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Energie

Une "révolution de l’hydrogène" est-elle possible?

Gros plan sur un pistolet d'hydrogène dans une station de distribution.

Gros plan sur un pistolet d'hydrogène dans une station de distribution. - Blaise Bernard / Total.

Un vecteur de la transition énergétique : c’est ainsi que beaucoup d’énergéticiens considèrent l’hydrogène. Beaucoup de recherches et d’améliorations technologiques sont encore nécessaires pour réaliser cette prédiction. Mais une dynamique est enclenchée dans plusieurs grands pays du monde.

Le rôle de l’ hydrogène en tant que vecteur d’énergie est connu depuis le XIXe siècle. Jules Verne anticipait déjà une véritable révolution énergétique dans son roman "L’Île mystérieuse". L’ingénieur Cyrus Smith apostrophe ses compagnons d’aventure : "oui, mes amis, je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir."

Dès les années 1840, l’hydrogène produit à partir de la distillation de la houille fournissait éclairage public et gaz de ville. L’hydrogène trouva ensuite un nouvel élan dans la seconde moitié du XXe siècle, avec les recherches autour des programmes spatiaux. Il s‘agit alors de générer de l’énergie de façon autonome à bord des satellites ou de propulser les lanceurs d’engin.

Les premières applications

Ce qui est nouveau depuis le début du XIXe siècle, c’est la dynamique qui a mis en mouvement des équipes de chercheurs, notamment en France, et anime de premières applications industrielles, comme au Japon, en Corée, aux États-Unis ou en Allemagne (1)(2). La commercialisation des premières voitures à hydrogène est annoncée pour 2015, des installations intégrées de la taille d’un containeur commencent à fournir de l’électricité et de la chaleur pour chauffer immeubles et espaces commerciaux, tandis que des bus, des camions et des chariots élévateurs fonctionnent déjà à l’hydrogène et que des couplages décentralisés avec les énergies solaire et éolienne sont déjà réalisés. (Voir le décryptage : "Les multiples utilisations de l’hydrogène").

Si l’utilisation de l’hydrogène reste jusqu’à présent cantonnée essentiellement à la fabrication d’ammoniac et au raffinage du pétrole, sa capacité de vecteur d’énergie paraît promise à d’importants développements.

Des émanations d’hydrogène naturel ont été repérées dans certains sous-sols, mais on est loin d’une exploitation

La difficulté de la production

Son principal handicap est qu’il faut le produire. De ce point de vue, il n’est pas une source d’énergie primaire, comme le pétrole, le gaz, la biomasse ou le vent, mais un "vecteur d’énergie", comme l’électricité ou la chaleur.

On a certes détecté quelques émanations naturelles d’hydrogène, au fond des océans ou au centre de certains bassins continentaux, notamment dans les plaines russes. L’hydrogène naturel a été repéré dans des boues de forages gaziers, au Mali ou aux États-Unis, où on a commencé à le récupérer.

Mais on est très loin d’une exploitation, si tant est qu’on l’atteigne un jour, et il faut donc le fabriquer en l’isolant des éléments auxquels il est associé, comme le carbone ou l’oxygène de l’eau. (Voir le décryptage : "Comment fabriquer l’hydrogène"). Il s’agit ainsi d’une ressource renouvelable. En ce qui concerne ses performances en matière d’émissions de CO2 , tout dépend de la technique de fabrication : l’essentiel est obtenu aujourd’hui à partir des énergies fossiles, mais la gazéification de la biomasse et l’électrolyse de l’eau apparaissent comme des voies possibles, ce qui lui conférerait le caractère d’un combustible "propre".

Dans son utilisation ultérieure, l’hydrogène ne dégage pas non plus de CO2. S’il alimente une pile à combustible (Voir le décryptage : "Les différents types de piles à combustible"), il produit de l’électricité en rejetant de l’eau et de la chaleur.

Stockage et coût

S’il a une excellente densité énergétique (il contient 3 fois plus d’énergie par unité de masse que le gazole ), c’est un gaz qui est difficile à stocker et distribuer. Il faut de l’énergie pour le liquéfier ou le compresser et, parce qu’il est très léger, son transport est très peu efficace en termes d’énergie transportée par unité de volume (15 fois moins que le pétrole et 3 fois moins que le gaz naturel). (Voir le décryptage : "Les applications embarquées de l’hydrogène").

10 € : ce que devrait coûter, en 2020, 1 kg d’hydrogène, pour rouler plus de 100 km

En matière de coût, l’hydrogène produit par vaporeformage du méthane coûte à la sortie de l’usine, hors distribution, environ 1,5 €/kg d’H2. Le prix de l’hydrogène produit par des électrolyseurs industriels est beaucoup plus élevé : entre 5 et 30€/kg d’H2 suivant le prix de l’électricité (3). En ce qui concerne le "prix à la pompe" pour les futures voitures à hydrogène, donc après transport et compression, un objectif de 10 euros par kilogramme d’ici 2020 est jugé nécessaire pour convaincre le consommateur (4), sachant qu’un kilogramme permet de parcourir plus de 100 kilomètres.

Sources :

(1) CEA

(2) Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques 

(3) CEA

(4) Industrie et technologies 

Yves Cappelaire