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Sortie du nucléaire: Eon, RWE et Vatenfall gagnent contre Merkel 

Les énergéticiens allemands sont en droit de demander des indemnités à l'État qui avait décidé d'accélérer la sortie du nucléaire en 2011. (image d'illustration)

Les énergéticiens allemands sont en droit de demander des indemnités à l'État qui avait décidé d'accélérer la sortie du nucléaire en 2011. (image d'illustration) - Patrick Pluel - DPA - AFP

Les juges de la Cour constitutionnelle allemande estiment que la fermeture de l'ensemble du parc nucléaire à l'horizon 2022 a bafoué le droit à la propriété. Les géants de l'électricité lésés auront droit à une indemnité qui pourrait coûter 20 milliards à l'État.

La sortie du nucléaire risque de coûter cher au gouvernement allemand. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a porté un coup, mardi 6 décembre, à l'une des mesures phare de la chancelière Angela Merkel en donnant en grande partie raison aux producteurs d'énergie qui réclament à Berlin des indemnités pour la sortie accélérée du nucléaire

Le gouvernement allemand "était autorisé" à prendre l'accident de Fukushima (Japon) comme raison de l'accélération "de la sortie du nucléaire afin de protéger la santé publique et l'environnement" ont estimé les juges. Mais, les énergéticiens sont en droit de demander une compensation "adaptée" à l'État allemand qui avait ordonné la fermeture de plusieurs vieux réacteurs, ajoutent les magistrats dans leur verdict.

La Cour n'a pas chiffré le montant des dédommagements, se contentant de demander au gouvernement de trouver un compromis avec les plaignants d'ici à juin 2018. Dans ses colonnes, la presse allemande évalue le montant de ces indemnisations à 20 milliards d'euros.

La Cour constitutionnelle a statué en raison d'une plainte remontant à 2012. Les deux géants allemands EON et RWE ainsi que le suédois Vattenfall -troisième producteur d'énergie en Allemagne- avaient saisi l'avis des juges suprêmes estimant avoir été lésés par la décision subite de Berlin d'accélérer la sortie de l'atome et de mettre à la retraite les sept réacteurs les plus anciens ainsi que celui de Krümmel (exploité par Vattenfall), sujet de pannes à répétition.

Il s'agissait alors d'un brutal revirement dans la politique de la chancelière conservatrice. En 2010, son gouvernement avait en effet décidé de revenir sur la sortie du nucléaire décidée à la fin des années 90 par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder et ses alliés Verts. 

"À-t-on le droit de priver les gens de leur patrimoine ?"

Pour leur part, les énergéticiens précisent que le but de cette plainte n'était pas de statuer sur la pertinence de quitter le nucléaire d'ici à 2022, mais de faire constater qu'un "droit fondamental", en l'occurrence le droit à la propriété, avait été bafoué.

"La question est simplement: a-t-on le droit, du jour au lendemain, de priver les gens -puisque nous appartenons à des gens- de leur patrimoine, sans indemnisation?" avait argumenté le patron du numéro un allemand de l'énergie EON, Johannes Teyssen, lors d'une audience à la mi-mars.

L'accident nucléaire de la centrale Fukushima, partiellement détruite par un tsunami en mars 2011, a "rendu nécessaire, également en Allemagne, une réévaluation des risques liés à l'utilisation de l'énergie atomique", avait alors répliqué la ministre de l'Environnement Barbara Hendricks (social-démocrate) devant les juges.

Les industriels, déjà confrontés à la baisse des prix de gros, aux problèmes de rentabilité des centrales à charbon et à la concurrence des énergies renouvelables, comme l'éolien ou le solaire, jugent que la décision de Berlin a sérieusement contribué à aggraver leur situation financière. Plombés par de lourdes pertes, EON et RWE ont décidé de se scinder pour répondre aux défis de la transition énergétique dans le pays, en séparant d'un côté les énergies fossiles, de l'autre les énergies d'avenir. Une refonte finalement bouclée en 2016.

Le démantèlement des centrales reste à la charge de leurs opérateurs

Parallèlement à ce volet judiciaire, gouvernement et industriels se sont accordés dans les grandes lignes sur la gestion de l'arrêt du nucléaire. 

Les quatre énergéticiens EON, RWE, Vattenfall et EnBW, qui appartient à l'État régional du Bade-Wurtemberg dirigé par les Verts, devront mettre en oeuvre et financer l'arrêt définitif des centrales d'ici 2022, leur démantèlement et le conditionnement sécurisé des déchets. Huit d'entre elles sont encore en service.

Ils contribueront aussi à hauteur de 23 milliards d'euros à un fonds chargé de gérer le stockage des déchets nucléaires. Sur ce montant, ils paient une prime de risques d'un peu plus de 6 milliards qui leur permet de dégager de toute responsabilité dans leur gestion future, renvoyant ainsi les risques à l'État. Si le projet de loi a été entériné, il doit encore être scellé par un contrat qui continue d'être négocié. 

A.M. avec AFP