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Quand les maths aident à nous soigner

L'analyse  Big data permet d'effectuer des modélisations pour mieux comprendre par exemple les pathologies dégénératives.

L'analyse Big data permet d'effectuer des modélisations pour mieux comprendre par exemple les pathologies dégénératives. - Pixabay

La quantité de données de santé disponibles est en train d’exploser. Grâce aux statisticiens, les médecins et pharmaciens voient leurs recherches et pratiques grandement évoluer.

Des maths pour nous soigner ? Entre mathématiciens et professionnels de la médecine, la collaboration n’est pas récente. Mais l’évolution technologique est telle, que la quantité de données mise à disposition et la capacité à les traiter ont largement évolué depuis une quinzaine d’années. Le Big data nourrit ainsi grandement les recherches en matière médicale, à tous les niveaux : mise au point de médicaments ou de vaccins, personnalisation des traitements, observation de l’évolution des pathologies dans le temps et l’espace… "Ces données massives sont une opportunité d’informations énorme », s’enthousiasme Rodolphe Thiebaut, docteur en médecine, en bio statistiques, et directeur adjoint du centre de recherche Inserm "Bordeaux Population Health".

Mesurer des millions de marqueurs

Avec son équipe, il travaille actuellement au traitement des données biologiques générées lors de l’évaluation de vaccins. "Nous mesurons des millions de marqueurs afin d’évaluer l’effet de vaccins contre le VIH ou Ebola, en cours de mise au point", explique-t-il. Le fait de disposer de masses d’informations bien plus vastes qu’auparavant, mais aussi de la capacité technique à les déchiffrer, ouvre la voie à un véritable bond en avant des recherches. La pharmacologie n’est qu’un exemple d’application de l’exploitation des mégas donnés par le monde médical.

"Au centre hospitalier de Lille, nous étudions l’évolution des capacités locomotrices des personnes atteintes de la maladie de Parkinson", témoigne Cristian Preda, enseignant en statistiques et chercheur au sein de l’Inria de Lille. Les statistiques aident alors à mesurer précisément l’évolution de l’angle de flexion d’un genou ou d’une hanche, de mesurer l’impact des simulations électriques… Et de sélectionner le meilleur traitement.

La cancérologie est l'un des domaines où le big data a permis de rapides progrès

Les Big data permettent des modélisations pour mieux comprendre les pathologies dégénératives. "La cancérologie est l’un des domaines dans lequel le big data a permis de très rapides progrès de prise en charge. Il contribue à observer les mutations génétiques de la tumeur et donc de mieux la prendre en charge", confirme Rodolphe Thiebaut. Ces modélisations engendrent des prédictions propres à un groupe de patients. Une médecine prédictive qui ouvre ensuite sur une médecine plus personnalisée.

L’épidémiologie - soit l’étude de la fréquence et de la répartition des problèmes de santé dans le temps et dans l’espace au sein d’une population-, tire également grands profits de ces statistiques. Des chercheurs ont notamment pu étudier comment des infections nosocomiales se transmettent au sein des services de soins hospitaliers. À plus grande échelle, la localisation de mots-clés liés à la grippe ou à la dengue entrés dans la barre de recherches de Google ont permis de dessiner et d’anticiper l’évolution d’épidémies. C’est l’outil Google Flutrends.

Détecter avec plus de précision les effets indésirables de médicaments

Le roi des moteurs de recherche n’est évidemment pas le seul à fournir des données précieuses. Ainsi en France, suite à la loi de financement de la Sécurité sociale de 1999, les chercheurs s’appuient sur le Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM). Cette base de données nationale dont les données ont été collectées progressivement depuis 2002 recense les remboursements issus des différents régimes d’assurance maladie obligatoire. L’exploitation de ces statistiques est d’une grande utilité en pharmaco-épidémiologie. "Ces données permettent de détecter un effet indésirable rare, une fois que le médicament a été prescrit à des milliers de personnes", souligne Rodolphe Thiebaut.

Restent les questions éthiques. Comme à chaque fois qu’il est question de données personnelles : qui y a accès et dans quel contexte? "Il faut bien entendu une grande vigilance quant à l’utilisation de ces données de santé et ne pas tomber dans le piège où elles deviendraient accessibles à tous, y compris aux assureurs", juge Rodolphe Thiebaut.

"En tant que chercheurs, nous nous préoccupons de la sécurité de ces données depuis bien longtemps. Le fait qu’elles soient massives ne change pas nos principes éthiques et nos règles de fonctionnement. (…) Nous sommes vigilants quant à la façon dont elles sont récupérés et reliés les unes aux autres. (…) S’assurer de la sécurisation de ces données est essentiel pour nous, car si trop de fuites surviennent, nous n’y aurions plus accès, et nous ne pourrions plus travailler". La loi de modernisation du système de santé français, promulguée le 26 janvier 2016, encadre d’ailleurs l'ouverture des données de santé à des fins de recherches, bien que tous les décrets ne soient pas encore parus.

Adeline Raynal