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Qui sont les journaux les plus subventionnés?

Le classement publié par la Cour des comptes recèle plusieurs surprises

Le classement publié par la Cour des comptes recèle plusieurs surprises - -

La Cour des comptes a publié les aides que verse l'Etat à chaque titre. 'Le Monde' et 'Le Figaro' reçoivent les subventions les plus importantes. Mais c'est 'L'Humanité' qui reçoit l'aide au numéro la plus élevée.

Mercredi 18 septembre, la Cour des comptes a publié un épais rapport sur les aides publiques à la presse écrite. Elle y dénonce notamment la transparence insuffisante de ces subventions, et réclame que le montant des aides soit publié pour chaque journal.

Joignant le geste à la parole, les magistrats de la rue Cambon ont publié le montant des aides reçues par chaque journal.

La liste, reproduite ci-contre, recèle quelques surprises. Ainsi, on apprend que les deux journaux les plus aidés sont Le Monde et Le Figaro. C’est en partie logique, car ce sont les plus lus du pays. Mais le rapport montre que les quotidiens régionaux qui se vendent presque autant sont bien moins aidés. Ainsi, Sud Ouest reçoit trois fois moins d’aides. Inversement, Ouest France, dont la diffusion est deux fois plus élevée que celle du Monde et du Figaro, touche autant de subventions qu’eux

Tous les journaux ne sont pas égaux

La Cour des comptes effectue aussi un autre calcul: elle rapporte le montant des subventions au tirage du journal. Elle aboutit ainsi à un classement totalement différent. Selon ce critère, le journal le plus subventionné est L’Humanité (48 centimes d’euro par exemplaire), suivi de La Croix (32 centimes), Télérama (29 centimes), Le Nouvel observateur (29 centimes), Libération (27 centimes), Pèlerin (24 centimes) et l’Express (23 centimes).

Pour expliquer ces résultats, il faut comprendre que les journaux ne sont pas égaux entre eux face aux subventions. Certaines bénéficient d’aides auxquelles d’autres n’ont pas accès. Une des principales critiques de la Cour est justement la mauvaise répartition de ces aides, que le rapport propose de modifier. Revue de détail.

1-les aides aux magazines de divertissement

La quasi-totalité de la presse (8.799 publications) a droit à une TVA super réduite (2,1%) et à des tarifs postaux préférentiels. Ces deux aides sont celles qui coûtent le plus cher: respectivement 270 et 249 millions d’euros prévus au budget 2013. 

Pour cela, il suffit d’obtenir un agrément de la part d’une commission. Mais "les conditions légales d’octroi de cet agrément sont assez peu restrictives", pointe la Cour.

Ceci permet aux magazines de divertissement de bénéficier eux aussi de subventions, à côté de la presse d’information politique et générale. Selon le rapport, "les magazines de télévision apparaissent particulièrement aidés, avec une aide de 4 à 10 centimes par exemplaire" -chiffre qui n’inclut pas la TVA réduite.

Pour la Cour, "la presse magazine demeure rentable, alors que les résultats des quotidiens nationaux sont proches de l’équilibre, voire déficitaires". Or "le soutien aux familles de presse économiquement viables ne se justifie pas".

Conclusion: "le soutien de l’État à des familles de presse économiquement rentables et présentant peu ou pas d’enjeux en termes de pluralisme paraît de moins en moins se justifier, a fortiori pour les deux mesures les plus coûteuses".

Le rapport propose donc de réserver ces subventions à la presse d’information politique et générale, et rappelle au passage que c’était le cas pour la TVA entre 1977 et 1989. 

2-les sites internet

En 2009 a été créé un fonds d’aide aux services de presse en ligne (Spel), qui a distribué depuis 10,9 millions d’euros, dans des conditions critiquées par la Cour.

Ainsi, ce fonds a accordé 68.464 euros de subventions à surfsession.com, 18.018 euros à moto-net.com, 53.573 euros à hoteletlodge.fr, 7.070 euros à lemondedusurgele.fr, 33.167 euros à pharedere.com (site sur l’actualité locale de l’île de Ré), ou 14.020 euros à frequence-sud.fr (guide des festivals des régions méridionales). "Des magazines de grands groupes qui, a priori, ne connaissent pas de difficultés particulières figurent parmi les bénéficiaires, tels les sites lejdd.fr (138.703 euros) et parismatch.com (57.390 euros) du groupe Lagardère", pointe le rapport.

En clair, la Cour estime que ce fonds n’est pas suffisamment ciblé sur la presse d’information politique et générale, qui n’a représenté que 60% des aides distribuées en 2011.

Pour ne rien arranger, "le champ d’intervention était très large. En effet, les aides pouvaient concerner des dépenses d'exploitation telles que les rémunérations des journalistes concernés par les projets".

3-les journaux d'opinion avec peu de publicité

Un fonds pour aider les quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires a été créé en 1986. En 2013, il devait distribuer 9,2 millions d’euros.

Le principal bénéficiaire est l’Humanité (3 millions d’euros en 2011), suivi de La Croix (2,9 millions) et Libération (2,9 millions). Mais il y a aussi Présent (260.183 euros), qui reçoit la subvention la plus importante par exemplaire (31,2 centimes). Cette aide représente 27% des ressources du le quotidien d’extrême droite. Enfin, les derniers bénéficiaires sont les quotidiens pour la jeunesse Mon Quotidien, Le Petit Quotidien, et L’Actu.

Selon le rapport estime, ces subventions sont attribuées de manière "incohérente". En effet, l’aide n’est pas modulée en fonction du tirage, ni des recettes publicitaires encaissées, qui sont parfois non négligeables (22,5% des ressources totales pour Libération). "Une réforme complète de ce mécanisme paraît s’imposer", conclut le rapport.

4-l'acheminement du 'Monde' en province

Enfin, il existe une aide au transport des journaux par la SNCF, qui représente 4,5 millions d’euros dans le budget 2013. Selon le rapport, Le Monde "est le principal bénéficiaire", avec 3,9 millions d’euros d’aide par an en moyenne.

Mais la Cour précise que "le ministère de la culture a d’ores et déjà décidé de supprimer cette aide". Son montant décroît déjà régulièrement chaque année (il était de 7,3 millions d’euros en 2006).

Jamal Henni