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Renault aurait planché sur un système de bonus cachés pour ses dirigeants

L'assemblée générale de Renault se tient ce jeudi. Les actionnaires sont invités à se prononcer sur les éléments de rémunération du PDG pour 2017, alors que des informations de presse font état d'un projet de montage juridique permettant de verser des bonus sans l'accord de l'assemblée générale.

Selon Reuters, les banquiers de l'alliance Renault-Nissan auraient élaboré un projet permettant de verser des millions d'euros de bonus annuels supplémentaires au PDG et à d'autres dirigeants, par le biais d'une société créée spécialement pour l'occasion. "La proposition préliminaire prévoit que Renault, Nissan et maintenant aussi Mitsubishi versent à la société enregistrée aux Pays-Bas une portion des nouvelles synergies dégagées grâce à l'alliance. Celles-ci devraient atteindre 5,5 milliards d'euros l'an prochain, un nouveau record après 4,3 milliards en 2016", explique l'agence de presse. Les fonds seraient transférés sous forme de bonus en numéraire et titres pour "encourager les dirigeants à poursuivre les opportunités de synergies".

L'alliance Renault-Nissan a immédiatement réagi. "Cet article n'est pas fondé sur des informations fournies par l'alliance ou ses entreprises membres, et aucune décision de ce genre n'a été prise", a déclaré un porte-parole de la structure. La CGT a dénoncé un tel projet qui constituerait selon elle "un nouveau moyen d'amasser les fruits du travail des salariés" et a indiqué dans un communiqué avoir "interpellé dès cet après-midi (mardi) Carlos Ghosn afin qu'il s'explique".

Bercy a, de son côté, refusé toute déclaration. Les actionnaires de Renault, dont l'État, doivent se prononcer, ce jeudi, sur la rémunération de Carlos Ghosn lors de l'assemblée générale du groupe automobile français. Carlos Ghosn, à la tête de Renault depuis 12 ans, a touché 7 millions d'euros de la société en 2016 dont 1,23 million de salaire fixe, le solde - en numéraire ou en actions récupérables à terme - étant calculé sur des critères de performance de l'entreprise qui a publié des résultats "record" pour l'année dernière.

Les actionnaires sont invités à donner un avis consultatif sur ces montants et à se prononcer sur les éléments de rémunération du PDG pour 2017. Un vote devenu contraignant cette année, conformément à la loi "Sapin 2". Or, c'est à la suite de l'assemblée générale de Renault l'année dernière que le gouvernement avait décidé de durcir l'arsenal législatif en matière de traitements des dirigeants. Les actionnaires avaient rejeté la rémunération de Carlos Ghosn pour 2015, à 54%, mais le conseil d'administration était passé outre.

Les représentants de l'État voteront contre

Parmi les politiques ayant critiqué ce passage en force figurait Emmanuel Macron, alors ministre de l'Économie. Lui et Carlos Ghosn s'étaient déjà opposés sur la question de l'influence de l'État au sein de l'ex-Régie nationale, crise tranchée par un "accord de stabilisation" fin 2015. Le premier actionnaire de Renault est en effet l'État (19,74%), suivi de Nissan (15%). Mais l'entreprise nippone ne dispose pas de droits de vote en raison des règles sur "l'autocontrôle", Renault détenant 43,4% du capital de son partenaire industriel. Daimler contrôle 3,1% des actions de Renault et les salariés de l'entreprise 2,09%, le reste étant flottant (surtout des investisseurs institutionnels). Or, confirme-t-on à Bercy, les représentants de l'État voteront, cette année encore, contre la rémunération de Carlos Ghosn, jugée excessive.

Il faudra que Renault convainque une forte majorité des autres actionnaires représentés pour éviter à son PDG un affront qui serait toutefois symbolique, la loi prévoyant qu'en cas de rejet, les règles de 2016 s'appliqueront pour 2017.

L'entreprise a fait oeuvre de pédagogie en détaillant le mode de calcul de la part variable du traitement du PDG, dont le plafond a été abaissé. Un effort salué par le cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest, pourtant critique récurrent de la gouvernance de Renault: "Ils se retrouvent comme l'un des meilleurs élèves du CAC 40" en matière de transparence, explique à l'AFP Charles Pinel, associé de la société.

"Le président le mieux rémunéré du CAC 40 en 2016"

Mais le conseil d'administration a fixé des objectifs d'indicateurs financiers trop bas, ce qui "permet pratiquement un variable garanti", estime Charles Pinel, dont le cabinet affirme que le constructeur n'apporte "pas de réponse adéquate au mécontentement (des) actionnaires" et préconise de voter contre le salaire de Carlos Ghosn.

Proxinvest fait aussi remarquer que Carlos Ghosn a touché en 2016 8,37 millions d'euros en tant que PDG de Nissan. Depuis fin mars, il n'est plus que président du conseil d'administration du constructeur, mais a entretemps pris la tête du nouvel arrivant dans l'alliance franco-japonaise, Mitsubishi. Les 15,4 millions d'euros de salaire cumulé, hors Mitsubishi, font de Carlos Ghosn, "le président le mieux rémunéré du CAC 40 en 2016", selon le cabinet, qui juge cette somme "totalement excessive tant au regard de la taille du groupe, que de ses pairs européens ou français". 

L'actuel mandat chez Renault de Carlos Ghosn, 63 ans, expire à l'assemblée générale 2018. Le constructeur a bouclé 2016 sur des résultats financiers "record", dégageant 3,54 milliards d'euros de bénéfice net.

D. L. avec agences