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Sociétés d’autoroutes: l’Etat peut-il reprendre la main?

Depuis 8 ans, les sociétés d’autoroutes ont distribué 14,6 milliards d’euro de dividendes, soit plus que leurs bénéfices.

Depuis 8 ans, les sociétés d’autoroutes ont distribué 14,6 milliards d’euro de dividendes, soit plus que leurs bénéfices. - Philippe Desmazes - AFP

Christian Eckert, le secrétaire d’Etat au Budget, a fustigé dimanche les bénéfices et les dividendes inacceptables des sociétés d’autoroutes. Mais changer la donne ne s’avère pas si facile, et un bras de fer s’est engagé entre le gouvernement et les concessionnaires.

Il est peu dire que la privatisation des autoroutes en 2006 reste en travers de la gorge de l’Etat, surtout quand celui-ci cherche désespérément de nouvelles sources de revenus.

Et pour cause: depuis 8 ans, les sociétés d’autoroutes ont distribué 14,6 milliards d’euro de dividendes (soit plus que leurs bénéfices, puisque ces dernières préfèrent majoritairement s’endetter).

Aprr (Eiffage), Vinci et Abertis, les trois principaux concessionnaires, ont ainsi engrangé 1,8 milliard de profits en 2013. De quoi faire réagir l’Autorité de la concurrence, qui a récemment dénoncé la "rente" de ces sociétés.

Le versement de dividendes "immoral, faute d'être illégal"

Rapidement, la machine politique s’est mise à s’emballer. Emmanuel Macron a ainsi reconnu que la privatisation avait été "une mauvaise affaire pour l’Etat", quand Ségolène Royal a indiqué que sa priorité pour remplacer l’écotaxe, suspendue sine die, était "le prélèvement du profit des autoroutes".

"Il faut commencer par faire le constat que les profits et les versements de dividendes des sociétés d’autoroutes sont inacceptables, en tout cas immoral, faute d’être illégal", a renchéri dimanche Christian Eckert, le secrétaire d’Etat au Budget.

Seulement voilà, ponctionner des entreprises privées ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Michel Sapin, le ministre des Finances, ne s’y est pas trompé: "Les contrats sont extrêmement bien faits et ils prévoient que si il y a une augmentation de la fiscalité, il doit y avoir une compensation, et la compensation c'est l'augmentation du péage", a-t-il fait remarquer vendredi depuis Washington.

Conséquence: les sociétés d’autoroutes répercutent irrémédiablement les différentes hausses d’impôts sur le prix des péages.

Le plan de relance autoroutier pourrait créer 15.000 emplois

Deux solutions s’offrent donc au gouvernement, qui a depuis plusieurs semaines entamé un bras de fer avec les concessionnaires. L’hypothèse la plus probable consisterait à accorder un allongement de la durée de concession de six ans maximum, en échange de 3,5 milliards d’euros de travaux réalisés à leurs frais par Vinci et consorts.

Il s’agit de la mesure phare du plan de relance autoroutier, dont Emmanuel Macron a fait savoir qu’il s’agirait d’une "décision favorable à l’économie française", puisque 15.000 emplois pourraient notamment être créés. Selon Les Echos de ce mardi 14 octobre, Bruxelles s'apprêterait d'ailleurs à valider largement ce plan. Problème: cela reviendrait à prolonger la "rente" des sociétés d’autoroutes tant décriée. 

Autre hypothèse envisageable: la dénonciation par anticipation des contrats de concession. L’idée avait été lancée par Jean-Paul Chanteguet, le président socialiste de la commission du développement durable à l’Assemblée.

Il s’agirait ensuite de mettre en place une structure privée, rémunérée par l’Etat, chargée de percevoir les revenus des péages autoroutiers. Mais le projet n’a pas été évoqué par le gouvernement, qui pourrait tout de même utiliser cet argument lors des négociations en cours.

Yann Duvert