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Manifestations contre la loi Travail: qui paiera les dégâts des casseurs?

L'AP-HP a fait un appel aux dons pour remplacer les 15 baies vitrées de l'hôpital Necker brisées par des casseurs le 14 juin 2016, en marge de la manifestation

L'AP-HP a fait un appel aux dons pour remplacer les 15 baies vitrées de l'hôpital Necker brisées par des casseurs le 14 juin 2016, en marge de la manifestation - Jacques Demarthon-AFP

Les conséquences financières des multiples dégradations causées aux commerces et aux équipements municipaux, ne seront que partiellement prises en charge par les assurances. Mais l'État, garant de l'ordre public, peut aussi être appelé à la rescousse par les victimes.

Vitrines saccagées, portes défoncées, parfois même pillages de certains magasins: la facture des dégâts causés par les débordements des casseurs lors des multiples manifestations contre la loi Travail promet d'être salée... pour les assureurs, mais pas seulement.

À l'assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), on n'a pas hésité à faire appel aux dons pour financer le remplacement des quinze baies vitrées de l'hôpital Necker endommagées lors de la manifestation parisienne du 14 juin. Et pour cause. Estimées à 200.000 euros, les conséquences financières des dégâts doivent être prises en charge directement par l’AP-HP puisque cette dernière est son propre assureur. Le coup de pouce citoyen est donc bienvenu. Or "d’anciens patients" ont "fait part de leur souhait de participer par un don au financement des travaux de remplacement des baies vitrées endommagées", explique-t-elle sur son site internet. L’AP-HP a donc décidé d'utiliser une plate-forme internet pour recueillir et centraliser les dons effectués en ligne. Une manière éfficace pour alléger la facture.

En effet, la règle de l'auto-assurance (cf encadré ci-dessous) prévaut pour toutes les administrations publiques. Celles-ci assument donc, en général, les conséquences financières des sinistres dont elles sont les victimes.

Une exposition de photos saccagée à Paris: 15.000 euros

La région Ile-de-France a, de son côté, estimé à 15.000 euros, le coût du saccage d'une exposition de photos. Disposées sur le mur du bâtiment du conseil régional, sur le boulevard des Invalides (Paris VIIème), ces oeuvres ont eu le malheur d'être situées sur le trajet de la manifestation du 14 juin. "Ces dégâts ne sont pas, a priori, couverts par les assurances" nous a-t-on précisé au service communication de la région francilienne.

Les banques figurent également parmi les grandes victimes des violences urbaines. "Trois cents agences bancaires ont été impactées, soit environ 1 % des points de vente", indique aux Echos un banquier qui a recensé l'intégralité des actes de vandalisme ayant ciblé le secteur. Fin mai 2016, Alain Fradin, le directeur général du Crédit Mutuel Centre Est Europe, avait précisé, au quotidien économique, que 40 agences du Crédit Mutuel et du CIC avaient été prises pour cible.

Les entreprises privées sont-elles assurées contre ce risque? Pour des dégâts comme les bris de vitrines ou les incendies causés par des casseurs, les assureurs rappellent que le contrat multirisques ou le contrat incendie ne jouent que s’ils comportent une garantie émeutes et mouvements populaires. Car la garantie "émeutes et de mouvements populaires", à la différence de celle qui protège les assurés en cas d'attentat, n'est pas intégrée automatiquement dans les contrats.

L'État peut être sollicité pour financer les réparations

"En cas de dégradations volontaires, la garantie vandalisme permet d’être indemnisé" mais attention, "les commerces sont rarement couverts pour les vols commis lors d’émeutes", précise-t-on à la fédération française des sociétés d'assurance.

Les assureurs rappellent aussi que les entreprises ou organismes victimes de de ces déprédatations peuvent se retourner contre l'État, à la suite de dégats causés lors des débordements liés à une manifestation sur la voie publique. En effet, "l'article L. 211-10 du Code de la Sécurité intérieure institue une responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages causés par des attroupements ou rassemblements. Il appartient toutefois au juge administratif d’apprécier les conditions d’application de ce texte" est-il néanmoins précisé sur le site de la fédération française des sociétés d'assurances.

Si toutes les victimes de dégradations peuvent invoquer cet article de loi, les grandes villes dont les voiries et le mobilier urbain ont grandement souffert des violences urbaines, seront sans doute les premières à se rappeler au bon souvenir de l'État.

La métropole nantaise demande réparation à l'État

C'est le cas de la métropole Nantaise qui prévoit de demander à la Préfecture de l'aider à payer la facture, comme l'a expliqué son vice-président, Pascal Bolo, à la radio locale France Bleu"Des casseurs mettent le feu à une voiture d'un côté, à des pneus et à des poubelles de l'autre et ça vient abîmer l'enrobé. Derrière, ça engendre des frais de remise à neuf des rues et des trottoirs tout à fait significatifs. Et ça, ça dépend de Nantes métropole. Et on espère bien que l'Etat, qui est responsable de l'ordre public, prendra ses responsabilités, y compris pour cette prise en charge. Quand des troubles à l'ordre public créent des dégâts sur des biens des collectivités, l'Etat peut être appelé à participer à la réduction de la facture" souligne Pascal Bolo.

A Rennes, la préfecture est, elle, prête à rembourser aux commerçants la franchise q'uimposent les assurances dans le cas de vitrines brisées, à l'occasion des différents émeutes urbaines qui ont eu lieu dans la ville.

Reste un préjudice que les victimes devront assumer quoi qu'il arrive seules. Les commerçants et les entreprises ayant fait les frais des casseurs ainsi que leurs voisins ont subi une baisse de fréquentation et de chiffre d'affaires. Un préjudice difficile à estimer mais réel.

L'auto-assurance, une pratique propre à l'État et aux organismes publics

Les collectivités publiques ont pour habitude de s'auto-assurer, c'est-à-dire a prendre en charge elle-même les conséquences financières des sinistres dont elles sont les victimes. Comment? En constituant des provisions pour risque. C'est le cas de l'AP-HP (assistance publique des hôpitaux de Paris), victime de dégradations évaluées à 200.000 euros. Mais en recourant à un appel aux dons pour financer cette dépense, elle laisse toutefois penser que le coût de ces réparations pèse (trop) lourdement sur son budget. En effet, cette pratique d'auto-assurance suppose de disposer d'une capacité financière suffisante pour couvrir les dépenses générées par un sinistre.

Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco