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Transports

SNCF: l'effarant coût des portiques de sécurité dans les gares

La SNCF va devoir dépenser 5 millions d'euros par an pour tenter de sécuriser les deux quais de départ du Thalys à la Gare du Nord. Une dépense imposée par Ségolène Royal, que personne n’a le droit de contester. Et pourtant…

"C’est une usine à gaz", disent les personnels de la SNCF en charge du dossier, "le gouvernement ne s’est absolument pas rendu compte de ce qu’il nous demandait". Les quais du Thalys n’ont rien à voir avec ceux de l’Eurostar et les sécuriser est effectivement une épreuve de force. 5 millions d’euros par an sont nécessaires pour les deux quais de la Gare du Nord: voilà le chiffre révélé dimanche 20 décembre par Guillaume Pépy, le PDG de la SNCF.

Rentrons dans le détail. Ce n’est pas l’équipement lui-même qui coûte cher, de l'ordre de 200.000 euros par portique et par an, appareil rayon X inclus. La SNCF a décidé dans un premier temps d’en louer douze exemplaires, huit étant déployés sur les quais. La compagnie a souhaité se donner une marge de manoeuvre en cas de panne.

En revanche, les agents indispensables à la réalisation des contrôles font exploser les coûts de l’opération. La SNCF doit en effet y employer 100 agents spécialisés, salariés d’une société de sécurité qui s’occupe des aéroports. Faisons le décompte: quatre portiques par quai, cela fait quatre agents. À côté, quatre agents supplémentaires pour les appareils rayons X. Derrière, deux agents pour d’éventuelles palpations de sécurité, et devant, deux agents pour gérer la file d’attente, demander à chacun de se préparer, faire gagner du temps à tout le monde.

100 agents spécialisés

Mais ce n’est pas tout: pour contrôler les flux de passagers, la SNCF a dû fermer un certain nombre d’accès aux quais. "Mais on ne peut pas les fermer avec des barrières, ce sont des issues indispensables en cas d’évacuation d’urgence, donc il faut poster des agents de sécurité pour empêcher les gens de passer, pas d’autre solution", expliquent les personnels de la SNCF. Un dispositif mis en place 7 jours sur 7 qui impose de constituer deux équipes travaillant chacune 8 heures, soit 100 personnes mobilisées à temps plein.

2,5 millions d’euros sont donc nécessaires par quai et par an, soit 5 millions d’euros au total. Une dépense indispensable pour la sécurité des voyageurs? "Plutôt une dépense politique", nous dit un expert "parce que nos partenaires européens ne nous suivront pas et que cette sécurité reste illusoire".

Une sécurité imparfaite

"Le problème", continuent ceux qui sont en charge de la mise en place et qui ne décolèrent pas devant les exigences de Ségolène Royal, "c’est que cette sécurité est imparfaite. D’abord, nos partenaires européens sur la ligne du Thalys n’ont pas exprimé d’empressement à nous suivre". Selon nos informations, les chemins de fer allemands ont pris la décision de ne pas mettre en place un tel dispositif.

Ensuite, la SNCF elle-même a déjà dû transiger à quelques reprises sur les quais de la Gare du Nord: "À certaines heures en fin de journée, il est impossible de totalement vider le quai des gens qui descendent avant de laisser passer ceux qui vont partir. Il faudrait totalement revoir la grille horaire, et là encore, nous ne sommes pas les seuls décisionnaires, on a été obligé de laisser les flux se croiser".

Ce qui marche pour l’Eurostar, conçu comme un passage de frontière, avec des passagers qui savent exactement à quelles formalités s’attendre, ne peut pas marcher pour le Thalys, un train conçu comme un symbole de la construction européenne, comme le symbole de l’espace Schengen, sans entrave, avec l’idée que l’on doit pouvoir aller à Düsseldorf aussi simplement que l’on va à Lyon. "Pour l’instant on fait ce qu’on nous demande" disent les responsables de la SNCF, "mais on n’imagine pas prolonger l’opération au-delà de la période d’état d’urgence, ou alors il faudra que le gouvernement nous explique comment faire".

Stéphane Soumier