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Voici à quoi ressemble le fraudeur en entreprise

Parfois mandaté par les entreprises pour enquêter sur des fraudes dont elles ont été victimes, le cabinet KPMG a dressé le profil-type du fraudeur. C'est un col blanc insoupçonnable, une taupe qui fait en règle générale partie des effectifs de la société concernée.

C'est l'un des tabous ultimes en entreprise: la fraude interne. L’employé "taupe" qui nuit à l’entreprise de l'intérieur. Souvent, les employeurs préfèrent détourner les yeux, ne pas mettre en place de politique de contrôle pour ne pas donner de mauvaises idées à ses collaborateurs. Pourtant, parmi les fraudes dont les entreprises sont victimes, la grande majorité est élaborée en son sein, par ses propres effectifs, selon une enquête de KPMG. Plus de deux fois sur trois, le fraudeur est salarié de l’entreprise victime.

Un col blanc insoupçonnable

Alors de quel genre de fraude parle-t-on? Pas de vols de post-it. Non. KPMG en liste trois types:

> Le détournement d’actifs, c'est-à-dire par exemple le vendeur qui se sert dans la caisse, les fausses factures, les notes de frais fictives. Ou de la cybercriminalité, comme du vol de données stratégiques.

> Cela peut être aussi des faux bilans, un cadre qui maquillerait les comptes pour faire croire que tout va mieux qu’en réalité.

> Et enfin, "la fraude qui coûte le plus cher relève de la corruption au sens large", explique Jean-Marc Lefort, associé de KPMG, spécialiste en matière de lutte contre la fraude comptable et financière. Par exemple, "un responsable des achats qui va choisir tel prestataire alors qu’il a un intérêt dans sa société".

Le cabinet s'est par ailleurs penché sur le profil du coupable. Il a dressé le portrait-robot du fraudeur à partir de 750 cas découverts partout dans le monde et sur lesquels ses équipes ont enquêté. Parmi ces fraudeurs, peu de jeunes, peu de femmes. Plutôt du col blanc classique, au-dessus de tout soupçon. Dans 80% des cas, c'est un homme, âgé de 36 à 55 ans. Il occupe 7 fois sur 10 une position de pouvoir dans l'entreprise, manager ou dirigeant en son sein. Avant d'être démasqué, il inspirait la confiance, il était respecté de ses collaborateurs.

La fraude interne, la plus difficile à déjouer

Et il fait très mal aux entreprises. En 2014, le total de ces fraudes en France aurait coûté 2 points de PIB, selon la Commission européenne. Soit beaucoup plus que la fraude externe, et notamment la fraude au président, ces virements frauduleux obtenus en manipulant les interlocuteurs de l'entreprise. Au total, selon KPMG, ce genre de malversations n'a coûté "que" 600.000 euros en 5-6 ans aux entreprises. Un montant dérisoire comparé à la fraude interne.

Problème: il est bien plus difficile de déjouer la fraude interne que la fraude externe. "Il n’y a pas d’outil miracle", admet Jean-Marc Lefort, tout en plaidant pour que les entreprises se saisissent néanmoins du problème. Reste que renforcer les contrôles internes comporte le risque de rompre la confiance avec les salariés. La majorité des collaborateurs, des “innocents”, se sentiraient traqués, épiés. Or toutes les études montrent qu'un manque de confiance de leur hiérarchie nuit à leur motivation, à leur productivité, à leur créativité. Là aussi, l’entreprise a beaucoup à perdre.

Nina Godart