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La BPI voit le jour sur fond de divergences et d'ambitions personnelles

Nicolas Dufourcq, le futur directeur général de la BPI, aura la lourde tâche de faire cohabiter des structures jadis indépendantes.

Nicolas Dufourcq, le futur directeur général de la BPI, aura la lourde tâche de faire cohabiter des structures jadis indépendantes. - -

Le Sénat doit voter la création de la Banque publique d'investissement, ce mercredi 19 décembre. Si son mode de fonctionnement semble se préciser, la cohabitation risque de s'avérer compliquée entre les différents acteurs.

Le "porte-avion du pacte de compétitivité", dixit Pierre Moscovici, va bientôt être mis à flots. La Banque publique d’investissement (BPI) devrait en effet passer une nouvelle étape parlementaire ce mercredi 19 décembre, avec son adoption par le Sénat après l'Assemblée.

Restera ensuite à valider la structure juridique, vendredi, puis nommer dans les prochaines semaines ses instances dirigeantes: le président non-exécutif, Jean-Pierre Jouyet, et le directeur général, en principe Nicolas Dufourcq, l’ex-numéro 2 de CapGemini, après son audition par le Parlement.

La BPI, qui portera le nom officiel de BPI France, sera ainsi complètement opérationnelle à la fin du mois de janvier.

Cette nouvelle institution, destinée à soutenir les PME françaises, prendra alors la forme d’une holding –dont l’Etat et la Caisse des dépôts seront actionnaires à égalité- faite de deux composantes distinctes.

D’un côté, la partie dédiée aux crédits (qui s’occupera de prêter aux entreprises), dont Oseo aura la charge. De l’autre, celle réservée aux investissements, qui sera composée du Fonds stratégique d’investissement (FSI) auquel est jointe la filiale de la Caisse des dépôts, CDC entreprises.

Ségolène Royal et Jean-Paul Huchon au conseil d'administration

La gouvernance de cette nouvelle banque s’est également éclaircie à mesure que le projet de loi passait les étapes parlementaires.

Les régions, qui disposeront de plateformes locales auxquelles les PME pourront directement s’adresser, disposeront de deux membres au conseil d’administration. Il s’agira de Jean-Paul Huchon, président PS du Conseil régional d’Ile-de-France, et de Ségolène Royal, son homologue de Poitou-Charentes.

Un troisième représentant des élus, Alain Rousset, le président de la région Aquitaine et, par ailleurs, président de l'Association des régions de France (ARF), siègera également au conseil, mais sans voix délibérative. Ce dernier présidera aussi le conseil d’orientation de la BPI, censé aiguiller l'institution sur les enjeux stratégiques du pays.

Désaccords entre les régions et l'Etat...

Sur le papier, tout semble donc sur des rails. Les instances dirigeantes établissent les enjeux, et les régions gèrent leurs plateformes. Sauf que ces dernières, qui réclament depuis des semaines une réévaluation de leur rôle au sein de la BPI, sont en fait cantonnées à un rôle presque consultatif. Entre elles et l’Etat, les versions divergent.

Côté régions, on assure être "vigilant sur le fait que l’on contrôle l’animation des guichets régionaux". Mais l'Exécutif ne l’entend pas de cette oreille: "L’Etat veut garder la main sur le pouvoir de décision. Les guichets ne dépendront pas des régions", glisse un parlementaire proche du dossier.

Le futur directeur général, Nicolas Dufourcq, lui, tente de désamorcer le tout, se déclarant "ravi" que les régions soient associées, ajoutant: "Plus on se place au niveau local, plus on a une vision pragmatique des dossiers". Le message est passé.

... et entre Moscovici et Montebourg

Autre motif de divergences, l’orientation même de la BPI, qui fait depuis longtemps l’objet de débats au sein du gouvernement, notamment entre Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg.

Le ministre de l'Economie tient à ce que la nouvelle structure ne fasse qu’accompagner les entreprises dans leur développement. Celui du Redressement productif voudrait qu’elle soutienne également les sociétés en difficultés, en la dotant de moyens bien plus puissants.

C’est finalement la première solution qui a été retenue, même si la définition donnée par Nicolas Dufourcq laisse place à quelques doutes: "Il y aura possibilité d’aider des entreprises en retournement, c’est-à-dire celles qui ont des difficultés à un moment donné, qui ne sont pas structurelles". Hors de question, par contre, de soutenir des entreprises "structurellement pas rentables".

Une cohabitation compliquée

La dernière difficulté, et pas des moindres, sera d’harmoniser les différentes structures chapeautées par la BPI. Et la cohabitation risque de rencontrer quelques obstacles, notamment du côté d’Oseo, qui voit d’un œil pas forcément bienveillant l’arrivée de cette super structure, et de son nouveau patron.

Au sein de l’organisme, on aime par exemple rappeler que Nicolas Dufourcq, même s'il est respecté pour son parcours, "n’est pas un banquier". Il se murmure également que François Drouin, l’actuel PDG d’Oseo, n’aurait pas digéré que l’ancien numéro 2 de CapGemini ait "pris la place" qui lui était due... Il faudra pourtant que ces deux-là s’entendent, puisque François Drouin a été nommé vice-président de la BPI.

Il ne reste maintenant plus qu’à espérer que le "porte-avion" puisse réellement prouver toute son efficacité.

Yann Duvert