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Pourquoi les supermarchés commencent à être à court de beurre

Face à l'explosion des prix du beurre, qui ont presque triplé en un an et demi, les industriels privilégient davantage les ventes à l'export que la grande distribution en France, provoquant une pénurie dans les supermarchés.

C'est le genre d'affichette qui tend à se répandre, ces derniers jours, dans les rayons des grandes surfaces: "En raison d'une pénurie de lait français, nos fournisseurs ne sont pas en mesure d'honorer nos commandes de beurre", peut-on lire dans un supermarché normand. Comme bon nombre de professionnels le prédisaient depuis le printemps dernier, la pénurie de beurre est arrivée.

"Il y a une pénurie de beurre depuis un bon mois", explique la responsable de caisse de l'Intermarché de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) où est placardé ce panneau. "Nous avons toujours en rayon les produits les plus chers, mais plus de marques de distributeurs", explique-t-elle.

À cause de l'explosion des cours du beurre (la tonne est passée de 2500 euros en avril 2016 à 7000 euros l'été dernier), les industriels privilégient davantage les ventes à l'export que la grande distribution en France, dont les prix sont moins corrélés aux cours mondiaux. "En conséquence, nos clients distributeurs nous ont demandé de livrer plus mais nous n’avons pas les capacités", explique à LSA Marie-Paule Pouliquen, directrice marketing de Paysan Breton (Laïta).

La hausse des cours du beurre s'explique par la forte hausse de la demande émanant des pays développés comme des pays en développement, due à un retour en grâce de la matière grasse animale, après 30 ans de dédain de la part des nutritionnistes. Comme le rappelle Ouest France, la consommation nationale a progressé de 5% entre 2013 et 2015, et de 2,5% à l'échelle mondiale. Autre explication: l'engouement pour les viennoiseries françaises au beurre, notamment en Chine.

De plus, la production laitière est en baisse dans certaines régions du monde comme en Nouvelle-Zélande, plus gros exportateur mondial de lait, ainsi qu'en Europe, où la fin des quotas laitiers il y a deux ans avait provoqué une surproduction et donc une chute des cours poussant les éleveurs à réduire leurs tonnages.

Des croissants plus chers

Même s'il y a la possibilité pour les industriels de remplacer le beurre par de la margarine, "ce n'est pas possible sans dégrader la valeur gustative des produits", selon Mathieu Labbé, délégué général de la Fédération des entreprises de boulangerie. Alors les professionnels ont dû s'adapter. "J'ai déjà augmenté les prix avant l'été de 5 centimes sur les croissants", explique Thierry Lucas, gérant de la boulangerie des Plomarc'h à Douarnenez (Finistère), qui emploie 14 salariés.

Comme les tarifs de la grande distribution n'avaient eux pas augmenté, le boulanger raconte qu'il s'est approvisionné en grande distribution pendant près de deux mois car cela représentait "plus de 1000 euros d'économies sur une tonne". "Mais maintenant ils bloquent mon approvisionnement et je retravaille avec mon fournisseur", ajoute-t-il.

Reste que dans certaines entreprises, la matière première vient réellement à manquer. Ainsi, les 10 salariés de la PME Pâte Feuilletée François, basée dans le Cher et qui fabrique des pâtes à tartes fraîches vendues aux grossistes, sont en chômage technique 70% de leur temps depuis près de trois semaines. "Depuis mi-août on est en restriction. On ne reçoit qu'une tonne par semaine alors qu'il nous en faut trois", explique la gérante de la PME, Claude François. "(...) on ne pourra pas tenir très longtemps comme ça", prévient-elle.

Les producteurs laitiers français, eux, ne bénéficient que très peu de cette envolée des tarifs du beurre, qui ne contribue pas à une hausse significative des prix du lait. Pire, en augmentant le volume de lait produit pour fabriquer plus de beurre avec la matière grasse, il risque de leur rester sur les bras une grande quantité de poudre de lait, déjà en surproduction dans l'Union européenne.

J.Mo. avec AFP