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Thalès: les coulisses de la nomination d'Henri Proglio

Henri Proglio va bien devenir président du conseil d'administration de Thalès.

Henri Proglio va bien devenir président du conseil d'administration de Thalès. - STEPHANE DE SAKUTIN - AFP

Henri Proglio et Patrice Caine ont été respectivement nommés président et directeur général de Thales lors d'un conseil d'administration du groupe d'électronique de défense ce mardi.

La rumeur courait depuis ce week-end, c'est désormais officiel. Henri Proglio, ex-PDG d'EDF, va prendre la présidence du groupe d'armement et d'électronique Thalès.

Le conseil d'administration du groupe dont l'Etat et Dassault sont les principaux actionnaires ont entériné sa nomination ce 23 décembre. Il a en outre nommé Patrice Caine, un thalésien depuis douze ans, directeur général du groupe. Les deux se partagent ainsi les fonctions de l'ex-PDG, Jean-Bernard Lévy, parti en novembre diriger... EDF, justement. 

Cette nomination qui tombe en pleine semaine de Noël, aurait dû intervenir dès lundi soir, mais le conseil d'administration qui devait se tenir a été annulé et été repoussé à ce mercredi matin. Le fruit de manœuvres intenses en coulisse, selon plusieurs médias. Revue de presse.

Une lutte d'influence entre Dassault et l'Etat 

A propos du report du conseil d'administration, L'Opinion évoque ce 23 décembre "un couac sur fond de lutte d'influence entre les deux principaux actionnaires". Dassault et l'Etat, qui détiennent respectivement 25 et 26% du groupe de défense et d'électronique, sont liés par un pacte d'actionnaires qui "les oblige à choisir en commun" le ou les gouvernants, explique le quotidien.

Ne parvenant pas à tomber d'accord, ils auraient décidé de dissocier les fonctions de président et de directeur général, auparavant assurées par Jean-Bernard Lévy seul, pour pouvoir placer chacun son poulain. Patrick Caine serait donc le candidat de l'Etat. Henri Proglio celui de la famille dirigeante de l'avionneur, qui n'aurait "guère apprécié d'apprendre par la radio que Jean-Bernard Lévy allait quitter Thalès pour EDF", toujours selon L'Opinion.

Si l'ex-PDG d'EDF bénéficie de "l'indéfectible soutien de Dassault", rapporte cette fois Challenges, c'est qu'il est "une vieille connaissance de la maison". Henri Proglio "est administrateur de la filiale aviation, et siège au comité des sages chargé de clarifier la succession du patriarche Serge Dassault au sein du holding GIMD", constate l'hebdomadaire.

D'autres désaccords entre Dassault et l'Etat seraient apparus sur le siège d'administrateur à libérer pour y placer Henri Proglio, souligne encore Challenges. Le site de l'hebdomadaire indique ainsi que les deux actionnaires n'avaient toujours pas déterminé "qui Proglio va remplacer, un administrateur de l’Etat, ou un de Dassault" mardi.

Un bras-de fer entre Le Drian et Macron 

Le retour d'Henri Proglio, déchu d'EDF en octobre, à la tête d'un autre fleuron industriel français serait "loin de faire l'unanimité au sein même du gouvernement", avance pour sa part Marianne, dans un article paru lundi sur son site internet. Le ton est corrosif. L'hebdomadaire évoque "un entrepreneur pour le moins décrié", "aux multiples connections", à "la réputation sulfureuse", "proche de la sarkozie", "grand gagnant de l'opération" qui vient de se jouer.

Selon ses informations, exposées dans un autre article paru ce mardi, le ticket Proglio - Caine disposait du "soutien actif de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense". Le Drian dont le directeur de cabinet, Cédric Lewandowski, est selon Challenges "l'un des membres les plus en vue de la galaxie Roussely" du nom du prédécesseur d'Henri Proglio chez EDF. Ce dernier s'est "toujours intéressé au sort de Thalès", à tel point que les auditions des candidats à la direction de Thalès en 2012 avaient eu lieu "au siège d'EDF", raconte encore l'hebdomadaire. 

Mais ce réseau s'arrêterait aux grilles de Bercy. Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, se serait d'abord "opposé mollement à la perspective Proglio", puis plus activement "après la montée des critiques dans les milieux dits 'autorisés'", explique Marianne. Des "discussions viriles" auraient ainsi eu lieu dimanche entre le ministre de l'Economie et son collègue à la Défense, relate Marianne qui cite "un conseiller". Quant au président de la République, il n'aurait donné aucune "directives claires" aux membres de son gouvernement.

La dernière manche se jouera au moment de la prochaine assemblée générale extraordinaire. Les actionnaires de Thalès groupe vont devoir élargir la limite d'âge, aujourd'hui à 65 ans, pour laisser Henri Proglio, 67 ans, prendre la présidence. Un dernier "(petit) moyen de pression" pour le ministre de l'Economie, analyse Marianne. Cette AG se tiendra le 4 février prochain, selon l'AFP. Les actionnaires devraient décider, dit l'agence, de porter la limite d'âge de la présidence à 69 ans, avec une clause dite de "revoyure" pour l'étendre à 70 ans. 

Nina Godart