BFM Business
Transports

La SNCF en panne de solutions face à la fraude

La fraude impacte lourdement le chiffre d'affaires de la SNCF

La fraude impacte lourdement le chiffre d'affaires de la SNCF - -

Pour une entreprise, voir chaque année entre 10 et 20% de son chiffre d’affaires lui passer sous le nez est très problématique. Or, c’est ce qui arrive à la SNCF, bien en mal de lutter contre le manque à gagner, toujours plus important, dû à la fraude.

Augmenter les prix des billets de train? C'est ce que préconise l’institut Montaigne dans un rapport publié ce mardi 20 novembre. Une idée qui pourrait évidemment arranger les finances de la SNCF et des régions en pleine rigueur budgétaire, mais qui pourrait avoir des effets inverses à ceux escomptés... comme l'augmentation substancielle de la fraude dans les trains. Or, celle-ci ne cesse d'augmenter sous l'oeil impuissant de la SNCF, toujours à la recherche d'une solution pour l'enrayer.

Certes, l'institut Montaigne peut s'appuyer sur le fait que l'usager des trains régionaux (TER) ne participe que faiblement au coût de son voyage (sa part s'élèverait à 17% du coût global). Il n'empêche! Sur le terrain, les Français disent tout autre chose: 50% des usagers de TER estiment qu'ils paient leur voyage trop cher (étude d’Ipsos) ; pire, ce prix "jugé trop élevé" serait la principale motivation des contrevenants (55% des raisons invoquées)! Tant et si bien qu'au rayon des outils de lutte contre la fraude, les consultants suggèrent de revoir les tarifs à la baisse, en particulier pour les jeunes. C'est l'un des enseignements de l'étude "La fraude des voyageurs sur le réseau TER Paca", commandée par le Comité d’entreprise des Cheminots de la région Provence Alpes Côte d’Azur (Paca) au cabinet Transversales.

Un voyageur sur cinq en situation irrégulière

Ce ne sont pas moins de 20 millions d’euros qui partiraient chaque année en fumée à cause de la fraude rien qu'en Paca. Un voyageur sur cinq est en situation irrégulière dans les TER de la région. La forte activité touristique, les festivals, les grosses métropoles, et le fort taux de chômage expliqueraient ce taux de fraude de 20% contre une moyenne nationale qui frise plutôt les 11%. Selon le cabinet Transversales, environ 13 à 15 millions d’euros pourraient être récupérés en menant une lutte plus efficace, une part de la fraude restant à priori incompressible.

La SNCF, les cheminots, mais aussi la région, qui investit 242 millions d'euros pour le fonctionnement des TER en Paca en 2012, ont tenu ensemble des Assises contre la fraude en mars dernier. Pour que cette lutte soit efficace, ils savent qu'ils doivent aussi convaincre les utilisateurs... Jean-Yves Petit, vice-président chargé des transports et de l’éco-mobilité au Conseil régional Paca, explique ainsi que le manque à gagner lié à la fraude, c’est "autant de services supplémentaires que la Région ne peut mettre en œuvre: des fréquences en plus grand nombre, des trains et des infrastructures plus capacitaires, des effectifs maintenus ou créés".

Pour les voyageurs, lutter contre la fraude, c’est les "rendre plus égaux face au droit au transport", c’est plus de "sérénité, de tranquillité pour les usagers, grâce à un respect des règles" dont fait partie l’acquittement du droit au transport, assure-t-il encore.

La moitié des PV inexploitables

Pourtant, début novembre, à quelques gares de là, dans la région Centre, les syndicats et les usagers font entendre leur exaspération face au "défi anti-fraude" lancé par la SNCF. Une opération qui promet des cadeaux et des bons d’achats aux contrôleurs qui relèveront le plus d’infractions. Pour les utilisateurs, c'était comme une guerre déclarée. Pour les contrôleurs, cela tombait plutôt mal... juste après un mouvement syndical lié à des agressions.

La sécurité est, en effet, un problème central pour les agents de contrôle. Le rapport de Transversales note d’ailleurs que ceux-ci sont mal outillés pour lutter contre la fraude, voire totalement dépourvus face aux fraudes organisées. Les contrôleurs, eux, rappellent que les contrôles ne sont pas leur première mission, et surtout s’interrogent sur l’utilité de cette dernière. Sur 28 045 PV établis entre janvier et juillet 2011 en région Paca, représentant une valeur totale de 1873 617 euros, seuls 51,2% étaient exploitables. Et au final, ce ne sont que 15% des PV qui donnent lieu à un recouvrement.

Delphine Sabattier