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Un opérateur mobile de moins fait-il monter les prix?

Les études montrent que la réduction du nombre d'opérateurs mobiles entraîne une hausse des prix. C'est notamment ce qui a été constaté en Autriche et aux Pays-Bas.

"On a en France des prix parmi les plus bas du monde. C'est un acquis qui est définitif. Je le dis très clairement: en aucune manière, si rapprochement il devait y avoir entre Orange et Bouygues Telecom, cela ne se traduirait par une augmentation des prix. La question n'est pas là". Mardi 5 janvier sur RTL, le PDG d'Orange Stéphane Richard a tenu à rassurer sur les conséquences d'une réduction du nombre d'opérateurs mobiles.

Mais les marchés financiers font une analyse opposée du projet de rachat. Mardi, après la confirmation des discussions, Orange a gagné 0,7%, Bouygues 0,39% et Iliad 2,74%. SFR Numericable a même flambé, s'offrant une hausse de 12%!

Remettre en état le marché

Si la bourse applaudit l'idée d'un rachat de Bouygues Telecom par Orange, c'est parce qu'une telle opération réduirait concurrence et guerre des prix, faisant remonter les profits des opérateurs. Dans le jargon des analystes financiers, on appelle cela le market repair, littéralement la remise en état du marché. "Les bénéfices d'un market repair via une consolidation apporteront une grande valeur à tous les participants", écrivent les analystes de Mirabaud. "La consolidation permettra potentiellement un market repair. Elle pourra améliorer l'environnement concurrentiel, en particulier après la récente chute du chiffre d'affaires des opérateurs, qui se chiffre à -28% depuis le plus haut atteint en 2009", abonde Morgan Stanley.

Les analystes financiers se basent notamment sur les exemples étrangers, qui montrent que la réduction du nombre d'opérateurs mobiles fait remonter les prix. Ainsi, une étude récente du Cerre (Centre on regulation in Europe) montre que le passage de quatre à trois opérateurs fait augmenter les prix de 4% à 16% selon les configurations. L'étude (qui se base sur les tarifs pratiqués dans les 33 pays de l'OCDE entre 2002 et 2014) montre qu'inversement, l'arrivée d'un nouvel opérateur fait baisser les prix de 8,6% en moyenne.

Des cinq à trois opérateurs aux Pays-Bas

Pays par pays, il est plus difficile de tirer des enseignements, car beaucoup de rachats (Allemagne, Irlande...) sont trop récents. Mais les rachats qui ont eu lieu en Autriche et aux Pays-Bas sont suffisamment anciens pour être exploitables. 

Ainsi, aux Pays-Bas, le nombre d'opérateurs mobiles s'est réduit de cinq à trois en deux étapes: d'abord, rachat de Telfort par KPN en 2005; puis en 2006, fusion entre les filiales bataves d'Orange et de Deutsche Telekom. Une récente étude d'économistes commandée par Bruxelles a chiffré les conséquences tarifaires de cette dernière fusion. Selon cette étude, les prix n'ont pas augmenté dans l'absolu. Mais, quand on compare l'évolution des prix néerlandais à celle des pays voisins, on constate alors que les prix néerlandais ont augmenté de manière relative. "La hausse des prix apparaît la plus forte pour les gros consommateurs, avec une hausse estimée entre 10% et 15%", pointe l'étude. 

Hausse de 29% en Autriche

De même, en Autriche, le nombre d'opérateurs mobiles est passé de cinq à trois en deux temps: d'abord en 2006 via le rachat de tele.ring par Deutsche Telekom, puis fin 2012 par le rachat de la filiale autrichienne d'Orange par Three, qui appartient au hongkongais Hutchison.

Selon l'étude commandée par Bruxelles, le premier rachat "n'a pas conduit à des hausses de prix". En revanche, le second rachat a clairement fait grimper l'addition. C'est ce que montrent les chiffres du gendarme local des télécoms, le RTR, comme ceux de l'organisme de statistiques local. Précisément, les prix ont augmenté de 29% dans les deux ans qui ont suivi le second rachat. Toutefois, les prix sont depuis repartis à la baisse. Au final, la hausse n'est plus que de 15% entre le rachat et fin septembre 2015. "Ce sont les forfaits les moins chers dont les tarifs augmentent le plus", pointe une étude d'UFC Que Choisir.

Les analystes de Natixis tirent plusieurs enseignements du cas autrichien: "les tarifs mobiles ont augmenté significativement, et la rentabilité des opérateurs s’est améliorée. Ainsi, au 3ème trimestre 2015, la marge brute d'exploitation de Telekom Austria est ressortie à 40,3%, son plus haut niveau depuis 3 ans. Cette performance résulte notamment d’une baisse marquée des dépenses marketing, qui sont en recul de 25% sur 3 ans". Autrement dit, la consolidation se traduit "plutôt par une moindre intensité commerciale et des baisses de subventions aux clients". En revanche, "la facture moyenne par client (ARPU) n'a paradoxalement pas augmenté. Ce phénomène peut provenir d’une diffusion très lente des nouveaux tarifs dans les portefeuilles clients des opérateurs". 

Fusions entre opérateurs mobiles en Europe depuis 2010 (et nombre d'opérateurs avant -> après)

2010
Grande-Bretagne: fusion entre Orange et T-Mobile (5->4)

2012
Autriche: Three rachète Orange (4->3)

2014
Irlande: Three rachète o2 à Telefonica (4->3)
Allemagne: Telefonica rachète E-Plus (4->3)

2015
Norvège: fusion entre Telia et Tele2 (3->2)
Grande-Bretagne: Three rachète Telefonica (4->3)*
Italie: fusion entre Three et Wind (4->3)*

2016
France: discussions de rachat de Bouygues Telecom par Orange (4->3)*

*non encore approuvé par les autorités de concurrence

Source: Morgan Stanley

Jamal Henni