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Swimbot, la start-up française qui veut faire nager la Chine

De droite à gauche, Yang Sun, Zetao Ning, Yongqing Lin et Hexin Yu, quatre des meilleurs nageurs de Chine.

De droite à gauche, Yang Sun, Zetao Ning, Yongqing Lin et Hexin Yu, quatre des meilleurs nageurs de Chine. - MARTIN BUREAU / AFP

Les plus hautes autorités chinoises misent gros sur un boîtier mis au point par Swimbot. Leur objectif: aider leurs nageurs à battre les Américains aux Jeux Olympiques. A la clé: le marché d'un pays où 70% des citoyens ne savent pas encore nager.

Rares sont les start-up françaises à pouvoir affirmer qu'elle sont en train de devenir une arme de guerre. Sélectionnée pour le prochain Consumer Electronic Show de Las Vegas, Swimbot appartient pourtant bien à cette catégorie. Une arme dans une guerre bien particulière, mais une guerre réelle, entre très grandes puissances : la Chine contre les Etats-Unis. Et elle s'inscrit dans le cadre des Jeux Olympiques, enjeu majeur en terme de prestige. 

David Jamet, le fondateur de Swimbot le résume très bien: "Les Chinois ont fait un choix stratégique: rafler plus de médailles d’or que les Etats-Unis lors des prochains jeux olympiques. Dans ce cadre-là, une discipline est indispensable parce que c’est elle qui délivre le plus de médailles: la natation. Or les Chinois ne savent pas nager, c’est là que nous intervenons"

De fait, seuls 30% des Chinois sont capables de plonger dans le grand bain d'une piscine sans être équipés de bouée. Mais ceux qui apprennent, le font vite. D'ailleurs le nouveau champion du monde sur 100 mètres, Zetao Ning, est un militaire chinois de 22 ans. Jamais avant lui, un Asiatique n'était parvenu à nager sur cette distance en moins de 48 secondes.

"La fille de Xi Jinping, le maître de la Chine, est très proche de Ning, vous ne pouvez pas trouver de symbole plus fort" souligne David Jamet qui suit de près la "compétition incroyable qui se déroule en ce moment entre les grands clubs de natation chinois, tant les enjeux sont stratégiques".

Un boîtier qui peut faire des miracles

Dans cette bataille de titans, le petit boitier de Swimbot a tout pour s'imposer comme une arme décisive. 90 grammes, 9,5 cm de longueur, 5,5 cm de largeur et 13 mm d’épaisseur. A l’intérieur, l’un des micro-processeurs les plus puissants du monde, fabriqué par le chinois Ingenic, une batterie de capteurs pilotés par un système informatique temps réel ultra précis.

Swimbot se glisse sous le bonnet de bain et va enregistrer en temps réel le moindre geste du nageur et toutes les données possibles: "une très légère inclinaison du bras, un mouvement de tête, votre respiration, tout est enregistré" décrit David Jamet, "mais aussi les mouvements verticaux et latéraux qui freinent le nageur et que le produit aide à éliminer. Il faut savoir que l’eau freine 800 fois plus que l’air, le moindre mouvement qui vous fait descendre vous fait perdre la course, or personne ne pouvait les détecter avant nous."

Un marché gigantesque

Dans cette discipline où tout se joue au centième de seconde, les nageurs manquent encore d’informations essentielles. Personne ne sait exactement à quelle vitesse il nage en temps réel: "nous avons été voir Florent Manaudou et nous avons détecté qu’il ralentissait imperceptiblement avant d’aborder la culbute qui engage la seconde longueur de bassin, personne ne s’en était rendu compte" raconte David Jamet. 

Le potentiel de ce boitier est donc énorme. Les Chinois en ont bien pris conscience et ont demandé à Swimbot d’accélérer les dernières mises au point. La start-up ne se fait pas prier, parce que derrière elle sait que va s’ouvrir un marché gigantesque. "Savez-vous quelle est la profondeur moyenne des piscines en Chine?" demande David Jamet dans un sourire, "1 m 20 ! Ce sont des pataugeoires, parce qu’ils ne savent pas nager, l’exemple des champions glorifiés par le régime va forcément en pousser de plus en plus à vouloir apprendre, et comme c’est la Chine, les chiffres peuvent très vite devenir importants".

Objectif: 1,5 million de chiffre d'affaires la 1ère année

C’est bien pour cela que Swimbot se permet d'afficher des objectifs qui seraient délirants pour une start-up classique: 10.000 petits boitiers vendus en 2016 à 250 dollars pièce soit 2,5 millions d'euros de chiffre d’affaires. Pour une première année d’exploitation, la performance est impressionnante. Un potentiel qu’ont parfaitement compris Pierre Kosciusko-Morizet (le fondateur de Price Minister) ou Geoffroy Roux de Bézieux, actuel vice président du Medef, ancien fondateur de The Phone House puis de Virgin Mobile. Ces pro de l’investissement dans les start-up sont autant attirés par le potentiel chinois que par un développement plus classique pour des millions de sportifs, amateurs ou professionnels, qui veulent améliorer leurs performances.

Le développement du triathlon, par exemple, envoie dans les piscines des adultes sportifs qui n’ont absolument pas l’intention de supporter les hurlements d’un maître-nageur et trouveront avec Swimbot un appareil couplé à un guide complet en ligne d’une efficacité redoutable. Ancien champion lui-même à la fin des années 70, David Jamet avait raté de peu les Jeux Olympiques de Moscou. Il vit aujourd’hui à 100 à l’heure entre les avions qui lui font traverser les continents. La course contre la montre entrepris par Swimbot est une compétition qu’il n’a pas l’intention de perdre.

Stéphane Soumier