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PSA et Opel peuvent-ils vraiment faire bon ménage?

PSA étudie le rachat le constructeur allemand Opel

PSA étudie le rachat le constructeur allemand Opel - Philippe Huguen - AFP

Le groupe PSA aimerait racheter Opel à General Motors. Les constructeurs français et allemand développent certes déjà trois voitures en commun, mais cet éventuel mariage suscite au moins 5 questions.

Un groupe de taille mondiale, avec 4 millions de voitures produites chaque année, c’est le schéma qui se dessine si PSA rachète Opel. Le groupe français a en effet confirmé ce mardi "examiner avec General Motors, de nombreuses initiatives stratégiques, y compris une acquisition potentielle d’Opel/Vauxhall". Pour "améliorer sa rentabilité et son efficacité opérationnelle" par cette opération, comme l’écrivait mardi PSA, le groupe français devra résoudre une équation complexe à plusieurs inconnues.

Comment ne pas cannibaliser les différentes marques?

Si la cession d'Opel à PSA est confirmée, elle donnera naissance à un groupe automobile disposant d'un portefeuille de cinq marques: Peugeot, Citroën et DS d’un côté, Opel, et son pendant britannique Vauxhall de l’autre. Or 3+2 ne font pas forcément 5, quand il s’agit de marques automobiles. Car, en dehors de Peugeot dont le positionnement est clair (des voitures de bonne facture au niveau de Volkswagen), Opel comme Citroën souffrent d’un déficit d’image. Depuis la Kadett dans les années 80, la marque allemande ne convainc pas vraiment les clients, qu'elle tente vainement de séduire en mettant en avant sa nationalité.

Citroën est de son côté en pleine reconstruction et cherche encore son identité. La création de la premium marque DS lui ayant pris une partie de son ADN et de ses clients. De plus, Citroën et Opel sont sur le même créneau, celui des voitures du quotidien peu onéreuses, et proposent des produits similaires, comme les compactes Astra et C4, ou les citadines C3 et Corsa. Opel fabriquera d’ailleurs sur la même ligne de production, dans son usine de Saragosse (Espagne) les futurs petits SUV Crossland X et Citroën C3 Aircross. L’un des premiers défis de Carlos Tavares sera donc de créer un portefeuille de marques cohérent pour les clients, allant au-delà des économies d’échelle et des synergies possibles sur le plan industriel.

Comment rendre l’outil industriel complémentaire?

Le volet industriel pose aussi question. "Si l’accord se faisait, nous devrions être très prudent sur la surcapacité des usines", confie un syndicaliste chez PSA. Au total, Peugeot-Citroën et Opel disposent de 19 usines d’assemblage en Europe (11 pour PSA, 8 pour Opel). D'ici quelques semaines, les sites de Sochaux (Doubs) et de Saragosse (Espagne) produiront déjà des véhicules pour les deux firmes. Sur le papier, multiplier ce type d’opération permettrait d'engendrer des économies d’échelle, d'autant que les usines ne sont pas situées dans les mêmes pays. Une note d'un analyste de Goldman Sachs souligne d'ailleurs que Carlos Tavares pourrait rapidement appliquer sa stratégie de discipline sur les prix.

Celles d’Opel se situent principalement en Allemagne, dans l’est de l’Europe et en Grande-Bretagne. Mais Opel ne les utilise qu’à 63% de leur capacité, comme le rappelle La Tribune. Loin des 80%, niveau minimal pour ne pas perdre de l'argent…. Réduire les coûts industriels pourraient permettre de réduire les pertes d’Opel (257 millions de dollars, soit 243 millions d’euros, en 2016), mais à quel prix pour les salariés?

Comment sortir d’Europe?

La stratégie de Carlos Tavares chez PSA passe par une plus grande internationalisation du groupe, trop longtemps concentré sur l’Europe. Or, Opel est par essence un constructeur européen. Même si certains modèles sont rebadgées Vauxhall en Grande-Bretagne ou Buick aux Etats-Unis et en Chine. Ce rapprochement avec la filiale européenne de General Motors pourrait donc constituer une porte d’entrée pour PSA sur le marché américain.

Quid de la transition vers les voitures électriques?

L’un des atouts de ce rachat pourrait venir des technologies d’électrification. Malgré des investissements dans ce domaine, PSA est en retard. De son côté, Opel avec l’Ampera-e, offrant 400km d'autonomie réelle, bénéficie des lourds investissements de General Motors dans la voiture électrique. La Chevrolet Bolt, cousine de l’Ampera-e, est en effet l'un des modèles les plus aboutis actuellement. En cas de rachat d’Opel, PSA pourra-t-il bénéficier de transferts de technologie?

Rien n'est moins sûr, si on en croit der Spiegel. L'hebdomadaire allemand croit en effet savoir que Karl-Thomas Neumann, le patron d'Opel, pousse pour transformer le constructeur allemand en marque électrique, en sa basant sur les technologies de la maison-mère General Motors. Le management d'Opel sécuriserait ainsi l'avenir de la marque en lui redonnant une identité propre, alors que les activités européennes de GM enregistrent des pertes depuis 16 ans. Un tel scénario ne semble pas vraiment compatible avec un rachat par PSA.

Quelle gouvernance?

Les mouvements d’humeur qui s’expriment depuis hier en Allemagne laissent poindre quelques frictions dans ce domaine. Aujourd’hui, le conseil de surveillance compte trois poids lourds: l’Etat, la famille Peugeot et le partenaire chinois DongFeng. Le retrait de GM du capital de PSA fin 2013 était une demande pressante de DongFeng, et Opel n’opère plus en Chine depuis 2015. Personne ne connait la position du groupe chinois sur cette proposition de mariage.

De même, comment le gouvernement Merkel réagira-t-il à une prise de contrôle d’Opel, alors que l’Etat français est au capital de PSA? Carlos Tavares est pleinement conscient de ces difficultés. Selon l’AFP, le président du directoire de PSA souhaiterait rencontrer rapidement Angela Merkel pour évoquer l’éventuel rachat des activités européennes de General Motors. De son côté, la PDG de General Motors, Mary Barra, est en visite à Rüsselsheim (Allemagne), au quartier général d'Opel, indique Reuters

Aucune date n’a été donnée quant à cette rencontre, aucune communication plus précise sur l’avancée des négociations entre Opel et PSA n'a été effectuée. Chuck Stevens, le directeur financier du groupe américain, indiquait début février, lors de la présentation des résultats financiers, qu’il n’espérait pas voir la filiale européenne de GM repasser dans le vert avant 2018. Il n’aura peut-être pas à s’en soucier… Ce mardi, PSA a cependant tenu à rappeler que "à ce stade, il n’existait aucune certitude sur la conclusion d’un éventuel accord".

Pauline Ducamp