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Transports

Voiture sans conducteur: un casse-tête pour les assureurs

Les assureurs réfléchissent aux implications de la voiture sans conducteur.

Les assureurs réfléchissent aux implications de la voiture sans conducteur. - Mercredes

Cette nouvelle technologie va obliger les assureurs à changer leur modèle. Et risque de réduire leur prime.

Une avancée technologique qui donne du fil à retordre à certains! Les constructeurs automobiles ne sont pas les seuls à plancher sur la voiture sans conducteur, les assureurs commencent aussi à réfléchir au changement de modèle drastique qu'impliquera la montée en puissance de cette rupture technologique. "Nous sommes convaincus que l'arrivée et l'extension de ce type de véhicule est inéluctable. Pour la société, c'est une très bonne chose car toutes les conditions sont réunies pour que les accidents baissent énormément", explique François Nédey, directeur technique assurances de bien et de responsabilités chez Allianz.

Pour le secteur de l'assurance automobile, qui représentait 20 milliards d'euros de cotisations en France en 2014, la perspective est toutefois moins réjouissante car la généralisation des véhicules autonomes se traduira non seulement par une baisse des primes mais aussi par un changement de modèle: s'il n'y a plus de conducteur, il ne peut plus être responsable.

Dans une étude publiée en juin, le cabinet KPMG estime que l'avènement de la voiture sans conducteur pourrait réduire l'assurance automobile des conducteurs particuliers à moins de 40% de ce qu'elle pèse aujourd'hui, à horizon de 25 ans, avec une baisse de 80% de la fréquence des accidents. Pourtant, selon cette étude conduite auprès des assureurs américains, près des trois quarts d'entre eux ne sont pas préparés à ce changement.

La réglementation interdit encore de lâcher le volant

Certains modèles haut de gamme, notamment allemands, proposent déjà une conduite semi-autonome dans les embouteillages, avec des régulateurs de vitesse perfectionnés, mais la réglementation interdit encore aux conducteurs de lâcher le volant. Les statistiques montrent que les véhicules équipés de radars frontaux ont 15% d'accidents en moins, selon François Nédey.

La plupart des constructeurs et équipementiers oeuvrent par ailleurs à la mise au point de modèles capables de se déplacer sans action humaine sur l'accélérateur, le frein ou le volant, avec déjà des tests en conditions réelles. "La Google Car va tuer l'assurance automobile", lançait un brin provocateur Stanislas di Vittorio, le patron du comparateur d'assurance Assurland, au responsable de Google France lors d'un forum mi-septembre. "Le jour où on verra une Google Car prendre correctement le carrefour de l'Etoile (place parisienne où la circulation est particulièrement pénible, NDLR), on verra", répondait Nick Leeder. Selon Stanislas Di Vittorio, les assureurs ne sont pas vraiment inquiets.

"Il y a plusieurs facteurs qui vont ralentir l'adoption de ce véhicule: son coût, le cadre juridique qui n'existe pas et l'aspect social, les gens sont-ils prêts à ne plus conduire leur voiture?", souligne-t-il. Ces barrières, qui s'ajoutent au rythme du renouvellement du parc automobile (entre 15 et 20 ans), rendent l'échéance trop lointaine pour qu'il y ait une réelle préoccupation, selon lui, d'autant qu'"il y aura toujours de la matière assurable". Mais la réflexion est engagée: en France, les assureurs ont constitué un groupe de travail sur la question, notamment pour échanger avec le gouvernement sur la réglementation, indique François Nédey.

Que se passera-t-il pour les risques de cyberattaque?

"La manière dont on va assurer ces véhicules dépend totalement du cadre juridique", explique-t-il. "Il faut changer la réglementation en admettant que le conducteur ne peut jamais être responsable et définir tous les acteurs qui peuvent l'être ainsi que les conditions d'assurabilité des véhicules". Avec un véhicule autonome, la responsabilité se porte sur les éditeurs des logiciels de pilotage et sur les constructeurs automobiles, ce qui implique que l'assureur soit capable d'évaluer ces technologies et non plus la qualité de la conduite.

Autre complication: les cyberattaques, "seul frein au développement de ces véhicules", selon François Nédey, car "un véhicule ne sera vraiment autonome que s'il est capable de dialoguer avec son environnement, ce qui ouvre la porte aux cyberattaques". "On ne peut pas avoir de certitudes sur ce qui va se passer. Cela va énormément changer la vie des gens, la société. Il faut être ouvert à toutes les solutions et bien les anticiper", conclut-il.

D. L. avec AFP