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Voilà par quoi il faut passer si vous voulez travailler pour Elon Musk 

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Le patron de Tesla et de SpaceX a une technique de recrutement bien à lui. Le processus imposé à toutes les entités du groupe viennent d'être révélées par l'auteur de la biographie d'Elon Musk.

Hasard du calendrier: c'est à quelques jours d'intervalles que sortent des œuvres biographiques sur les 2 plus grandes figures du business américain. Le film "Steve Jobs" d'un côté et le livre "Elon Musk: l'entrepreneur qui va changer le monde" (Editions Eyrolles, 24,90 euros). Et les parallèles entre le fondateur d'Apple et celui de Tesla et Space X sont troublants. Même volonté de vouloir changer le monde, de casser les cadres préétablis, même perfectionnisme implacable et exigence maniaque. 

Des traits de caractère qui s'illustrent notamment dans le processus de recrutement. Comme Steve Jobs en son temps, Elon Musk ne veut que la crème de la crème. Changer le monde est une activité qui exige d'avoir les ingénieurs les plus inventifs, les commerciaux les plus féroces, les marketeurs les plus créatifs et les ouvriers les plus rigoureux.

Musk vous veut ! Rendez-vous dans un bar

Dans son livre sur Elon Musk, l'auteur Ashlee Vance explique que chez Space X ou Tesla, les "tièdes" n'ont pas leur place. Ni les candidats trop scolaires d'ailleurs.

"Le modèle de recrutement de SpaceX est sensible aux notes excellentes obtenues dans des écoles excellentes. Mais la société cherche surtout à détecter des ingénieurs qui ont démontré des traits de personnalité de type A au cours de leur vie. Ses recruteurs recherchent par exemple des gens qui ont brillé dans des concours de réalisation de robots ou qui ont construit des voitures de course originales. Il s'agit de trouver des personnalités passionnées, capables de bien travailler en équipe et qui ont une expérience pratique du travail du métal. "Même si ton travail consiste à écrire du code, tu dois comprendre comment fonctionne la mécanique", souligne Dolly Singh, qui a été pendant cinq ans responsable du recrutement."

Et pour trouver ces perles rares, la responsable du recrutement ne se contente pas de donner mandat à un chasseur de tête. Elle effectue un véritable travail de fourmi.

"Quelques fois, ces gens venaient tout seuls. D'autres fois, Dolly Singh avait recours à quelques techniques audacieuses. Elle épluchait les revues scientifiques à la recherche d'ingénieurs aux caractéristiques très précises, elle appelait les chercheurs à leur bureau sans s'être fait annoncer, elle arrachait à l'université des ingénieurs inspirés. Dans les congrès et les expositions, les recruteurs de SpaceX usaient de manœuvres florentines pour attirer les candidats intéressants. Ils leur remettaient des enveloppes vierges contenant une invitation pour une première rencontre dans un bar ou un restaurant des environs. Les candidats qui s'y rendaient découvraient qu'ils faisaient partie d'une poignée d'élus parmi les participants au congrès."

Une fois dans la short-list, c'est alors que commencent les épreuves. Un véritable concours d'entrée digne d'une grande école.

"SpaceX soumet ses éventuelles recrues à un feu roulant d'entretiens et de tests. Certains entretiens sont d'aimables conversations où l'on se découvre mutuellement. D'autres sont remplis d'épreuves parfois difficiles. Les interrogatoires les plus rigoureux sont en général réservés aux ingénieurs, mais gestionnaires et commerciaux sont aussi mis à rude épreuve. Les programmeurs qui s'attendent à passer par des épreuves classiques ont un réveil pénible. Dans les entreprises, classiquement, on les invite à résoudre des problèmes qui demandent deux ou trois douzaines de lignes de code. chez SpaceX, le problème standard réclame au moins 500 lignes. Tous les candidats qui vont jusqu'au bout de la procédure d'entretiens ont une dernière tâche à affronter: rédiger à l'intention de Musk un essai expliquant pourquoi ils veulent travailler chez SpaceX."

La devinette d'Elon Musk

Les rares chanceux qui réussissent ces épreuves ont droit au Graal: la rencontre avec Musk en personne. Le patron s'est entretenu avec l'intégralité des 1.000 premiers collaborateurs de Space (techniciens et agents de sécurité inclus. Depuis il se contente de rencontrer les ingénieurs.

"Avant d'être introduit, chaque salarié a droit à un avertissement: l'entretien peut durer entre 30 secondes et 15 minutes. Elon continuera probablement à rédiger des e-mails et à faire son travail pendant la première partie de l'entretien, sans parler beaucoup. Ne paniquez pas. C'est normal. A un moment, il fera pivoter son siège pour vous faire face. Là encore, pourtant, il se peut qu'il ne vous regarde pas dans les yeux ou ne semble pas totalement conscient de votre présence. Ne paniquez pas. C'est normal. Le moment venu il s'adressera à vous. Et là, les récits des ingénieurs qui ont rencontré Musk couvrent tout l'éventail de la torture au sublime. Il peut poser une seule question ou plusieurs. Mais vous pouvez être sûr qu'il vous posera LA devinette: "Vous êtes sur la surface de la Terre. Vous marchez un kilomètre au vers le sud, un kilomètre vers l'ouest et un kilomètre vers le nord. Vous vous retrouvez exactement au point de départ. Où êtes vous?" L'une des réponses est "au pôle nord", et la plupart des ingénieurs pigent tout de suite. Alors Musk reprend: "Et où encore pourriez-vous être?" L'autre réponse est quelque part du côté du pôle sud, là où, si vous marchez un kilomètre vers le sud, la circonférence de la Terre se réduit à un kilomètre. Les ingénieurs sont moins nombreux à trouver la bonne réponse et Musk se fait un malin plaisir de leur expliquer l'énigme. Il tend à s'intéresser moins à la réponse donnée qu'à la manière dont il décrit le problème et sa démarche pour le résoudre."

Pour motiver les recrues, Dolly Singh leur signifiait que SpaceX c'était le must de l'entreprise. "SpaceX, c'est les forces spéciales, raconte-t-elle. Si vous aimez que ce soit très dur, c'est bien. Sinon vous feriez mieux de ne pas venir." Et de fait beaucoup d'entre eux craquent au bout de quelques mois à cause des semaines de travail de 90 heures ou de la brusquerie du boss. Malgré tout la, plupart des ingénieurs tiennent au moins 5 ans afin d'obtenir leurs stock-options. Mais pas seulement. 

"Forcez un peu la note et le sentiment de sadomasochiste de douleur-plaisir n'est pas loin. Parmi les personnes rencontrées pour la rédaction de ce livre, beaucoup critiquent les horaires de travail, la brusquerie de Musk, ses exigences parfois ridicules. Presque toutes cependant, mêmes celles licenciées, lui rendent hommage et le décrivent en des termes normalement réservés aux super-héros ou aux divinités."

Alors seriez-vous capable de travailler pour un Dieu?

Frédéric Bianchi