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Présidentielle: Hadopi ne déchaîne plus les passions

Dominique Guirimand (présidente de la commission de protection des droits), Christian Phéline (président) et Pauline Blassel (secrétaire générale par intérim)

Dominique Guirimand (présidente de la commission de protection des droits), Christian Phéline (président) et Pauline Blassel (secrétaire générale par intérim) - BFM Business

L'autorité de lutte contre le piratage, qui était un sujet de vifs débats lors de la présidentielle de 2012, suscite aujourd'hui l'indifférence des candidats.

Souvenez-vous. Il y a cinq ans, les débats autour de l'Hadopi avaient été vifs durant la campagne présidentielle. François Hollande avait notamment promis de "supprimer" l'autorité de lutte contre le piratage instaurée par Nicolas Sarkozy.

Cinq ans plus tard, l'autorité administrative indépendante est toujours là, sans plus déchaîner les passions. Aucun des candidats à la primaire socialiste n'en parle dans son programme. Arnaud Montebourg dit juste que "Hadopi ne sert pas à grand-chose, et ne peut pas intervenir sur le peer-to-peer. C'est un peu hérétique d'empêcher ce partage qui reste humain". Chez les Républicains, François Fillon dit qu'il faut "la conforter, voire la renforcer", et propose qu'elle puisse infliger elle-même des amendes administratives (actuellement, les amendes sont infligées par un juge après signalement de l'Hadopi). Le Front national, qui avait violemment critiqué Hadopi en 2012-2013, ne s'est plus exprimé depuis sur le sujet.

Quand le gouvernement fait l'éloge de l'Hadopi...

Reste Jean-Luc Mélenchon, qui promet de "supprimer Hadopi" pour mettre "fin à une coûteuse et inefficace politique de lutte contre le 'piratage'".

Concernant les écologistes, les députés EELV ont déposé au printemps un amendement supprimant l'Hadopi en 2022. Une proposition alors soutenue par le député Républicain Jean-Luc Warsmann, qui a déposé un amendement similaire. Ces amendements avaient été adoptés par une poignée de députés, contre l'avis du gouvernement. Celui-ci a ensuite contre-attaqué, et annulé au Sénat cette mort programmée. Pour cela, le gouvernement a déposé son propre amendement où il fait un éloge appuyé d'Hadopi, qui "assure pleinement ses missions [...] en toute indépendance", et "constitue désormais un élément important de la stratégie de lutte contre le piratage". "Il n’est pas souhaitable d’ouvrir aujourd’hui un débat sur l’avenir de l'Hadopi", conclut le gouvernement. Bref, une position à l'opposé de celle du candidat Hollande en 2012...

En 2015, un sénateur radical de gauche, Jacques Mezard, avait aussi proposé de supprimer l'Hadopi mais pour la remplacer par un établissement public.

"J'étais moi-même dubitatif..."

Ces tentatives ont été mal vécues par l'institution, comme elle le déplore elle-même dans son rapport annuel publié mardi 10 janvier: "La succession rapide de ces propositions, et le caractère radical de certaines d’entre elles, n’ont pas manqué de créer au sein du public une certaine incertitude sur la pérennité de l’institution et quelque peu affecté la crédibilité de son action. Il serait indispensable qu’à l’étape prochaine et après un bilan raisonné, le cap soit clairement fixé sur ce qui est désormais attendu d’elle".

En présentant ce rapport, le nouveau président Christian Phéline a souligné: "Si les débats sont moins vifs, peut-être que nous avons fait la démonstration de notre utilité. À l'époque [de la création d'Hadopi], j'étais moi-même dubitatif.. Il n'était pas évident que nous atteindrions l'âge de 7 ans. La législature [Hollande] s'était ouverte sur la suppression de l'Hadopi, puis sa fusion avec le CSA [proposée par le rapport Lescure]."

Éteindre l'incendie

Pour assurer la survie de son institution, le nouveau président a cherché à retrouver le soutien des industries culturelles, en éteignant l'incendie allumé par l'équipe précédente: il a expliqué mardi avoir "rétabli des relations normales avec les pouvoirs publics et nos partenaires". Christian Phéline, plutôt classé à gauche pour avoir été conseiller au cabinet de Catherine Trautmann au ministère de la Culture, vient aussi de recruter un secrétaire général plutôt classé à droite. Il s'agit de Jean-Michel Linois Linkovskis, qui a été membre de plusieurs cabinets ministériels durant le second mandat de Jacques Chirac (Jean-Paul Delevoye à la Fonction publique, Claudie Haigneré aux Affaires européennes, et Xavier Bertrand à la Santé).

Jamal Henni