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Thales, seul obstacle à "l’Airbus naval"

Le groupe de défense monnaye sa participation dans l’alliance entre le français Naval group et l’italien Fincantieri. Les négociations débuteront à la rentrée.

Thales est face à ses choix. Le groupe d’électronique de défense vient d’annoncer le rachat du fabricant de cartes à puce Gemalto pour 4,8 milliards d’euros. Un pied de plus dans l’industrie civile pour ce groupe qui s’est surtout développé grâce au militaire. Cette opération s’opère en parallèle d’un recul attendu dans le naval militaire. Fin septembre, la France et l’Italie ont annoncé le rapprochement de leur constructeur Naval Group (ex-DCNS), dont Thales détient 35%, et Fincantieri.

Qualifiée d’"Airbus naval" européen, cette alliance démarre sur les chapeaux de roue. Des groupes de travail se réunissent tous les mois avec les administrations de Bercy et du ministère de la Défense. "Ça avance bien sur tous les sujets opérationnels, explique une source proche du dossier. Mais il faut régler la question de la place de Thales".

En jeu, l’abaissement de sa participation de 35% à 25% pour laisser 10% aux italiens, aux côtés de l’Etat (65%). Principe de base de ce mariage franco-italien: Naval Group et Fincantieri prendraient chacun 10% de leur capital. "Ces échanges sont indispensables pour consolider ce rapprochement qui concerne notamment la recherche dans le militaire" ajoute cette source qui précise que le gouvernement et l’Elysée sont favorables à ces participations croisées. Une décision formelle devrait intervenir en mars.

Dassault favorable à la sortie de Thales de Naval Group

D’ici là, des discussions entre Naval Group et Thales débuteront à la rentrée. Pour l’heure, le groupe d’électronique ne semble pas très enclin à réduire ses positions. Certes, son PDG Patrice Caine a toujours qualifié sa participation de 35% de "trop ou trop peu". À l’origine, il semblait plutôt favorable à prendre le contrôle de Naval Group. L’histoire en décide autrement puisque l’alliance avec Fincantieri pousse Thales vers la sortie. Et son patron compte bien le faire payer cher.

Il y a peu de chance que le groupe bloque cette alliance. "Il freine pour monnayer le rachat de ses 10%, ajoute ce proche des négociations, C’est le jeu". Aujourd’hui, Naval Group vaut environ 2 milliards d’euros. De son côté, Dassault, actionnaire de Thales à 25%, est favorable à ce que le groupe de défense réduise ses parts dans les anciens chantiers navals de Cherbourg. "Serge Dassault a toujours été hostile au maritime, explique l’un de ses proches. S’il peut sortir de Naval Group il le fera". Contactés, Naval Group et Bercy n’ont pas commenté. Quant à Thales, il se réfugie derrière la décision de l’Etat…

Au-delà des questions financières, "l’Airbus du naval" doit préserver les intérêts industriels français. Le gouvernement met un point d’honneur à ce que Thales conserve son rôle de fournisseur pour l’industrie navale française. Aujourd’hui, ils disposent d’une quasi exclusivité et jouit même d’un droit de veto sur des constructions qui n’intègrent pas leurs radars. Selon une source, Thales souhaite conserver ce privilège alors que Naval Group milite pour faire jouer la concurrence avec l’italien, Leonardo. C’est le véritable nœud de cette alliance: Naval Group devra convaincre les pouvoirs publics que Thales n’en sera pas éjecté au profit des Italiens.

Matthieu Pechberty