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Télé-réalité: TF1 échappe à la taxe sur les votes par SMS

En 2012, e-TF1 a engrangé 48,6 millions d'euros de revenus des SMS et des appels surtaxés.

En 2012, e-TF1 a engrangé 48,6 millions d'euros de revenus des SMS et des appels surtaxés. - -

Le gouvernement a instauré une taxe de 5,5% sur les SMS et les appels surtaxés. Mais TF1 la conteste. Le Conseil constitutionnel a donné raison à la Une jeudi 6 février.

Les dirigeants de TF1 ont sabré le champagne jeudi 6 février. Après dix ans de guerilla juridique, la Une a gagné son combat contre la taxe sur les SMS et appels surtaxés. En effet, le Conseil constitutionnel, saisi par TF1, a jugé jeudi que les modalités de cette taxe étaient contraires à la Constitution.

Cette taxe a été instaurée en 2004 face à l'essor des votes des téléspectateurs, notamment lors des émissions de télé-réalité. Elle s'élève à 5,5% des recettes des SMS et des appels surtaxés. Elle est reversée au CNC (Centre national du cinéma).

Un marteau pour écraser une mouche

Mais, dès le début, la Une l'a contestée. En 2008, elle dépose un recours en Conseil d'Etat, qui le rejette en 2011. Mais la Une ne lâche pas l'affaire, et décide alors de sortir la grosse artillerie, en arguant que cette taxe est inconstitutionnelle. Elle dépose donc en 2013 une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui est jugée "sérieuse" et qui aboutit à la décision de ce jeudi.

Cet acharnement paraît un peu disproportionné par rapport au montant en jeu. En effet, la Une a acquitté une taxe de 1,9 million d'euros au titre de l'année 2011. Pour 2012, on peut estimer le montant de la taxe à 2,7 millions d'euros, car ses revenus des SMS et appels surtaxés ont fortement augmenté (+25%, à 48,6 millions d'euros). Mais c'est de la marge pure, car cette activité a un coût quasi-nul...

Stratagème fiscal

En pratique, les revenus des SMS sont collectés, non pas par la chaîne TF1 elle-même, mais par une filiale à 100%, baptisée e-TF1.

Ce stratagème simple ne change rien à l'argent qui rentre dans le groupe, mais change tout du point de vue fiscal, et permettait à TF1 de ne pas payer la taxe.

Mécontents, les pouvoirs publics ont voulu combler cette faille. Fin 2007, un amendement est donc adopté avec le soutien du gouvernement pour préciser que la taxe s'applique aussi à ceux qui "assurent l'encaissement" des revenus des SMS. Puis, pour enfoncer le clou, Bercy publie en avril 2008 une instruction fiscale. C'est cette instruction que TF1 avait contesté -en vain- devant le Conseil d'Eat.

Vases communicants

Las! Jeudi, le Conseil consitutionnel a estimé que ce bout de phrase "ou aux personnes qui en assurent l'encaissement" était inconstitutionnel. Pour lui, ce bout de phrase "fait peser sur les chaînes une taxe sur des recettes qu'elles peuvent ne pas percevoir. Ainsi, il a pour effet d'assujettir un contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont il ne dispose pas, ce qui n'est pas conforme à la Constitution".

La haute juridiction a ainsi validé l'argumentaire développé par l'Une. Comme l'a expliqué l'avocat de TF1, Me Philippe Rolland, lors de l'audience, "les recettes sont percues par une autre société, e-TF1, en son nom et pour son propre compte. Les recettes ne reviennent donc pas à TF1. Cela pose un problème d'égalité devant l’impôt. L’impôt qui en résulte pour TF1 est nécessairement excessif par rapport aux capacités contributives de TF1, puisque ces dernières n’existent pas. Et cet impôt est manifestement confiscatoire, car le taux d’imposition tend vers l’infini. TF1 n’ayant pas les revenus servant d’assiette à la taxe incriminée, TF1 ne peut acquitter cette taxe qu’en se privant d’autres revenus".

Une rustine législative

Une argumentation juridiquement imparable. Mais, étrangement, l'avocat de TF1 s'est bien gardé de dire que e-TF1 était une filiale à 100% de TF1, et que donc que les revenus d'e-TF1 remontaient in fine chez TF1...

Par ailleurs, la haute juridiction a précisé que cette annulation n'est pas rétroactive, sauf pour les chaînes (dont au moins TF1) qui avaient déjà engagé des recours.

A noter que pour les mêmes raisons, le Conseil constitutionnel avait censuré le 29 décembre une taxe sur les revenus publicitaires de la télévision de rattrapage lorsqu'ils sont encaissés par des tiers. Le ministère de la Culture avait alors réagi:"le gouvernement présentera une nouvelle rédaction au parlement, pour assurer que le dispositif reste neutre quant aux choix d’organisation commerciale et administrative des redevables".

Il est donc probable que la rue de Valois rédige aussi une nouvelle rustine législative pour les SMS afin de faire enfin rentrer TF1 dans le rang...

Sollicité à plusieurs reprises, TF1 n’a pas voulu faire de commentaires, de même que le CNC. Le ministère de la Culture n'a pas répondu.

Jamal Henni