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La sortie d'EADS, bonne nouvelle pour les actionnaires de Lagardère

Le versement d'un super dividende va permettre à Arnaud Lagardère d'alléger sa lourde dette personnelle

Le versement d'un super dividende va permettre à Arnaud Lagardère d'alléger sa lourde dette personnelle - -

Une bonne partie du produit de la cession des 7,5% d'EADS devrait être redistribuée aux actionnaires de Lagardère, à commencer par le premier d'entre eux, Arnaud Lagardère.

Mercredi 5 décembre, les modalités de la vente des 7,5% détenus par Lagardère dans EADS ont enfin été arrêtées. Une sortie qui permet au cogérant Arnaud Lagardère d'atteindre un objectif qu'il s'est fixé de longue date, ayant toujours exprimé son peu d'appétence pour les activités de Défense.

Mais ce jour-là, l'action Lagardère a aussi fait un bond de 4,86%. En effet, cette cession, qui va rapporter près de 1,5 milliard d'euros, est aussi une excellente nouvelle pour les actionnaires de Lagardère. "Le management de Lagardère a dit assez clairement qu'une bonne part du produit de cette cession sera redistribué aux actionnaires de Lagardère, et cela a été confirmé mercredi par la société, écrivent les analystes d'Exane. Si, comme en 2005, la moitié du produit de la cession est utilisée pour un super dividende, cela donnerait alors un super dividende de six euros par action".

Rappelons que les banques du groupe ont autorisé la direction à verser un super dividende uniquement avec le produit de la cession d'actifs minoritaires, tel que les 7,5% d'EADS, ou les 20% de Canal Plus. Cette dernière participation doit prochainement être placée en Bourse, ce qui permettrait à Lagardère de récolter près d'un milliard d'euros supplémentaires.

On peut même penser que si Lagardère a choisi de relancer maintenant la cotation de la chaîne cryptée, c'est pour redistribuer le produit de cette cession en même temps que celui d'EADS.

Situation financière délicate

Ce super dividende sera bien accueilli par les actionnaires de Lagardère, à commencer par le premier d'entre eux, Arnaud Lagardère, qui détient 9,6% du capital. En effet, celui-ci est lourdement endetté, et cet oxygène lui permettra de désserrer enfin la nasse financière qui l'étouffe depuis plusieurs années.

L'origine de cette dette est connue: l'héritier a dépensé 340 millions d'euros entre 2005 et 2007, pour monter au capital de son groupe, passant de 5,5% à 10,3%. N'ayant pas lui-même cet argent, il a dû contracter un emprunt auprès de Calyon pour financer ces achats. Cet emprunt est garanti par les actions détenues par Arnaud Lagardère dans son groupe.

Problème: ces achats se sont faits à un cours très élevé (57,9 et 61 euros), soit plus du double du cours actuel. Résultat: le fils de Jean-Luc Lagardère s'est retrouvé dans une situation financière délicate. En effet, sa dette dépasse de loin la valeur de ses actions. Ainsi, en mars 2009, le cours atteint un plus bas de 19,1 euros, et le paquet d'actions d'Arnaud ne vaut donc plus que 258 millions d'euros. En face, les dettes de LCM (société qui lui appartient à 99% et qui porte sa participation dans Lagardère) s'élevaient, selon ses comptes sociaux, à 544 millions d'euros début 2009, soit deux fois plus...

Plus d'intérêt pour le cours

Et ce n'est pas tout. Parallèlement, Arnaud Lagardère aurait contracté d'autres prêts auprès de BNP Paribas, d'un montant de plusieurs dizaines de millions d'euros, en donnant en garantie ses biens immobiliers: sa maison de la Villa Montmorency et sa demeure de Rambouillet, où a été tournée en 2011 le fameux photo-reportage avec sa compagne Jade Foret.

Mais heureusement, Arnaud Lagardère avait pris quelques précautions. Un mécanisme de protection a été mis en place avec Calyon, protégeant le cogérant contre une chute du cours via des "puts" (options de vente). Ce mécanisme a été activé à l'été 2009, ce qui a permis à l'héritier de récolter 109 millions d'euros.

Résultat, sa situation s'est améliorée. A fin 2009, les 10% détenus par Arnaud Lagardère valaient 360 millions d'euros. En face, la dette de LCM a été réduite à 434 millions d'euros, dont 404 millions de crédits bancaires. Grâce au super dividende, cette dette sera donc réduite au maximum de 240 millions d'euros (en supposant que l'intégralité du produit de la vente d'EADS et Canal Plus soit redistribué).

"Quand vous êtes très endetté, cela devient plus le problème de votre banquier que le vôtre..."

Mais il y a un revers à cette médaille: un mécanisme inverse a aussi été mis en place avec Calyon. En cas de hausse du cours, la plus-value irait non à Arnaud Lagardère, mais à la filiale du Crédit Agricole. "En pratique, Arnaud Lagardère n'a donc plus d'intérêt financier à voir le cours du groupe monter, ce qui peut donc expliquer son comportement", dit un banquier.

Restent un mystère: pourquoi Calyon accepte une telle situation, et n'a pas activé sa garantie, c'est-à-dire pris possession des actions d'Arnaud? "Comme dit le proverbe, quand vous êtes très endetté, cela devient plus le problème de votre banquier que le vôtre, dit un banquier. Les dirigeants du Crédit Agricole sont très ennuyés de cette situation, mais préfèrent la discrétion, et ne veulent surtout pas prendre la responsabilité de déloger Arnaud Lagardère, ou de prendre le contrôle du groupe".

En outre, mettre la main sur les actions d'Arnaud aurait soulevé un tas de problèmes juridiques: cela implique-t-il de prendre automatiquement la direction de la commandite qui gère le groupe? De lancer une OPA sur le reste du capital?

Interrogés, le groupe comme les conseils d'Arnaud Lagardère se sont refusés à tout commentaire, estimant que ces questions relèvent de la sphère privée. L'héritier ne s'est exprimé qu'une fois sur le sujet, dans une interview au Figaro en 2010.

Le titre de l'encadré ici

|||Le train de vie d'Arnaud

Arnaud Lagardère a deux sources de revenus (cf. ci-contre). La première est son salaire, qui tourne autour de deux millions d'euros bruts par an.

La seconde est le dividende reçu des actions Lagardère, qui rapporte 16,4 millions d'euros par an. Précisément, ce dividende est versé à la société LCM, qui appartient à 99% à Arnaud Lagardère. Mais l'examen des comptes de LCM montre que cet argent est apparemment absorbé par les intérêts de la dette.

Ainsi, les comptes 2009 indiquent que 21,4 millions d'euros ont été consacrés aux "intérêts dûs à raison des emprunts bancaires et des comptes courants".

Parallèlement, les comptes de LCM montrent aussi que LCM n'a versé aucun dividende à Arnaud depuis 2005 au moins. Autrement dit, aucun argent ne remonte à l'héritier par cette voie.

Au final, plusieurs observateurs estiment que l'héritier, pour assurer son train de vie, ne peut pas s'en tirer avec seulement deux millions d'euros bruts par an, et doit donc très probablement contracter chaque année de nouveaux emprunts... Même si toutes les dépenses liées à la direction du groupe doivent sans doute être prises en charge par la société.

Jamal Henni