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Google, Apple, Facebook, Amazon:qui paie le moins d'impôts?

Facebook entasse ses bénéfices aux îles Caïmans

Facebook entasse ses bénéfices aux îles Caïmans - AFP Susana Bates

Grâce à un montage passant par les îles Caïmans, Facebook s'impose comme le champion de l'optimisation fiscale. Le réseau social de Mark Zuckerberg est parvenu, en 2015, à limiter la ponction fiscale à 3,8% de ses bénéfices réalisés hors des États-Unis.

Les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) ont publié récemment leurs résultats 2015. Dans ces documents, figure l'impôt payé par ces géants de l'internet, ce qui permet de mesurer l'ampleur de leur optimisation fiscale.

Ces quatre géants -auxquels nous avons rajouté un autre acteur majeur du web, Microsoft- ont plusieurs points communs. Chez chacun d'entre eux, l'activité hors des États-Unis représente désormais la majorité du chiffre d'affaires et des bénéfices. À noter d'ailleurs que chez Facebook, cette activité -jusque là déficitaire- est devenue rentable pour la première fois en 2015...

Inversement, ces activités internationales ne représentent qu'une petite partie de l'impôt payé. Ce qui montre bien une pratique intensive de l'optimisation fiscale hors des États-Unis.

La médaille d'or de l'optimisation revient à Facebook. Le réseau social n'a payé que 3,8% d'impôt sur ses bénéfices réalisés hors des États-Unis. Avec 5,6%, Google décroche la médaille d'argent. Apple doit se contenter du bronze, le géant californien laissant au fisc des pays (hors États-Unis) où ses iPhone, ses iPad et ses Mac sont vendus, 6,2% de ses bénéfices. 

L'Irlande, idiot utile de la fiscalité européenne

Rappelons que nos Gafa ne déclarent pas leur chiffre d'affaires dans le pays où leur service est utilisé, mais le facturent depuis l'Irlande (ou le Luxembourg pour Amazon). Pourtant, le taux d'imposition que nous avons calculé est très loin du taux officiel irlandais: 12,5%. Les Gafa ne sont pas les seuls: les entreprises irlandaises installées dans le vert pays ne payent que 4,2% à 5,3% d'impôt, selon une étude du Bureau of Economic Analysis du département du commerce américain.

L'explication est assez simple. Ces champions de l'optimisation fiscale ne payent en réalité quasiment aucun impôt en Irlande (ou au Luxembourg pour Amazon), grâce à des montages d'optimisation fiscale qui redirigent le profit vers des paradis fiscaux où l'impôt est nul: les îles Caïmans pour Facebook, les Bermudes pour Microsoft et Google, le Delaware, Gibraltar, Jersey et les îles Vierges britanniques pour Amazon. Encore plus fort, Apple envoie ses monstrueux profits dans une société qui n'est résidente fiscale nulle part... ce qui lui garantit une tranquillité absolue sur le plan fiscal. 

Apple détient plus de 200 milliards offshore

Apple a pu ainsi accumuler offshore un trésor de guerre qui dépasse à fin décembre les 200 milliards de dollars. Les autres champions de l'optimisation ne sont pas en reste. Microsoft dispose sur ses comptes offshore de 96 milliards de dollars. Dans ces deux cas, c'est la quasi-totalité du cash de la société qui est ainsi stockée sur des comptes "idéalement" localisés.

Les Gafa se gardent évidemment bien de rapatrier ces dollars aux États-Unis. Car il leur faudrait alors s'acquitter de l'impôt fédéral qu'ils jugent visiblement confiscatoire, puisqu'il s'élève à 35% des bénéfices. Plutôt que de verser des dollars en plus au fisc américain, Apple préfère même s'endetter sur le marché obligataire lorsqu'il a besoin d'argent. 

Bref, ces montages permettent de ne payer quasiment aucun impôt ni dans le pays de consommation, ni dans le pays de facturation (Irlande, Luxembourg), ni aux États-Unis. La boucle est bouclée.

Lobby à Washington

Reste un hic: que faire de ces montagnes de dollars qui s'entassent? Microsoft l'a utilisé pour racheter des sociétés non américaines, comme Skype ou les mobiles de Nokia. 

Les Gafa font du lobby auprès de Washington pour rapatrier leurs profits sans être taxés. En 2005, ils avaient provisoirement obtenu gain de cause. George W. Bush avait accepté de ne taxer les sommes rapatriées qu'à hauteur de 5%, soit sept fois moins que la normale. Un geste qui suscita ensuite une controverse dans l'opinion, et que l'administration Obama a refusé de répéter jusqu'à présent. Mais le sujet a récemment été remis sur la table.

Le seul Gafa hors concours reste Amazon. Et pour cause. Ses activités internationales sont encore déficitaires. 

Le taux d'impôt sur les bénéfices hors États-Unis, en %

Facebook: 3,8%

Google: 5,6%

Apple: 6,2%

Microsoft: 18,5%

Amazon: non applicable

NB: chiffres portant sur le dernier exercice. Pour Apple, exercice clos fin septembre. Pour Microsoft, exercice clos fin juin. Pour les autres, exercice clos fin décembre. 

La trésorerie hors des États-Unis à fin 2015, en millions de dollars (% de la trésorerie totale)

Facebook: 1.900 (10%)

Amazon: 5.800 (29%)

Google: 42.900 (59%)

Microsoft: 96.300 (94%)

Apple: 200.100 (93%)

Bénéfice avant impôt réalisé hors des États-Unis, en millions de dollars (% du bénéfice avant impôt total) 

Facebook: +3.392 (55%)

Amazon: -618

Apple: +47.600 (66%)

Google: +11.380 (58%)

Microsoft: +11.144 (60%)

La charge d'impôt hors États-Unis, en millions de dollars (% de la charge d'impôt totale)

Facebook: 128 (5%)

Amazon: 196 (21%)

Apple: 2.938 (15%)

Google: 639 (23%)

Microsoft: 2 065 (33%)

Jamal Henni