurs et nous permettra de négocier en collectif, tout ce que ne voulait pas Lactalis" a ajouté André Bonnard, secrétaire général de la FNPL. 

"Assécher la fourniture de lait" de Lactalis

"Si Lactalis ne prend pas la mesure de la modernisation de la relation avec ses clients en instituant plus de transparence, nous nous donnerons les moyens d'assécher la fourniture de lait de cette entreprise-là", a-t-il menacé.

Dans un communiqué mardi soir, le groupe Lactalis s'est "étonné de la virulence des propos de représentants de la FNPL à son encontre". "Les déclarations menaçantes de la FNPL sont très regrettables et les producteurs qui ont connu de réelles difficultés depuis deux ans attendent d'autre chose que des affirmations et des combats stériles" indique le groupe, affirmant qu'il "maintiendra un dialogue nécessaire avec les organisations de producteurs organisées autour de l'entreprise".

À l'appui de leurs arguments, ses accusateurs font valoir que Lactalis poursuit depuis des années des acquisitions d'entreprises à l'étranger, sans qu'aucun des grands groupes laitiers étrangers comme Fonterra (Nouvelle-Zélande) ou Arla (Danemark) n'ait jamais pu s'implanter en France. 

Le patron de Lactalis "nous met la tête dans le seau"

"Je vous rappelle que la loi Sapin est baptisée loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique" a ironisé André Bonnard. "Si l'on veut jouer le libéralisme, il faut le jouer jusqu'au bout" conclut Jean Turmel, lui-même exploitant dans le Calvados, "les producteurs doivent pouvoir choisir leurs débouchés aussi". 

"Monsieur Besnier (patron de Lactalis, ndlr), qui nous met la tête dans le seau, se serait grandi s'il avait coupé court à notre "jacquerie" en venant nous parler ou en expliquant ses charges et ses obligations. Il a voulu rester caché, et maintenant il va falloir qu'il évolue, c'est la loi qui va le lui imposer", a ajouté Jean Turmel.

Le prix moyen du litre de lait payé par Lactalis au producteur de lait est remonté à 30 centimes en décembre, mais la moyenne sur l'année reste de 27,5 centimes, soit encore loin du taux de couverture des coûts de production moyens, estimé autour de 32 à 33 centimes.

Dans son communiqué, le groupe fait valoir de son côté qu'il payera "en décembre, et en moyenne annuelle", un prix "au-dessus des coopératives qui ont la même structure de production".

A.M. avec AFP