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Publicité sur Radio France: le CSA épinglé

En 2012, le gendarme de l'audiovisuel avait mis en garde une fois France Bleu et deux fois France Inter, puis mis en demeure France Bleu pour avoir diffusé des spots non autorisés

En 2012, le gendarme de l'audiovisuel avait mis en garde une fois France Bleu et deux fois France Inter, puis mis en demeure France Bleu pour avoir diffusé des spots non autorisés - P. Tournebeouf CSA

Un militant écologiste grenoblois accusait les radios publiques de diffuser des spots pourtant interdits par son cahier des charges. Il avait demandé au gendarme de l'audiovisuel de prendre des sanctions, mais en vain. Le Conseil d'État vient de lui donner raison.

Le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) n'a pas été assez méchant avec Radio France. Telle est la décision que vient de rendre le Conseil d'État.

Le conflit portait sur la publicité sur les radios publiques. En théorie, cette publicité doit se limiter à "des messages de publicité collective et d'intérêt général", stipule le cahier des charges de Radio France.

Usager du service public de la radio

En pratique, Radio France a parfois pris des libertés avec ce cahier des charges. Des libertés que n'appréciait pas Raymond Avrillier, un militant écologiste grenoblois. Mécontent d'entendre des spots pour Vinci, GDF Suez, EDF Entreprises Gaz, Malakoff Médéric, Crédit Agricole ou la Caisse d'Epargne, il a demandé au CSA de mettre en demeure Radio France, arguant qu'il était "un usager du service public". Mais le gendarme de l'audiovisuel l'a débouté, au prétexte qu'il n'était pas habilité à saisir le CSA.

Raymond Avrillier est alors allé se plaindre au Conseil d'État, qui lui a donné raison dans une décision du 7 février, révélée par Le Canard enchaîné mercredi 15 février. Pour la haute juridiction, "toute personne qui dénonce un comportement d'un opérateur portant atteinte à ses intérêts a qualité pour demander au CSA de faire usage de son pouvoir de mise en demeure. Par suite, en rejetant la demande de M. Avrillier, le CSA a commis une erreur de droit".

Affaire enterrée

Interrogé, le CSA indique qu'il va désormais "réexaminer la demande de mise en demeure". Mais il est probable que l'affaire soit enterrée. En effet, en avril 2016, le gouvernement a levé les contraintes pesant sur les radios publiques, et les a autorisées à diffuser de la publicité de marque.

Pour cette raison, le CSA a déjà mis à la poubelle en juillet 2016 une demande de sanction déposée deux ans plus tôt par le Sirti (syndicat des radios indépendantes) à la suite de la diffusion par France Bleu Lorraine de spots en faveur de la compagnie aérienne Luxair. "L'interdiction de diffuser de la publicité de marque a été abrogée par décret du 5 avril 2016. Les poursuites engagées contre Radio France ayant perdu leur fondement, il n'y a pas lieu de prononcer de sanction", avait justifié le CSA. 

Condamnation par le tribunal de commerce

Interrogé, le groupe Radio France s'est refusé à tout commentaire, tandis que Raymond Avrillier indique: "J'étais le porteur d'action pour notre mouvement Démocratie écologie solidarité. Notre motivation était de contester les publicités de Vinci sur France Inter et France Info juste avant les flashes d'information, alors même que le contentieux avec Vinci concernant Notre-Dame des Landes ou les concessions autoroutières devaient être traités par les journalistes de Radio France. Et aussi de contester la politique d'"arrangement" du CSA avec Radio France, comme avec d'autres".

De son côté, le CSA explique: "Le Conseil d’État a ouvert le champ des personnes qui peuvent saisir le CSA d’une demande de mise en demeure à l’encontre d’une chaîne, au-delà des organismes et associations énumérés aux articles 42 et 48-1 de la loi de 1986. C’est pour cela que la décision du CSA a été annulée, puisque le CSA avait rejeté la demande du requérant au motif qu’il n’avait pas la qualité pour le saisir selon la loi de 1986. La décision du Conseil d'État ne dit rien sur le fond, et ne change fondamentalement pas notre façon de fonctionner: tout particulier a la possibilité de saisir le CSA qui peut mettre en demeure ou pas la chaîne visée".

Rappelons que Radio France a été condamné à deux reprises par le tribunal de commerce de Paris pour ne pas avoir respecté son cahier des charges en matière de publicité. En octobre 2015, les radios publiques ont été jugées coupables de "concurrence déloyale" et ont dû payer 60.000 euros de dommages (plus 30.000 euros de frais de procédure) aux trois syndicats de radios privées (dont RMC, qui appartient au même groupe que ce site web). En janvier 2016, le tribunal leur a interdit de diffuser un spot en faveur des opticiens Atol, et les avaient condamnées à rembourser 3.000 euros de frais de procédure au Sirti.

L'ancien cahier des charges de Radio France

"Radio France est autorisée à programmer et à faire diffuser des messages de publicité collective et d'intérêt général.

La publicité collective et d'intérêt général comprend:
-la publicité pour certains produits ou services présentés sous leur appellation générique,
-la publicité en faveur de certaines causes d'intérêt général,
-la publicité effectuée par des organismes publics ou parapublics,
-les campagnes d'information des administrations présentées sous forme de messages de type publicitaire.

Toute publicité collective qui présente directement ou indirectement le caractère de publicité de marques déguisée est interdite".

La publicité sur Radio France

Chiffre d'affaires (en millions d'euros)
2009: 39,4
2010: 41,8
2011: 41,3
2012: 40,4
2013: 40,4
2014: 42
2015: 40,1
2016: 42,7 (budget)
2017: 42,9 (budget)

Chiffre d'affaires par antenne (en millions d'euros, en 2015)
France Inter: 18
France Bleu: 11,7
France Info: 8,1

Source: CSA, Bercy

Jamal Henni