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Pourquoi Luc Besson vire tous ses bras droits

Luc Besson et sa fille à Hollywood

Luc Besson et sa fille à Hollywood - AFP Getty Fraser Harrison

Edouard de Vésinne, dont le départ a été annoncé lundi, est le cinquième bras droit du réalisateur banni en dix ans.

Être le bras droit de Luc Besson n'est pas un job pérenne. Lundi 4 septembre, EuropaCorp a annoncé le départ d'Edouard de Vésinne, qui était directeur général délégué du studio depuis 16 mois. 

Edouard de Vésinne était arrivé dans le groupe en 2010, lorsque EuropaCorp avait racheté sa société de production audiovisuelle Cipango. Basé à Paris, il n'est pas remplacé "à ce stade", indique un porte-parole. 

En effet, Luc Besson dispose encore d'un autre bras droit, l'Américain Marc Shmuger, basé à Los Angeles et qui est plutôt en charge des activités américaines. Il s'est notamment occupé de la sortie américaine ratée de Valérian, avec la productrice du film, Virginie Silla-Besson. Grassement payé (un salaire fixe de 1,8 million d'euros, plus un bonus variable qui s'est élevé à 360.000 euros lors du dernier exercice), Marc Shmuger est directeur général du studio depuis février 2016. Il dispose d'un contrat de 6 mois, qui est périodiquement renouvelé. 

-20% en deux jours

Le départ d'Edouard de Vésinne a été accueilli par une chute du cours de 20% en deux jours. La bourse n'apprécie visiblement pas l'instabilité à la tête d'EuropaCorp. Car Edouard de Vésinne est le cinquième bras droit de Luc Besson qui est remercié depuis dix ans, après Olivier Monfort (resté un an), Jean-Julien Baronnet (resté un an et demi), Christophe Lambert (resté cinq ans et demi) et bien sûr Pierre-Ange Le Pogam (resté dix ans). 

Hasard ou coïncidence, ces départs ont plusieurs fois été officiellement expliqués par la même raison: le banni veut se consacrer à la production de ses propres films. Ainsi, Christophe Lambert était parti pour "se consacrer à un projet personnel" dans la production. Aujourd'hui, le départ d'Edouard de Vésinne est justifié par le fait que "les activités de production (télévision et long métrage) de sa société Incognita ne sont plus compatibles avec son maintien dans ses fonctions de directeur général délégué d'EuropaCorp". Pourtant, Edouard de Vésinne cumulait ces deux rôles depuis 16 mois, sans que cela soit jugé incompatible... Ce cumul avait même été formalisé par une convention réglementée approuvée par le conseil d'administration en mai 2016.

Partager le pouvoir ou pas?

En réalité, être le bras droit de Luc Besson est une mission difficile. En effet, le réalisateur est l'homme fort du studio: fondateur, président et principal actionnaire. Mais il souhaite se concentrer sur les films, et aussi tenir compte du fait qu'il y a d'autres actionnaires. D'où le recrutement d'un bras droit qui fait tourner la boutique, et exerce une sorte de contre-pouvoir. Mais en même temps, Luc Besson n'a guère envie de partager son pouvoir et souhaite continuer à prendre les grandes décisions. Dès lors, des clashs sont presque inévitables. Un ancien bras droit aurait ainsi été remercié car il jugeait le prochain film de Luc Besson insuffisamment financé, et avait donc refusé d'approuver son budget. Évidemment, on se doute que Luc Besson n'a pas apprécié de ne pouvoir réaliser son propre film dans son propre studio... Et le même problème se pose pour le conseil d'administration, où le turn over est très élevé. 

Grand prince, Luc Besson traite toutefois ces bannis très généreusement, en leur octroyant de généreux golden parachutes. Selon son contrat, Edouard de Vésinne a ainsi droit à des indemnités d'un an et demi de salaire brut, soit 600.000 euros (interrogé, le porte-parole n'a pas confirmé qu'il toucherait effectivement cette somme). Seul Pierre-Ange Le Pogam a été licencié, l'affaire se terminant aux prud'hommes..

Mediawan veut racheter EuropaCorp

Mediawan, le fonds de Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre-Antoine Capton, voudrait racheter Europacorp, indique Vanity Fair dans son numéro de septembre. Selon le magazine, Luc Besson, "forcé de trouver de nouveaux capitaux, a bien failli leur céder EuropaCorp au printemps, avant de dénicher, in extremis, des investisseurs chinois", en l'occurrence Fundamental Films. "Le problème était que Mediawan voulait avoir le contrôle, mais que Luc Besson ne voulait pas le céder", ajoute une source industrielle.

Selon Vanity Fair, Mediawan n'a pas jeté l'éponge, et compte repartir à l'assaut suite aux mauvais résultats de Valérian. "Il faut savoir attendre, laisser décanter, jouer avec le temps", déclare Matthieu Pigasse au magazine. "En cas de pertes importantes de Valérian, EuropaCorp n’a pas une solidité financière suffisante (avec des capitaux propres fin 2016 de 97 millions d’euros, et des dettes financières nettes de 267 millions d’euros) et devrait faire probablement une nouvelle augmentation de capital", écrivaient récemment les analystes de Gilbert Dupont, les seuls à suivre encore la valeur.

Jamal Henni