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Tensions autour de la fermeture de Fessenheim

La centrale de Fessenheim est la plus ancienne de France

La centrale de Fessenheim est la plus ancienne de France - SEBASTIEN BOZON / AFP

L’État s’inquiète du possible refus des administrateurs d’EDF de fermer la centrale alsacienne. Le vote de Laurence Parisot cristallise les craintes du gouvernement. Quoi qu’il arrive, Fessenheim ne s’arrêtera pas avant les élections.

La tension monte autour de Fessenheim. Aujourd’hui est attendu l’avis du comité central d’entreprise (CCE) d’EDF sur la fermeture de la centrale alsacienne. Aucun doute qu’il sera négatif. Il ouvre la voie au vote du conseil d’administration d’EDF qui se tiendra le 24 janvier, et qui s’annonce déjà serré et tendu. Plusieurs sources proches d’EDF rapportent que le gouvernement s’inquiète de voir les administrateurs du groupe rejeter la fermeture de Fessenheim. Ce qui signerait un camouflet politique. Les six représentants de l’État ne participeront pas au vote, explique-t-on chez EDF. Le vote se jouera donc entre les six représentants des salariés, dont le refus ne fait aucun doute, et les six administrateurs indépendants.

C’est sur eux que porte l’inquiétude du gouvernement. Mais si un des administrateurs indépendants vote contre, tout bascule. "Il n’y a aucune garantie qu’ils votent pour, s'inquiète un administrateur. Tout le monde se demande ce que fera Laurence Parisot".

L’ancienne patronne du Medef cristallise les inquiétudes du ministère de l’Écologie. À deux semaines du vote crucial, personne ne connait son choix. Déjà, en mai dernier, elle s’était opposée au projet des deux EPR britanniques d’Hinkley Point, soutenu par Jean-Bernard Levy. Mais cette fois-ci, son vote pèsera lourd. Elle subit de nombreuses pressions. D’abord des syndicats qui l’incitent à voter contre la fermeture de Fessenheim. Et évidemment du gouvernement. Selon nos informations, l’entourage de Ségolène Royal pousse la ministre à rencontrer Laurence Parisot pour évoquer le sujet. "Pour le gouvernement, c’est un risque politique énorme d’échouer sur un totem politique comme Fessenheim, décrypte un cadre d’EDF. Surtout que le vote se tiendra entre les deux tours de la primaire socialiste". Il y a toutefois peu de chances qu’elle s’oppose à la fermeture. "Hinkley Point mettait en danger EDF sur le plan financier, justifie un ami de Parisot. Ce n’est pas le cas pour Fessenheim. Le sujet est avant tout politique".

Indemnité supplémentaire d’un milliard

Même si EDF validait la fermeture de la centrale, rien ne serait définitif. Dans la foulée, un décret sera signé pour "autoriser son arrêt". Un signal suffisant pour permettre au gouvernement de communiquer sur la promesse tenue de François Hollande. Mais la réalité est toute autre. "L’arrêt définitif" et effectif nécessitera une procédure spéciale qui n’interviendra pas tout de suite. "Cela prendra plusieurs mois, reconnait-on chez EDF. On n’arrêtera pas la centrale tout de suite…" À quatre mois de l'élection présidentielle, la centrale de Fessenheim n’est pas prête de s’arrêter. "Tout le monde sait que rien ne sera fait avant les élections, ironise un administrateur. On est dans un immense jeu de dupes".

Main dans la main avec les syndicats, EDF s’est bien assuré de faire traîner le processus le plus longtemps possible. Et même si un jour, la centrale venait à fermer, le groupe serait généreusement indemnisé. L’été dernier, le gouvernement a promis le versement d’une indemnité de 400 millions. En plus, la direction d’EDF négocie une soulte qui sera versée dans dix ans. Son montant dépendra des prix de l’électricité. Une dernière réunion des administrateurs indépendants doit se tenir vendredi 13 janvier pour boucler ce volet financier. "Au niveau de prix actuel, elle s’élèverait à environ 1 milliard d’euros, estime un dirigeant du groupe. C’est une très belle opération financière". Dans tous les cas, EDF est gagnant.

Matthieu Pechberty