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Twitter va déduire des emojis ce que vous pourriez acheter

110 milliards d’emojis ont été twittés depuis 2014 selon Twitter.

110 milliards d’emojis ont été twittés depuis 2014 selon Twitter. - Flickr cc -Theus Falcao

Le réseau social à l’oiseau bleu a mis au point, avec ses agences de publicité en ligne partenaires, une méthode de profilage en fonction des pictogrammes qui émaillent les messages des internautes.

Une publicité pour des bières s’affiche alors que vous êtes en train de commenter l’Euro de football sur Twitter à l’aide de petits émojis "ballon"? Il ne faudra désormais plus s’en étonner. Twitter va permettre aux annonceurs d’exploiter les emojis - ces pictogramme représentant un objet ou une situation de la vie courante - pour affiner encore davantage le profilage des consommateurs. La plateforme l’a annoncé le 15 juin sur son blog:

"Désormais, les marques peuvent: entrer en contact avec les gens à partir des sentiments qu’ils ont exprimés, cibler des personnes qui ont tweeté des émojis en rapport avec la nourriture, atteindre des personnes selon leurs passions", est-il détaillé. 

Des pictogrammes de plus en plus utilisés

Les marques pouvaient déjà cibler les consommateurs via les mots-clés. Cette fois, les petits pictogrammes d’origine japonaise intègrent eux aussi une dimension marketing. Sachant que leur utilisation ne cesse de progresser depuis leur apparition sur les smartphones (en 2011 sous iOS, en 2013 sous Android), il n’y a rien d’étonnant à ce que des professionnels de la publicité en ligne s’efforcent d’en tirer parti.

D’ailleurs, si Facebook propose différents boutons reflétant l’humeur en alternative à ses "j’aime", c’est bien à des fins publicitaires. L’expression d’un sentiment à l’égard d’une thématique entre en compte dans le profilage marketing des internautes.

"Le data mining (traitement automatisé de données, ndlr) permet de dresser un portrait-robot d’une personne. La présence d’émojis et d’émoticônes permet d’établir un profil psychologique", explique François Jost, professeur à l’université Paris III où il dirige le Centre d'Etudes sur l'Image et le Son Médiatiques (CEISME).

"Si les emojis contenus dans les messages d’une personne traduisent une tendance au scepticisme, les marques n’auront pas d’intérêt à afficher des publicités pour des innovations mais plutôt des produits classiques", poursuit-il.

"Créer de la complicité"

Jusque-là sur Twitter, les emojis étaient plutôt utilisés dans des messages publicitaires pour humaniser la marque. L’une des campagnes de communication ayant particulièrement fait le buzz est celle de Dominos Pizza. Le twitto n’avait qu’à inclure un emoji représentant une part de pizza dans un tweet adressé au compte de la marque pour commander. "L’usage des emojis crée de la complicité, de la proximité. Une émoticône permet de créer un message augmenté, le pictogramme jouant le rôle de renforçateur élocutoire", souligne Maria Di Giovanni, directrice associée de l’agence d’études marketing Sorgem.

La nouveauté consiste donc à exploiter ces pictogrammes pour déduire le type de message auquel un internaute sera le plus réceptif à un instant T. "Quand on parle de nourriture sur un réseau social, et que l’on poste un message contenant des émojis liés aux aliments, c’est a priori le signe qu’on est en train de manger. On sera donc plus réceptif à des publicités sur la nourriture", remarque Nathalie Nadaud-Albertini, chercheuse associée au Centre d'Etude des mouvements sociaux à l'école des Hautes études en Sciences Sociales.

Second degré et détournement

Mais des limites à ce ciblage sur la base d’emojis pourraient apparaître. D’une part, un emoji peut être perçu et donc employé differemment selon les personnes et les téléphones utilisés, comme l’a montré une étude publiée mi-avril par une équipe de chercheurs de l’université du Minnesota.

Ensuite, les emojis traduisent parfois le second degré d’un propos. Or les logiciels d’analyse sont-ils capables de faire la part des choses? Il est fort probable que ceux qui les développent y travaillent mais pas sûr que cela soit tout à fait au point à ce jour.

D’ailleurs, les emojis sont parfois détournés de leur sens premier. Si un internaute poste des messages contenant des pictogrammes de forme allongée de banane ou d’aubergine, ce n’est pas toujours pour évoquer l’aliment… mais bien pour insinuer un message beaucoup plus cru. Il n’est pas sûr, alors, qu’une publicité vantant un aliment corresponde vraiment à ses envies du moment.

Adeline Raynal