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Opel applique désormais la méthode Tavares

VIDÉO - Ce jeudi 9 novembre, PSA a présenté son plan de redressement de la marque allemande Opel. Au programme: plus de modèles électrifiés, une mise en commun des organes mécaniques, et surtout une baisse drastique des coûts de production. Après avoir redressé le groupe PSA, Carlos Tavares applique désormais sa méthode chez Opel.

Presque 120 ans après avoir créé sa première automobile, en 1899, Opel tourne aujourd’hui une nouvelle page de son histoire. Après son rachat par le groupe français PSA finalisé début août, la marque allemande dévoile ce 9 novembre son plan de redressement, "100 jours plus tard" comme n’a pas manqué de le souligner le PDG de PSA Carlos Tavares. Baptisé "PACE", il vise à rendre rentable un constructeur moribond, loin des marques premium de l’industrie automobile allemande.

Pas de fermeture d’usine d’ici 2020

C’est le tout nouveau directeur général d’Opel, Michael Lohscheller, qui a dévoilé PACE. C’est également lui qui va être chargé d’appliquer cette "méthode Tavares" à la marque au Blitz. L’objectif est simple: ramener rapidement Opel sur la voie de la rentabilité, après 88 ans de gestion par General Motors (GM) et 10 ans de déshérence suite à la crise de 2008. D’ici 3 ans, Opel a donc pour objectif d’afficher 2% de marge pour sa division automobile, puis 6% en 2026. Ces objectifs rappellent clairement le plan de redressement de PSA "Back in the Race" lancé en 2014 par Carlos Tavares, tout comme la stratégie préconisée.

Premier objectif: Opel doit réduire de 700 euros les coûts de production de ses voitures. Pour y parvenir, le constructeur devra réduire les dépenses liées à la conception et fabrication même des véhicules: baisse des frais généraux, meilleure optimisation des dépenses R&D, baisse du coût du travail.

"La réduction constante du coût du travail est une nécessité et doit être obtenue par des mesures réfléchies telles que des concepts innovants d'aménagement du temps de travail, des programmes de départs volontaires ou dispositifs de retraite anticipée, a déclaré ce jeudi Michael Lohscheller. Je me concentre surtout sur les coûts concernant les salariés".

PSA n’envisage ni fermeture d’usine, ni licenciement sec, au moins d’ici 2020. Le but est de pouvoir réaliser plus de marges sur chaque voiture vendue, tout en augmentant les prix des marques. Opel envisage ainsi de baisser le seuil de rentabilité à 800.000 véhicules par an d’ici 2026, et prévoit d’augmenter ses ventes de 25% d’ici 2020.

Plus de voitures hybrides et électriques

Second objectif: Opel et PSA doivent accroître leurs synergies. Notamment dans le partage des composants techniques. Opel utilisera désormais des plateformes PSA comme celle utilisée pour la fabrication des petits véhicules (CMP) ainsi que celle destinée aux plus grands modèles (EMP2), notamment utilisée sur les SUV 3008 et 5008. Opel n’utilisera plus que deux plateformes, a affirmé Michael Lohscheller lors de la conférence de presse, contre neuf aujourd’hui, afin de réaliser les économies d’échelle. Idem pour les familles de moteurs, qui seront réduites de 10 à 4.

"En 2024, tous les modèles de véhicules particuliers Opel/Vauxhall reposeront sur des architectures communes au Groupe PSA", précise ainsi Opel dans son communiqué. Opel accélérera également la conception de modèles électrifiés, dans la lignée de l’Ampera-e (conçue avec General Motors). "D’ici à 2024, l’offre de véhicules particuliers en Europe sera électrifiée avec un moteur 100 % électrique ou plug-in hybride, en complément de moteurs thermiques efficients", souligne Opel. Ainsi, en 2020, le nouveau SUV GranLand X disposera d’une version hybride rechargeable. La citadine best-seller Corsa disposera elle d’une version 100% électrique dès 2019.

Le centre de R&D de Rüsselsheim (Allemagne), où est situé le siège d’Opel, deviendra un centre de compétences important pour de nouvelles technologies comme la pile à combustible ou les aides à la conduite. C’est aussi à Rüsselsheim que seront développés les nouveaux modèles Opel. "Opel restera une marque allemande", a martelé Michael Lohscheller. Les interrogations sur l’identité allemande avaient été soulevées par Carlos Tavares lors du rachat de la marque en mars. Carlos Tavares avait alors affirmé que certains clients ne voulant pas acheter de voitures françaises, il achetait donc une marque allemande afin de leur vendre des véhicules.

À la question "Comment allez-vous faire passer les Opel pour des voitures allemandes auprès des clients alors qu’elles s’appuient sur une base française", Carlos Tavares s’est montré très clair.

"Quand nous disons à nos designers qu’ils peuvent faire preuve de toute leur créativité en tant qu’équipe allemande, ils vont exprimer le caractère allemand d’Opel car ils comprennent le pays, l’importance de la technologie, il me reste à leur dire vous êtes une équipe allemande, exprimez cette mobilité allemande", a répondu le patron de PSA.

Vendre plus d’Opel dans le monde

Dernier objectif d’Opel: conquérir de nouveaux marchés. D’ici 2024, le constructeur devra réaliser plus de 10% de ses opérations hors d’Europe, alors que le groupe reste majoritairement une marque européenne, excepté la Russie. "Le fait que le groupe PSA opère partout dans le monde nous donne de nombreuses opportunités dans le monde, notamment au Brésil et Asie", a expliqué Michael Lohscheller. La Turquie sera l’un des premiers marchés de conquête d’Opel, qui se déploiera sur plus de 20 nouveaux marchés d’ici à 2022, comme Taiwan, l’Arabie Saoudite ou encore l’Argentine. L’an dernier, Opel n’a vendu que 1,16 million de voitures principalement en Europe.

Remédier à 15 ans de difficultés

"Ce plan a été bâti par des employés Opel pour des employés Opel, a tenu à souligner Carlos Tavares lors de la conférence de presse. Mais un plan ne sera que 5% de travail à faire, il reste 95% de mise en œuvre. Aujourd’hui, nous n’avons fait que 5% du travail".

S’il a loué l’engagement des salariés, Carlos Tavares a également dressé un bilan très dur de la situation d’Opel. "Nous ne nous sommes pas préparés à l’avenir ces 15 dernières années, incapables de répondre aux normes CO2, a asséné Carlos Tavares. Et il faut aussi reconnaître que cette société a accumulé 10 milliards de pertes, supprimé près de 30.000 postes de travail et perdu beaucoup de postes en Europe. C’est notre situation de départ, et elle est dramatique".

Le tableau dressé par Carlos Tavares n’était pas tendre avec Opel. Lors d’une visite des sites de production Opel en septembre, il avait notamment parlé d'"énormes" déficits de compétitivité, avec des coûts de production jusqu'à 50% plus élevés chez l'allemand qu'au sein de sa maison-mère française. "La seule chose qui protège les salariés, ce sont les bénéfices", avait-il alors averti en martelant qu'Opel devrait renouer avec les profits au plus tard en 2020.

Antonin Moriscot et Pauline Ducamp