Le procès Pouzilhac devient le procès du procureur Courroye

L'avocat d'Alain de Pouzilhac a tiré à boulets rouges sur la proximité de l'ancien procureur de Nanterre avec Vincent Bolloré et Nicolas Sarkozy

Officiellement, c'est le procès d'Alain de Pouzilhac, ancien PDG d'Havas, qui s'est ouvert mercredi 14 novembre devant le tribunal de grande instance de Nanterre. En pratique, c'est vite devenu le procès par contumace de Vincent Bolloré et Philippe Courroye. Ni l'un ni l'autre n'étaient là. L'industriel breton, à l'origine de la plainte contre Alain de Pouzilhac, n'avait pas fait le déplacement, envoyant les avocats d'Havas. Quant à l'ancien procureur de Nanterre, qui avait lancé l'enquête préliminaire suite à la plainte de Bolloré, il a été viré cet été par le nouveau gouvernement.

Implacablement, Olivier Metzner, avocat d'Alain de Pouzilhac, a dénoncé une série de liens "incestueux et totalement inacceptables", "des rapports de proximité qui font frémir". D'abord, "Vincent Bolloré connaît les goûts du parquet de Nanterre, puisqu'il le reçoit et le rencontre". Selon lui, Christine Ockrent aurait rapporté à Alain de Pouzilhac avoir assisté à "des festivités" où étaient présents Vincent Bolloré et Philippe Courroye.

Les amis du procureur

Mais Me Metzner a aussi tiré à boulets rouges sur le cabinet d'avocats Lombard Baratelli. Il s'agit des avocats historiques du groupe Bolloré. Mais Me Olivier Baratelli est en outre l'avocat de l'adjointe de Philippe Courroye, Marie-Christine Daubigney. "L'avocat d'Havas était l'avocat de celle qui supervisait l'enquête sur Pouzilhac", a pointé Me Metzner. Il a aussi affirmé que Me Paul Lombard était "l'ami du procureur". Il a notamment rappelé l'existence, révélée par Le Canard enchaîné, d'un repas au domicile du procureur où étaient invités le ténor du barreau, ainsi que le patron de Casino, Jean-Charles Naouri.
Peut être par prudence, Havas n'était pas représenté à l'audience par le cabinet Lombard Baratelli, mais par un autre cabinet, De Pardieu Brocas Maffei...

Où réapparait Nicolas Sarkozy

Très en verve, Me Metzner s'en est ensuite pris à un autre intervant de l'affaire: l'expert Michel Bruyas, qu'Havas a employé dans cette affaire. "C'est l'expert habituel de Philippe Courroye, de l'affaire Noir/Botton à l'affaire Bettencourt. Ils ont même partagé le même appartement à Paris..."

Last but not least, Me Metzner s'en est pris à Nicolas Sarkozy. "Philippe Courroye est iié à l'ancien président qu'il traite d'ami. Il allait prendre ses ordres à l'Elysée". Et parallèlement, l'amitié entre Nicolas Sarkozy et Vincent Bolloré est "évidente": "une fois élu, le président prendra l'avion de Vincent Bolloré pour se rendre sur le bateau de Vincent Bolloré..." Bref, "la justice pénale a été instrumentalisée, et le parquet a oeuvré dans l'intérêt d'Havas".

Soirée théâtre chez l'avocat

Juste après intervenait Olivier Bluche, avocat de Jacques Hérail, ancien directeur financier d'Havas, poursuivi pour les mêmes raisons. Me Bluche ne s'est pas privé d'en remettre une couche, citant un article de journal qui recensait trois amis de Philippe Courroye: Vincent Bolloré, Paul Lombard et Michel Bruyas... Il a aussi évqiué "des soirées théâtre chez Paul Lombard avec Philippe Courroye". Quant à Michel Bruyas, "il n'y avait aucune raison d'aller chercher à Lyon un ancien expert".

Les deux avocats ont donc demandé à ce que toute la procédure soit jetée aux orties en raison de la "partialité" de Philippe Courroye. Mais le substitut du procureur Benjamin Blanchet a répondu que "le parquet n'est pas tenu à l'impartialité selon la jurisprudence de la Cour de cassation. De tels comportements ne pourraient revêtir qu'une qualification disciplinaire" devant le Conseil supérieur de la magistrature. Mais Benjamin Blanchet a proposer d'annuler le procès pour une autre raison. La juge Fabienne Siredey-Garnier tranchera la question ce jeudi.

Jamal Henni