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Si vous avez raté l'aller, Air France ne peut pas annuler votre billet retour

Une avocate veut mener une action collective à l'encontre d'Air France.

Une avocate veut mener une action collective à l'encontre d'Air France. - Loic Venance - AFP

Une avocate va lancer une action collective contre Air France. Me Stella Bisseuil lui reproche de pénaliser les passagers qui ratent leur vol aller. La compagnie leur interdit d'utiliser, au moins, leur billet retour. Une pratique contraire à ses conditions générales de transport.

Stella Bisseuil est vent debout contre Air France. L'objet du courroux de cette avocate: le "no show". Cette clause, utilisée par de nombreuses compagnies aériennes, prévoit que lorsqu'un passager ne s'enregistre pas ou ne se présente pas à l'embarquement pour un vol, cela entraîne automatiquement l'annulation complète de son billet. Si son vol prévoyait une correspondance, il lui sera impossible de poursuivre son voyage. Et s'il voulait rentrer chez lui, il ne pourra pas prendre son vol retour.

Cette pratique, si elle est contraignante pour les passagers, peut se comprendre du point de vue des compagnies. Cela évite que certains clients, bénéficiant de promotions, achètent un aller-retour moins onéreux qu'un aller simple alors qu'ils ne comptent faire qu'un seul des deux voyages. Ou prennent, par exemple, un billet pour New York via Paris au départ de Londres, moins coûteux que le vol direct au départ de Paris mais, prétextant indûment d'avoir raté leur vol à Heathrow, cherchent à embarquer à Roissy dans le seul vol qu'ils avaient l'intention de prendre.

Des clauses qui ont changé en 2012...

Mais cette pratique est contraire aux conditions générales de transport d'Air France. En effet, en 2009, l'UFC-Que Choisir a assigné en justice la compagnie aérienne pour clauses abusives. Celle du "no show" en faisait partie. À l'époque, la règle était simple: "Le tarif que le passager a payé correspond au parcours indiqué sur le billet et fait partie intégrante du contrat de transport passé entre le transporteur et le passager. Le billet ne sera pas accepté et perdra toute validité si les coupons n'ont pas été utilisés dans leur ordre d'émission". En clair, si le passager ne s'était pas présenté à l'aller, son billet retour était annulé d'office. Air France avait donc fini par modifier cette clause en mars 2012.

Depuis cette date, le passager doit accepter le principe suivant: "Le changement du point de départ ou de destination du voyage par le Passager (par exemple, si celui-ci n'utilise pas le premier Coupon ou s'il n'utilise pas l'intégralité des Coupons ou en cas de non-utilisation des Coupons dans leur ordre d'émission), peut avoir pour résultat de modifier le Tarif TTC payé initialement par le Passager". Autrement dit, son vol retour ne peut être annulé d'office, mais la compagnie peut exiger le paiement d'un supplément pour l'accepter à bord.

...mais qui ne sont apparemment pas toujours respectées

Sauf que selon Me Stella Bisseuil, Air France a du mal à respecter ses propres clauses. N'ayant pu elle-même prendre son vol aller, elle s'est vu refuser l'accès dans l'avion prévu pour son vol retour. Elle a dû racheter un nouveau billet. "Beaucoup de passagers se retrouvent dans la même situation! Certains ne peuvent même pas racheter leur propre billet, Air France l'ayant déjà revendu. Air France a modifié ses conditions, ces annulations sont donc abusives".

La compagnie aérienne, dans le cas de Stella Bisseuil, a même reconnu ses torts, estimant qu'elle n'aurait pas dû lui demander de racheter un nouveau billet. Comme le prouve cette conclusion que nous a envoyé l'avocate. Le jugement définitif n'a toujours pas été prononcé.

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Air France doit avoir le temps d'éditer un nouveau billet

Le service de presse d'Air France donne un autre son de cloche. "On n'annule pas la réservation du client", nous explique-t-il. "Le billet n'est plus utilisable donc on en édite un autre et on recalcule le prix". Dans ses conditions générales de transport, la compagnie précise que le complément tarifaire correspond "à la différence entre le Tarif TTC initialement payé et le Tarif TTC qu'il aurait dû payer au moment de l'émission du Billet correspondant au voyage effectivement réalisé par le Passager".

Un mode de calcul un peu complexe. "Parfois, à l'aéroport, si le passager arrive au dernier moment, les agents n'ont pas le temps de le faire", nous précise le service de presse. C'est pourquoi certains voyageurs ne peuvent pas embarquer. Pour simplifier cette procédure, Air France a mis en place un forfait depuis l'an dernier sur les vols domestiques. Le passager qui n'a pris son vol aller doit juste payer 75 euros pour avoir le droit d'embarquer sur le vol retour. Ce principe du forfait va être étendu à tous les billets achetés à partir de février, mais le tarif (moyen et long-courrier) n'est pas encore connu.

L'avocate souhaite intenter une action collective

Quoiqu'il en soit, l'avocate souhaite faire profiter les autres passagers lésés de sa réussite en intentant une action collective. "Plus on est nombreux, plus on est forts", estime-t-elle. "Surtout face à de grosses sociétés comme Air France". Elle a déjà reçu plus d'une soixantaine de témoignages, mais elle est consciente que des clients risquent de se rétracter au dernier moment, préférant éviter les problèmes avec la compagnie. Néanmoins, elle prévoit de débuter l'action en justice en février.

"La méthode que j'ai choisie (paiement d'un honoraire fixe de 25 euros puis paiement au pourcentage par tranches) et le procès de groupe (mutualisation des frais d'huissier et de justice) doit permettre à chaque personne d'engager un procès sans risque et sans avoir à supporter la charge de l'aléa judiciaire, puisque si, par impossible, le procès était perdu, ils n'auraient chacun que les 25 euros de frais à payer (seule partie de l'honoraire qui n'est pas soumise à résultat). En revanche, en cas de gain, le pourcentage sur la première tranche équivaut pratiquement à un partage moitié-moitié de la somme obtenue. Ce n'est que sur les sommes supplémentaires que le pourcentage diminue", explique Stella Bisseuil.

À la différence d'une class action qui nécessite de passer par une association de consommateurs agréée, seuls les voyageurs abusés qui sont sur la liste de Stella Bisseuil pourront bénéficier du jugement. Si d'autres passagers sont victimes du "no show", ils devront refaire un procès.

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze Journaliste BFM Éco