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Société Générale: la fermeture des agences, une bonne nouvelle pour les centres-villes?

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Alors que la dématérialisation des services pousse les banques à rationaliser leur parc, les commerces vont-ils à nouveau fleurir dans les centre-villes? Pas sûr. Explications.

Des banques, des assurances, des agences immobilières, quelques sociétés de services à la personne... Voilà les ornements des centre-villes modernes. Peut-être plus pour longtemps. La Société Générale pourrait ainsi fermer pas moins de 400 agences d'ici à 2020 selon Les Echos, soit 20% de son parc. "Et ce n'est que le début d’un vaste mouvement", estime Philippe Herlin, économiste spécialiste des questions financières. "Car les banques doivent impérativement réduire leurs coûts de fonctionnement avec l’arrivée de nouveaux concurrents."

Et après les banques, les autres sociétés de services pourraient à leur tour fermer boutique. Le mouvement a déjà commencé pour les agences immobilières dont le nombre décroîtrait (il n'y a pas de décompte officiel) de 10% chaque année. Tous ces services qui se sont multipliés dans les centres-villes depuis 30 ans (la France compte 28.000 agences immobilières contre 12.000 en 1985, 40.000 agences bancaires contre 9.000 en 1974...) pourraient être amenés à les déserter dans les années à venir.

Voilà a priori une bonne nouvelle pour les commerces de centre-ville contraints de s'exiler en périphérie. Les bons emplacements se font en effet de plus en plus rares et les prix de l'immobilier commercial augmentent depuis une quinzaine d'années de 4 à 5% par an. Le départ des banques va-t-il constituer un appel d'air?

"Une banque qui part n'est pas remplacée par un commerce"

Rien n'est moins sûr. Car dans les faits cela est plus compliqué. D'abord parce que si le nombre de 400 agences paraît important, "ça ne représente finalement que 4 par département, note Jean-Claude Delorme, co-président de la Fédération française des associations de commerçants. Et rien ne dit que ce sont les meilleurs emplacements qu'elles libéreront." 

Autrement dit, ce sont les petites agences dans les zones commerciales secondaires qui risquent de faire les frais de la rationalisation bancaire. Or l'immobilier commercial est de plus en plus segmenté. "Il y a de fortes disparités entre des emplacements premium que sont les rues passantes où la rareté fait grimper les prix et les emplacements secondaires où les prix stagnent voire baissent chaque année", constate Pascal Madry, le directeur de Procos, la fédération du commerce spécialisé. "Et on peut passer de l'un à l'autre en changeant de rue". Le risque, selon lui, c'est que le départ des établissements bancaires accentue la désertification de certaines zones. "Car il ne faut pas se leurrer, le commerce se pose la même question que les banques sur la pertinence d'avoir autant de magasins", constate-t-il. "Une banque qui part ne sera pas forcément remplacée par un commerce et les locaux vacants qui gangrènent les centres-villes risquent de se multiplier".

Les motifs de venue, clé des centres-villes

En effet, ce phénomène de tissu commercial en éponge (troué d'emplacements vides) se généralise. En 2000, la France comptait 6% de locaux commerciaux vacants. Elle en compte aujourd'hui 8,5%. Le phénomène conjoncturel est devenu structurel. Et finalement les banques et autres services du genre étaient peut-être un moindre mal pour les centres-villes. "Si une banque qui gère 2.000 comptes par exemple n'a pas l'attractivité d'un commerce, lorsqu'elle ferme ce sont potentiellement 2.000 motifs de venue en moins dans les centres-villes", explique Pascal Madry.

Or ce sont ces motifs de venue qui font l'attractivité des centres-villes", explique Procos, "pas les commerces". "Les magasins s'installent s'il y a du flux, pas l'inverse", fait remarquer Pascal Madry. "Les centres-villes qui résistent sont ceux qui ont su conserver des motifs de venue comme des entreprises pour l'emploi, des établissements scolaires, des administrations, voire pourquoi pas des banques. Et à trop privilégier la périphérie, les villes ont souvent condamné leur centre-ville." Et la dématérialisation des banques risque d'aggraver le phénomène.

2 millions de commerce en 1930, 900.000 aujourd'hui

Si internet et la dématérialisation des services risquent d'accentuer le phénomène, la raréfaction du commerce en France n'est pas nouvelle. Leur nombre a été divisé par plus de 2 entre 1930 et aujourd'hui, passant de 2 millions à moins de 900.000. Pourtant dans le même temps la population est passée de 41 à 65 millions. La cause d'un tel phénomène? L'exode rural. La population s'est concentrée tout au long du XXème siècle dans de grandes agglomérations entraînant avec elle une concentration et une rationalisation commerciale. Des magasins plus grands mais moins nombreux. Et le petit "exode urbain" que connaît la France depuis quelques années n'inverse pas vraiment la tendance. "On constate simplement le développement du drive et des supermarchés en périphérie pour ses populations "néo-rurales" mais ça ne compense pas la diminution du tissu commercial au global", constate Pascal Madry.

Frédéric Bianchi