BFM Business
Services

Uber, 5 ans, 1 million de chauffeurs, 50 milliards de dollars et...

Après cinq ans d'existence, Uber c'est un million de chauffeurs qui travaillent dans 311 villes sur 58 pays. Ils ont parcouru 2,4 milliards de kilomètres au total.

Après cinq ans d'existence, Uber c'est un million de chauffeurs qui travaillent dans 311 villes sur 58 pays. Ils ont parcouru 2,4 milliards de kilomètres au total. - Stephen Lovekin - Getty Images/AFP

Uber vient de fêter son 5e anniversaire. Un événement fêté avec fracas par son fondateur qui a égrené les chiffres fous du leader mondial des VTC. Mais pour le million de chauffeurs qui travaillent pour Travis Kalanick, la vie se révèle moins idyllique qu'ils l'avaient cru.

Cinq ans déjà qu’Uber et ses VTC ont révolutionné le monde du transport. Cet anniversaire a été fêté en grande pompe avec Travis Kalanick, président fondateur du groupe, qui a invité ses amis, ses investisseurs, quelques collaborateurs, et... sa mère.

Tel un général de brigade, le jeune patron a galvanisé son public en révélant le bilan de ces cinq années d’activité. Et ces chiffres sont pour le moins ahurissants. Au cours de cette période, la start up californienne est passé d’un effectif de 4 personnes à plus de 3.000.

Quant aux chauffeurs, ils sont désormais 1 million qui travaillent dans 311 villes (26.000 conducteurs à New York, 15.000 à Londres, et 10.000 à Paris) sur 58 pays. Ils ont parcouru 2,4 milliards de kilomètres au total. Par contre, il n’a pas indiqué le volume d’essence consommé par cette flotte.

Kalanick a tenu à dire un mot aux investisseurs. Il leur a promis que les revenus du groupe augmenteront cette année de 400% pour réaliser un chiffre d’affaires de 2 milliards. Quant à la valorisation, elle a passé le cap symbolique des 50 milliards de dollars.

Le jeune PDG ne compte évidemment pas s’arrêter là. Il a défrayé la chronique en recrutant 40 chercheurs et scientifiques du National Robotics Engineering Center pour les faire travailler sur les transports du futur. Cette vaste opération a été qualifiée de braquage de cerveaux.

L'appli qui fait le bonheur de tous... ou presque

Mais pour Kalanick, le vrai succès d’Uber, c'est le bonheur qu’il offre à tous. "Une ville qui accueille Uber est une ville où les gens passent moins de temps dans les embouteillages ou à la recherche d'une place de parking, une ville où les gens dépensent moins d’argent dans les voitures ou leurs déplacements".

Cette vie merveilleuse est-elle partagée par tous? Pas sûr. Du côté des chauffeurs, le rêve devient de moins en moins rose. Avec le décuplement des VTC, la concurrence avec le covoiturage et le combat juridique avec les taxis dans de nombreuses villes, la vie des chauffeurs n'est pas des plus idylliques. 

En France, pour arriver à gagner un revenu net de seulement 1.500 euros par mois, ces indépendants doivent parfois travailler plus de 12 heures par jour et au moins 6 jours sur sept.

Fini le temps où le groupe promettait un revenu d’au moins 8.000 euros en mettant la main à la poche si le chauffeur n’atteignait pas cette somme. Sans parler de la dictature des notes données par les clients qui conduit le groupe a retiré l’appli à ceux qui sont accusés de mal faire leur travail. "Les clients ont toujours raison", nous a confié un chauffeur dont un collègue a été "viré" en quelques minutes car un passager le suspectait d’avoir bu. Malgré ses protestations et sa volonté de faire une prise de sang, il a été éjecté du système manu militari sur une accusation non vérifiée. 

Ou cet autre qui, à la suite d’une plainte, a été privé d'appli, et donc de travail, pendant 15 jours pour avoir gardé un siège bébé installé pour un précédent client. Ou encore ces demandes de plus en plus extravagantes de clients qui envoient les chauffeurs faire leurs commissions, faire des déménagements sauvages ou... abandonner un chien avant de partir en vacances! Et, sur tous ces points, les VTCistes qui travaillent pour le groupe américain ne se sentent pas vraiment soutenus. 

La rumeur d'une grève mondiale de l'appli

Aussi, la situation se tend. Comme nous l’a confié un chauffeur, la tension est telle que des rumeurs de grève se font entendre. Il s’agirait d’éteindre l’appli aux heures les plus chaudes de la journée, et cela dans toutes les villes du monde. 

Ce moment arrivera-t-il ? Certains l’espèrent, mais la plupart disent d’ores et déjà qu’ils ne se mobiliseront pas. "J’ai besoin de gagner ma vie et je ne veux pas être privé de l’appli après un mouvement de colère qui ne nous amènera rien", nous a indiqué un chauffeur conscient que son statut d’auto-entrepreneur n’offre pas les mêmes avantages que celui d’artisan ou de salarié.

Quant à Travis Kalanick, il rappelle qu'il a apporté de nouveaux revenus à de nombreuses personnes dans le besoin. Il a rappelé qu’avec son service de covoiturage, tout le monde a la possibilité de "gagner 50 dollars en quelques heures. C’est un petit miracle. " Mais pour beaucoup, c'est plutôt un mirage.

Pascal Samama