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Quand Thomas Langmann teste l'humour de l'Oréal

Jeanne Moreau aurait interprété Liliane Bettencourt dans le film produit par Thomas Langmann

Jeanne Moreau aurait interprété Liliane Bettencourt dans le film produit par Thomas Langmann - Bertrand Guay - AFP

SÉRIE D'ÉTÉ: LES STARS DANS LE PRÉTOIRE. Nouvel épisode de notre série d'été, où l'on s'intéresse à une blague du célèbre producteur de cinéma, qui avait annoncé un film sur l'affaire Bettencourt intitulé Parce que je le vaux bien.

Nous sommes le 16 juillet 2010. Le site Mediapart révèle que le producteur Thomas Langmann et le réalisateur Michel Hazanavicius projettent de faire un film sur l'affaire Bettencourt. Interrogé par l'AFP, Thomas Langmann confirme le projet, ajoute que Jeanne Moreau "serait formidable" dans le rôle de Liliane Bettencourt, et que le film s'appellera Parce que je le vaux bien. Le même jour, le producteur dépose les marques Parce que je le vaux bien et Parce qu'elle le vaut bien à l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle).

Fake news

En apprenant la nouvelle, Jeanne Moreau appelle Thomas Langmann pour lui dire qu'elle est ravie. Et Isabelle Huppert fait savoir au producteur qu'elle jouerait bien la fille Françoise... Mais l'Oréal voit rouge. Le groupe détenu par la famille Bettencourt signale à Thomas Langmann avoir déposé la marque Parce que je le vaux bien depuis 1997. Il envoie une mise en demeure, qui reste sans réponse, puis demande le retrait du dépôt de marque devant le tribunal de grande instance de Paris.

Suite à cette plainte, Thomas Langmann fait marche arrière. Il retire son dépôt de marque, et explique que c'est une fake news: "C'était une blague qu'on a lancée avec Michel Hazanavicius. On ne savait pas comment financer The Artist. Alors, on a inventé ce projet baptisé Parce qu'elle le vaut bien en espérant que L'Oréal s'affolerait et nous signerait un chèque. On a choisi un journaliste pipelette et le buzz a décollé", explique le producteur au Figaro.

La blague la plus chère du monde

Fin de l'affaire? Pas tout à fait, car l'Oréal n'apprécie pas du tout la blague. Devant le tribunal, le fabricant de cosmétiques change son fusil d'épaule: il réclame désormais un demi-million d'euros de dommages et intérêts, plus 100.000 euros pour publier le jugement dans dix journaux, plus 50.000 euros de frais de procédure, plus l'interdiction d'utiliser Parce que je le vaux bien. Ce qui ferait de cette blague la plus chère du monde...

L'Oréal explique au tribunal que "la grosse blague de Thomas Langmann constitue un véritable détournement du droit des marques", et "lui porte un préjudice considérable, en ruinant les investissements consacrés à ce slogan depuis près de 15 ans". 

Liberté d'expression

Les juges ont eu plus d'humour. Ils ont intégralement débouté le fabricant de cosmétiques, et l'ont condamné à rembourser 4.000 euros de frais de procédure à la Petite reine, la société de Thomas Langmann.

Pour eux, "ces propos à l'humour provocant s'inscrivent dans le seul cadre de la liberté d'expression de Thomas Langmann". En outre, le producteur "n'a formulé aucune demande financière à l'égard de l'Oréal".

Le tribunal a même estimé que Thomas Langmann aurait le droit d'utiliser le slogan. "Produire un film avec comme titre Parce que je le vaux bien n'est pas fautif. Et il n'est pas fautif de déposer cette marque dans les classes habituelles pour [les titres de films], s'agissant d'un titre de film que la Petite reine envisage".

Deux pièces de théâtre

Contacté, l'Oréal répond: "la Petite reine ayant procédé à la radiation volontaire auprès de l’INPI des deux marques litigieuses, les parties ont par la suite décidé de clore ce dossier".

Quant à l'affaire Bettencourt, elle n'a toujours pas été portée à l'écran. Thomas Langmann, qui trouve le sujet passionnant, garde l'idée dans un coin de sa tête. Un autre projet avec un Jean Rochefort travesti dans le rôle de Liliane Bettencourt, et Edouard Baer dans celui de François-Marie Banier, n'a pas abouti. Mais l'affaire a donné lieu à deux pièces de théâtre: Parce que je la vole bien, de Laurent Ruquier (où les protagonistes portent d'autres noms), puis Bettencourt boulevard de Michel Vinaver (avec leurs vrais noms).

Retrouvez les autres épisodes de la série ici.

Jamal Henni et Simon Tenenbaum