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Scandale de viande avariée: 30 pays pourraient fermer leur porte au Brésil

Un scandale de viande avariée secoue le Brésil.

Un scandale de viande avariée secoue le Brésil. - Vanderlei Almeida - AFP

Le Brésil est le premier exportateur mondial de bœuf et volaille. Mais la semaine dernière un vaste scandale a été mis au jour: présence de bactéries de type salmonelle, usage de substances cancérigènes et d'étiquettes falsifiées pour camoufler la viande avariée. Des pays ont d'ores et déjà mis en place des mesures restrictives.

Alors que le Brésil est plongé dans la pire crise économique de son histoire, un scandale de viande avariée vient d'éclater. La police brésilienne a démantelé vendredi dernier un vaste réseau de vente de viande avariée, concernant des inspecteurs des services sanitaires et des géants du secteur agroalimentaire qui vendent aussi à l'international. Fruit de deux ans d'enquête, l'opération, décrite comme "la plus importante de l'histoire" par la police fédérale (PF), a mobilisé 1.100 agents pour l'exécution de 309 mandats judiciaires, dont 27 interpellations, dans sept États du Brésil. Parmi les entreprises visées, deux géants du secteur agroalimentaires, JBS et BRF, selon les documents officiels envoyés à l'AFP par les autorités judiciaires du Parana (Sud). Les aliments avariés étaient destinés aussi bien au marché brésilien qu'à l'exportation..

Résultat: "Nous nous attendons à ce que plus de 30 pays remettent en question le pays (comme fournisseur de viande) en raison de cette affaire", a déclaré le ministre de l'Agriculture, Blairo Maggi, lors d'une conférence de presse à Brasilia. Et si tous fermaient leurs portes à la viande brésilienne, "ce serait un désastre", a-t-il reconnu, alors que la première économie d'Amérique latine est déjà plongée dans une récession historique.

Importations suspendues en Chine, au Chili et à Hong-Kong

Le coup commercial le plus rude est venu du géant asiatique chinois, deuxième acheteur de viande brésilienne au monde, qui en a bloqué les importations jusqu'à nouvel ordre, trois jours après le démantèlement d'un réseau de commercialisation de denrées impropres à la consommation. En 2016, le Brésil a exporté pour plus de 859 millions de dollars de viande de poulet vers la Chine et pour 702,7 millions de viande bovine, selon le ministère du Commerce (MDIC). "Jusqu'à ce qu'elle reçoive des informations, la Chine ne déchargera pas les viandes importées en provenance du Brésil. Cette nuit, le ministre (Maggi) tiendra une vidéoconférence avec les autorités chinoises pour mettre les choses au clair", a annoncé le ministère de l'Agriculture. 

Même chose pour Hong-Kong qui est devenu ce mardi le dernier gouvernement en date à suspendre ses importations de viande congelée ou réfrigérée ainsi que de volaille provenant du Brésil "compte tenu du fait que la qualité de la viande en provenance du Brésil est sujette à caution", a-t-il annoncé dans un communiqué publié sur son site internet.

Le Chili, sixième importateur de viande rouge brésilienne, a également suspendu ses importations. En réaction, Blairo Maggi a brandi la menace de représailles, en rappelant: "Nous sommes aussi de grands importateurs de produits chiliens (...). Si je dois avoir une réaction plus forte pour protéger le marché brésilien, je le ferai sereinement".

L'Union européenne a quant à elle demandé "au Brésil de retirer immédiatement tous les établissements impliqués dans la fraude de la liste" des sociétés approuvées par l'UE pour l'exportation, selon Enrico Brivio, un porte-parole de la Commission européenne. Sur 21 entrepôts frigorifiques soupçonnés d'avoir commis des irrégularités, quatre ont une licence d'exportation vers l'UE. "La Commission suit (le dossier) de très près avec les États membres et nous faisons preuve d'une vigilance supplémentaire dans les vérifications obligatoires sur les importations de produits issus d'animaux en provenance du Brésil", a souligné Enrico Brivio. Jusqu'à présent aucune alerte n'a été déclenchée sur des produits importés et commercialisés dans l'UE.

"Faire dérailler la reprise économique du pays"

Autre pays à réagir lundi, la Corée du Sud a suspendu temporairement, le temps de vérifier leur qualité, la distribution des poulets importés du Brésil. Celle-ci avait repris mardi, les autorités sud-coréennes ayant établi qu'aucune viande avariée brésilienne n'avait été importée dans le pays.

Le Brésil, déjà secoué par une crise politique majeure, a de son côté tenté de limiter les conséquences de cette nouvelle affaire. "Le secteur de la viande emploie plus de 7 millions de personnes et représente 15% des exportations brésiliennes", a rappelé l'Association brésilienne des exportateurs de viande (Abiec). Le scandale "pourrait faire dérailler la reprise économique du pays", s'est inquiété le cabinet d'analyse Capital Economics, car "le Brésil fait face à une perte potentielle d'exportations d'environ 3,5 milliards de dollars, l'équivalent de 0,2% du PIB". Pour l'heure, trois entrepôts frigorifiques ont été fermés, dont un appartenant à BRF, selon le ministère de l'Agriculture. Et 33 fonctionnaires impliqués ont été destitués.

Le principal syndicat européen d'agriculteurs Copa-Cogeca a saisi l'occasion pour appeler de nouveau à la prudence dans les négociations en cours entre l'UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) autour d'un accord de libre-échange. "Nous respectons des normes en matière de sûreté des aliments et de bien-être des animaux parmi les plus élevées au monde et il est indispensable que les importations vers l'UE les respectent", a insisté Pekka Pesonen, le secrétaire général du syndicat. Les négociateurs de l'UE et du Mercosur se sont justement retrouvés lundi à Buenos Aires pour un nouveau round de négociations.

En 2016, les exportations brésiliennes de viande de poulet ont dépassé les 5,9 milliards de dollars et celles de viande bovine ont atteint 4,3 milliards, selon le ministère brésilien du Commerce, au total dans 150 pays.

D. L. avec AFP