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Pourquoi Vivendi se désengage de GVT

GVT, dont les performances baissent, n'est plus considéré comme un des piliers de Vivendi.

GVT, dont les performances baissent, n'est plus considéré comme un des piliers de Vivendi. - Jamal Henni - BFMBusiness

Croissance qui ralentit, objectifs non tenus, effectifs qui explosent, turn over monstre... les performances de l'opérateur téléphonique brésilien se dégradent.

Surprise! Il y a un an, Vincent Bolloré assurait: "le conseil de surveillance de Vivendi a décidé que GVT, (un opérateur téléphonique brésilien) qui connaît une croissance très forte, va rester dans le groupe".

Et fin juin lors de l'assemblée générale, l'opérateur téléphonique brésilien était présenté comme un des trois piliers du groupe... 

A peine deux mois plus tard, le conseil de surveillance de Vivendi examine ce jeudi 28 août les offres de rachat de GVT -même s'il a précisé le 5 août que le brésilien "n'est pas à vendre".

La croissance ralentit

Un tel retournement a plusieurs explications. D'abord, Vincent Bolloré veut recentrer Vivendi sur les médias, or GVT est avant tout un opérateur télécoms. Comme l'écrivaient les analystes d'Oddo, "GVT n'est clairement pas un actif média, même s'il a une petite activité de télévision payante [13% du chiffre d'affaires]. Les synergies entre GVT et les autres actifs médias ne sont pas évidentes".

Autre explication: lorsqu'en 2009, Vivendi rachète GVT pour 2,85 milliards d'euros, l'objectif était simple: doper la croissance de Vivendi, dont les autres métiers stagnent. Au début, le Free brésilien s'est brillamment acquitté de cette tâche. Depuis 2006, il affiche une croissance moyenne de +30% par an... Las! Ces deux dernières années, sa croissance a été divisée par trois, et les objectifs n'ont jamais été tenus. Ainsi, en 2012, la croissance n'a été que de +28%, au lieu des +35% promis. Puis en 2013, le chiffre d'affaires n'a cru que de +13%, loin des "plus de 20%" évoqués initialement. Et l'objectif de chiffre d'affaires pour 2014 (6,2 milliards de reals) fixé après le rachat ne sera a priori pas tenu.

Pour un spécialiste des télécoms brésiliens, ce ralentissement est logique: "au fur et à mesure que GVT se déploie dans de nouvelles villes, la construction de son réseau devient plus complexe. Au départ, GVT déployait ses fibres en aérien, mais désormais, dans certaines villes comme Sao Paulo, GVT doit creuser des tranchées pour les poser en sous sol, ce qui est bien plus long et coûteux". 

Turn over monstre

Une dernière explication est managériale. En effet, à l'exception du directeur général Amos Genish, toute l'équipe fondatrice de GVT est partie après le rachat par Vivendi, notamment le principal actionnaire Shaul Shani, considéré comme le Xavier Niel brésilien.

Ensuite, le comité de direction, qui regroupe les principaux managers, a subi un important turn over: tous sont partis, sauf deux. Cinq postes ont même connu trois titulaires depuis le rachat: les ressources humaines, le marketing, les opérations, les infrastructures, et les relations avec le gouvernement. Pire: il y a même eu quatre titulaires à la direction des régions et à celle du CRM. "Si DirecTv a renoncé à déposer une offre sur GVT il y a un an, c'est parce qu'ils avaient identifié ce problème managérial", assure notre spécialiste.

L'entreprise elle-même subit un turn over monstre: en 2013, 6.865 salariés ont quitté l'entreprise (dont la moitié via des licenciements individuels), soit 39% de l'effectif total... Explication officielle: "les spécificités du marché du travail brésilien qui favorisent la mobilité" (sic), à en croire le rapport annuel de Vivendi. En réalité, GVT a choisi d'opérer ses centres d'appels en interne, ce qui a entraîné une explosion des effectifs, qui ont triplé depuis le rachat. Tant et si bien qu'aujourd'hui, la moitié des salariés de Vivendi sont... brésiliens!

Last but not least, Vivendi s'est visiblement désintéressé de sa filiale brésilienne, qui vit sa vie en roue libre. Depuis deux ans, il n'y a plus aucun français dans le comité de direction, et un seul parmi les 740 principaux managers... 

Interrogé, Vivendi n'a pas souhaité faire de commentaires.

Jamal Henni