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Un jardin sur le toit ?

Beaugrenelle a mis des ruches sur son toit.

Beaugrenelle a mis des ruches sur son toit. - Martin Bureau - AFP

Un nouvel amendement oblige les toits des nouveaux bâtiments construits dans les zones commerciales à être, au moins partiellement, végétalisés. Si le gouvernement multiplie les engagements pour des villes plus vertes, les initiatives privées sont encore peu développées.

Les toits français se mettent au vert. Non pas parce que le printemps est arrivé, mais parce que la loi est passée par là. En effet, dans le cadre du projet de loi "Biodiversité" adopté fin mars par l'Assemblée nationale, un amendement oblige, lors de nouvelles constructions, de recouvrir le toit de végétaux ou d'équipements de production d'énergie renouvelables.

Néanmoins, cette obligation n'est pas aussi astreignante qu'elle n'y paraît. Si les écologistes voulaient imposer ces aménagements à toutes les nouvelles constructions, les députés, eux, ont été moins contraignants. Ces toits verts ne concernent que les toitures des zones commerciales. De plus, ces installations ne recouvrent pas obligatoirement l'ensemble de la toiture, elles sont prévues sur "tout ou partie".

Ce n'est pas la première avancée écologique dans ce domaine. En juillet 2011, un décret avait déjà prévu que les autorités en charge de l'urbanisme ne puissent plus s'opposer à la végétalisation des façades et toitures.

Utiliser le toit-terrasse

"Les jardins sur les terrasses sont des systèmes connus et utilisés depuis longtemps, explique Michel Cossavella, directeur opérationnel direction Clos et Couvert du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Ce qui est récent (un peu moins de dix ans) ce sont les toitures végétalisées de faibles épaisseurs sur les toitures, dites extensives, avec des plantes tapissantes ". Il suffisait d'installer sur des terrasses inaccessibles un substrat de faible épaisseur, sur lequel vont pousser de petites plantes.

Les municipalités veulent désormais développer des toitures à végétation semi-intensive sur des substrats plus épais. Des plantes plus grandes, voire même être des arbres pourraient y prospérer. 

La France fait plutôt figure de bonne élève dans ce domaine. En 2015, on devrait recenser dans l'Hexagone 1 million de mètres carrés de plus de toits végétalisés. Les villes ont tout intérêt à pousser cette pratique. Ismaël Baraud, spécialiste toiture et étanchéité au CSTB, explique que ces toitures permettent à l'eau de pluie d'être retenue par le substrat. "Le procédé retient l'eau dans un espace tampon avant de la rejeter plus tard par filtration ou évaporation". Un véritable avantage lors de fortes pluies. "Cela participera à la réduction des risques d'inondation".

Ces plantes permettent également de réduire la pollution. Une étude de l'université de Manchester, publiée en 2011, montrait que si les toits du centre-ville étaient recouverts de sedum (une plante grasse), ils pourraient piéger 210 kilogrammes de particules fines chaque année. La ville de Manchester en produit 9 tonnes par an. Pour les bâtiments commerciaux, souvent équipés d'appareils bruyants en toiture, la toiture végétalisée permet "de réduire la réverbération de ces bruits d'équipements et donc limiter leur propagation".

Néanmoins, les initiatives se concentrent aujourd'hui surtout sur les bâtiments tertiaire et publiques: les toits végétalisés concernent aujourd'hui en très grande majorité des bâtiments comme les écoles, crèches, collèges.... 

Des travaux lourds

Finalement, c'est peut-être pour les particuliers que ce dispositif a le moins d'intérêt. D'un point de vue thermique, Michel Cossavella rappelle que la toiture végétalisée permet de diminuer en été les apports solaires. Mais cela sera surtout performant si les parties vitrées le sont également.

Par ailleurs, dans les immeubles, le bénéfice d'un toit végétalisé est pour le logement directement sous la toiture. Pas pour les autres. Peu d'avantages donc, pour une mise en place difficile. Les conditions sont, en effet, difficiles à réunir pour végétaliser le toit de son logement, d'autant plus dans les villes où les logements sont majoritairement collectifs. La mairie de Paris explique que trois éléments déterminent la capacité d'un immeuble à recevoir de la végétation. Tout d'abord, les caractéristiques de la toiture tels que le type de couverture, les matériaux, la pente, sont pris en compte. Le toit doit donc être assez solide pour recevoir ces plantes. De plus, la toiture doit être accessible (aux moins aux professionnels qui installent et entretiennent ces plantes). Les toits doivent également être pourvus d’équipements relatifs à la protection des personnes. Et enfin, il doit être étanche.

Des travaux lourds sont souvent à prévoir afin d'accueillir le dispositif. Par ailleurs, il faut compter entre 20 et 300 euros du mètre carré pour l'installation d'un toit végétal, une somme à laquelle il faut évidemment rajouter les frais d'entretien.

Pas de crédit d'impôt

Un investissement d'autant plus lourd qu'il faut en assumer seul le coût. "Les aides de l'Etat, tel que le crédit d'impôt pour la transformation énergétique, concernent la rénovation énergétique des logements. Les toitures végétalisées ne sont pas éligibles", note Marion Rungette, du service presse de l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

Néanmoins, certaines villes comme Paris tentent de pousser les particuliers à se lancer. L'été dernier, par exemple, les Parisiens avaient deux mois pour signaler, via l'appli DansMaRue ou le site paris.fr, les lieux végétalisables pouvant accueillir une jardinière, un mur végétale, un arbuste. Parmi 1.500 propositions, 209 ont été retenues.

De plus, l'Ile-de-France propose une aide pour financer les toitures végétalisées: 20 euros par mètre carré, avec un montant maximum de 100.000 euros et plafonné à 50% du montant hors taxe des dépenses. Mais attention, seul le système extensif est éligible (voir ci-dessous). "Les particuliers ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif. Cependant les syndics de copropriété, par exemple, peuvent prétendre à cette subvention, ce qui au final, bénéficie aussi aux particuliers", explique Quentin Pichard, attaché de presse de la Région Ile-de-France.

Il existe une autre aide, dont peuvent, cette fois-ci, directement bénéficier les particuliers, mais seuls ceux propriétaires d'une maison individuelle. Encore une fois, seuls les systèmes extensifs sont éligibles. L'aide se limite à 45 euros par mètre carré. Les demandeurs doivent disposer d’un revenu fiscal du ménage par unité de consommation inférieur à 28.362 euros (Le revenu fiscal des ménages par unité de consommation est une donnée proche du quotient familial: il s’agit de diviser le revenu fiscal de référence par un nombre de part, appelé unité de consommation. Le premier adulte compte pour 1, les autres adultes et enfants de plus de 14 ans comptent pour 0,5, et les enfants de moins de 14 ans comptent pour 0,3).

Quel procédé choisir?

En France, trois procédés sont possibles. La toiture à végétation intensive est une classique toiture-jardin avec 50 cm de substrat dont les coûts sont très élevés (jusqu'à 300 euros le mètre carré).

La végétalisation extensive contient moins de 10 cm de substrat, c'est le choix le moins cher (entre 20 et 60 euros du mètre carré).

Et le toit avec végétalisation semi-intensive prévoit entre 10 et 30 cm de substrat (entre 60 et 100 euros).

Chaque toit doit être étudié pour savoir quel procédé peut être mis en place.

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze Journaliste BFM Éco